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Pas si verte, la Formule électrique

Photo: Formula e via Getty Images

Selon le maire de Montréal, Denis Coderre, le nouveau Grand Prix de Formule électrique (Formule E) qui aura lieu à Montréal à la fin juillet «sera l’occasion de faire la démonstration que la performance peut aller de pair avec le développement durable». Métro a vérifié cette affirmation en analysant le championnat selon les trois piliers du développement durable: environnement, équité et économie. Divulgâcheur: les sceptiques ne seront pas confondus.

1-Environnement
Oui, les voitures de la Formule E ne consomment pas d’essence, évitant ainsi de brûler jusqu’à 30 000 litres de carburant par épreuve, comme celles de la Formule 1. Mais l’essence des bolides ne représente que 0,3% de la pollution émise par Grands prix de F1, selon une étude exhaustive menée en 2010 par la firme TruCost. Elle pointe notamment le transport de l’équipement partout sur la planète. Pour la Formule E, même si la logistique est moindre, il faut quand même transporter 41 voitures, 250 pneus, 51 batteries et 20 bornes de recharge, soit 250 tonnes de matériel,  sur 55 000km répartis sur trois continents.

En 2016, les promoteurs de la Formule E ont déclaré avoir pollué pour l’équivalent de 12 000 tonnes de Co2, soit autant que 3 000 autos en un an. Ils ne calculent toutefois pas l’empreinte carbone liée à l’extraction des matériaux et la construction des autos, qui représentent 50% de l’empreinte carbone de la F1. Les promoteurs de la Formule E avancent que leurs émissions ont diminué de moitié par rapport à 2015, notamment en limitant le transport par avion cargo, et que la visibilité offerte pour chaque compétition pourrait contribuer à l’innovation et à la vente supplémentaire de 77 millions d’autos électriques d’ici 25 ans.

«D’ici la saison 2018-2019, nous visons à devenir la première catégorie de sport automobile entièrement carboneutre», a lancé Sam Mallison, porte-parole de Formula E Opération, dans un échange de courriels.

2-Équité
Le deuxième pilier du développement durable consiste à favoriser tous les groupes sociaux. Or, la Formule E a visiblement gardé les codes de la F1 en cantonnant les femmes au rôle de porteuses de bannières sur la grille de départ, déplore Manon Massé, députée de Québec solidaire.

«Ça renforce le vieux stéréotype de la femme-objet et contribue indirectement à renforcer le phénomène de la culture du viol», avance-t-elle. Sur la cinquantaine de pilotes qui ont essayé la Formule E depuis 3 ans, seules trois compétitrices ont été recrutées et ont abandonné depuis.

«On aurait pu révolutionner les manières de faire, pas juste au niveau de l’électrification, mais aussi en donnant plus de chances à des femmes pilotes», soutient Mme Massé, qui pense que la Ville de Montréal et Hydro-Québec, en contribuant à hauteur de 25M$, devraient faire passer le message. Du côté du cabinet du maire, on rappelle avoir donné tout récemment «un mandat au Conseil des Montréalaises afin de faire toute la lumière sur la traite des femmes lors de la semaine du Grand Prix de F1».

Autre question en matière d’équité: mis à part des billets gratuits, y aura-t-il une compensation pour les 1140 résidents qui se retrouveront enclavés au milieu du circuit durant les deux jours de compétition, en plus de subir les inconvénients liés aux trois semaines de montage et de démontage?

«Le championnat de la Formule E cherche à se différencier des autres en proposant des courses sur circuit urbain, en plus de promouvoir des valeurs différentes, soit la responsabilité sociale et le développement durable», répond Philip Vanden Brande, porte-parole d’Evenko.

La Formule E peut aussi se targuer d’avoir amélioré l’accès à l’eau potable de 35 000 personnes au Guatemala, en ayant récolté, avec ses partenaires, plus de 1,8M$ durant les deux premières saisons lors d’activités caritatives.

Néanmoins, Amnistie Montréal se questionne sur la provenance du cobalt utilisé dans les batteries des véhicules électriques. En effet, la moitié du cobalt est produit en République démocratique du Congo et souvent manuellement par des enfants. «Les recherches menées par Amnistie Internationale pour le rapport Voilà pourquoi on meurt rendu public en janvier 2016, ont permis de montrer que des adultes et des enfants n’ayant parfois pas plus de sept ans travaillent dans des conditions épouvantables dans des exploitations minières artisanales pour un dollar par jour», souligne l’organisation.

3-Économie
En gros, les dépenses municipales totalisent 24M$, mais une partie s’échelonnera sur plusieurs années. La facture comprend 5M$ de travaux routiers, qui auraient eu lieu dans un futur proche, auxquels s’ajoutent 7,5M$ pour acheter des équipements de sécurité (clôtures et blocs de béton) qui serviront pour les années futures. Un contrat de 9M$ a aussi été conclu pour le montage et le démontage des installations au cours des six prochaines années et 1,5M$ a été versé à l’organisme Montréal, c’est électrique, qui pilote l’événement afin d’effectuer le premier versement des droits de la course.

L’arrivée de la Formule E constitue-t-elle un bon investissement pour le futur? Difficile d’y répondre, car lors de la dernière conférence de presse, le maire Coderre a rapporté l’absence d’étude économique. «On fera l’étude après, mais une chose est certaine: ce n’est pas juste une course pour une course», a-t-il mentionné. Selon Simon Pillarella, de l’organisme Montréal, c’est électrique, qui fait la promotion de l’électrification des transports, l’événement vise aussi à «positionner Montréal en tant que ville de pointe en électrification et en transports intelligents» et à éduquer la population sur la mobilité électrique.

À Miami, les élus ont eu droit en 2013 à une étude sur les retombées attendues par la tenue du ePrix. Fournie par le promoteur, elle prévoyait des revenus de 12,6M$ en se basant une assistance de 25 000 spectateurs, dont 56% de visiteurs venus de l’extérieur, les plus payants pour l’industrie du tourisme. Néanmoins, cette hypothèse sur le pourcentage de visiteurs extérieurs provient de statistiques issues de la F1, qui compte une plus grande notoriété. À Miami, contrairement à Montréal, ce sont les promoteurs qui ont payé pour tout. Ils ont même investit 1M$ pour refaire une partie de la rue, souligne le Miami New Times.

L’expérience aura néanmoins en outre été de courte durée et Miami n’accueille plus l’événement. Aucun bilan financier n’a été rendu public.

 

 

 

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