Compensations de pollution imprécises
Avec l’émission de pas moins de 60 660 tonnes de GES durant le chantier du nouveau pont Champlain, soit l’équivalent d’environ 1,2 million d’aller-retours en avion entre Paris et Londres, le consortium responsable des travaux a décidé de compenser. Signature sur le Saint-Laurent (SSL) procédera à l’achat de crédits carbone, dont les modalités restent floues.
Bien qu’SSL soit le gestionnaire d’un chantier qui coûtera près de 4 G$ en fonds publics, il a indiqué dans un courriel à TC Media que les détails de l’entente commerciale sont «confidentiels», précisant toutefois que l’achat sera vérifié par Infrastructure Canada ainsi qu’une firme indépendante.
Choix
Deux choix s’offrent à SSL pour compenser la pollution dégagée par son projet selon le chargé de cours de l’Université de Sherbrooke, Hugo Séguin, qui se consacre aux enjeux environnementaux.
«Le consortium fera soit affaire avec le marché de carbone public réglementé par l’accord entre le Québec et la Californie, ou il fera appel à une entreprise privée spécialisée dans l’achat de crédits carbones», explique M. Séguin.
En résumé, un crédit carbone sert à «acheter» le droit de polluer, dont l’argent servira à des projets environnementaux servant à réduire les GES. Ces projets doivent toutefois être mesurables et quantifiables par des experts sur plusieurs années.
Le marché public permet au ministère de l’Environnement du Québec de placer les profits des ventes de crédits dans le Fonds vert. Pour ce faire, un nombre de crédits est mis aux enchères chaque mois à certaines entreprises polluantes.
SSL ne figure sur aucune liste de candidats aux enchères présentement.
Dans ce même marché, le prix plancher est d’environ 15$ la tonne, ce qui veut dire que la construction du pont Champlain pourrait permettre d’investir près de 1 M$ dans le Fonds vert.
Marché privé
Si SSL fait affaire avec une entreprise privée experte dans l’achat de crédits carbone, l’argent sera soit réinvesti dans le reboisement massif d’une région durant plusieurs années, ou un projet structurant pour la réduction de GES, comme la transformation d’une usine de charbon en parc éolien par exemple.
«On est des entremetteurs. Selon la demande du client, on va regarder quel projet peut répondre aux besoins du client, s’il veut que ce soit local ou bien dans un autre pays. On s’occupe aussi de la certification», indique Karine Oscarson, la directrice de l’ONG Planetair qui aide les entreprises à acheter des crédits carbone.
La somme qui sera investie est toutefois moins facile à estimer. Dans le marché privé, certains crédits se vendent 3 cents l’unité alors que d’autres peuvent l’être à 30$ l’unité, tout dépendant du projet, des négociations entre les entreprises et du standard des crédits.
Déception
L’achat de crédits carbone ne plaît pas à certains résidents de l’île. «SSL respecte son contrat, mais les gens ne respireront pas mieux avec ça. On aurait souhaité qu’il y ait de la revitalisation avec des arbres», croit le président de l’Association des propriétaires et résidents de L’Île-des-Sœurs (APRIDS), Mario Langlois.
Du côté d’Infrastructure Canada, on indique qu’un projet de compensation est présentement à l’étude en collaboration avec la Ville de Montréal et les arrondissements Verdun et Sud-Ouest.