La diaspora turque et kurde à Montréal mise sur le second tour électoral pour voir le vent tourner en Turquie
Après un résultat non concluant lors du premier tour électoral présidentiel le 14 mai, les membres de la diaspora turque et kurde à Montréal pourront voter par anticipation au second tour électoral du 20 au 24 mai, qui déterminera qui sera le président de la République de Turquie pour les prochaines cinq années le 28 mai.
Ayant manqué de peu la majorité absolue qui lui aurait permis une réélection au premier tour, le président sortant Recep Tayyip Erdoğan est en lice avec le candidat social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, au premier second tour à une élection présidentielle en cent ans d’existence de la République.
Bien que la constitution du pays limite à deux les mandats présidentiels, Erdoğan est au pouvoir depuis vingt ans et cherche à renouveler à nouveau son mandat.
Déconcentrer le pouvoir
«Depuis 2010 nous sommes gouvernés par le même parti, la dictature doit être abolie», lance Ayla*, résidente montréalaise originaire d’Istanbul.
Elle soutient que la concentration des pouvoirs au sein du même parti depuis vingt ans et l’arrivée de près de 4 millions de réfugiés syriens au pays depuis 2011 ont plongé le pays dans la crise économique, sociale et politique actuelle.
«Le taux d’inflation, le chômage et l’iniquité salariale sont très élevés en Turquie. Nous avons beaucoup de problèmes car la corruption est présente dans toutes les sphères de notre société, incluant le système électoral», dénonce-t-elle.
Si Ayla ne croit pas que le principal parti d’opposition soit assez «solide» pour arrêter le déclin du pays, elle est convaincue que seul un changement de pouvoir pourrait tout de même contribuer à rétablir la confiance du peuple en son système politique.
«Nous nous devons de protéger la laïcité et la liberté de pensée, menacées plus que jamais, ajoute la mère de famille. Actuellement, si tu dis quelque chose contre le gouvernement, tu peux être emprisonné. Il faut que ça change.»
Recul de la démocratie
Le [peuple] veut se débarrasser du régime. On a pensé qu’un autre parti remporterait l’élection au premier tour, mais malheureusement, ça n’a pas été le cas.
Murat Guzel, co-président de la Fondation kurde du Québec
M. Guzel dénonce, lui aussi, le dysfonctionnement des systèmes économiques, politiques et d’immigration turcs, soulignant notamment son impact sur l’augmentation de la criminalité au pays, de la pénurie des services pour les nombreux réfugiés accueillis au pays et de la méfiance du peuple dans le système électoral.
«Depuis que la République turque a été créée [en 1923], les Kurdes n’ont pas de droits, mais depuis vingt ans, la démocratie a reculé davantage. Le gouvernement actuel contrôle tout, partout au pays, et [quiconque] s’oppose à ses décisions peut être envoyé en prison», dit celui qui exercera à nouveau son droit de vote à Montréal dans quelques jours.
Taux de participation historiquement élevé
L’élection du 14 mai a enregistré le troisième plus haut taux de participation aux élections dans l’histoire du système électoral au pays.
À Montréal, plus de 4000 personnes de la diaspora turque et kurde ont déposé leur bulletin de vote aux bureaux électoraux ouverts au Consulat général de Turquie à Montréal. Au Canada, le taux de participation de la diaspora a été de 53,1%, soit 21 480 électeurs sur les 40 418 inscrits sur la liste électorale, ce qui fait miroir au taux de participation enregistré ailleurs à l’étranger.
Les gens ont voté dans un contexte politiquement sévère, mais ceci a été fait de façon pacifique et avec du respect. Je suis [persuadé] que le deuxième tour se déroulera dans les mêmes conditions.
Sencer Yöndem, Consul général de Turquie à Montréal
M. Yöndem soutient que des informations sur le manque de transparence du système électoral véhiculées par certains médias turcs ont été niées par les représentants des partis politiques, incluant celui d’opposition.
«Ceci montre que les élections sont assez fiables», dit-il, confirmant que le fonctionnement de chacun des bureaux de vote au consulat à Montréal le 14 mai a été assuré par une équipe composée de deux fonctionnaires publics et un représentant de chacun des trois partis politiques en lice.
«Je suis sûr que le deuxième tour se déroulera avec autant de transparence et cette fois, le choix du peuple sera définitif», lance-t-il.
La diaspora turque et kurde à Montréal aura la possibilité d’exercer son vote par anticipation du 20 au 24 mai entre 8h et 22h aux bureaux du Consulat général de Turquie à Montréal.
*Nom fictif afin de protéger son identité
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.