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«Il y a du racisme implanté dans le béton de la Ville de Montréal»

Photo: Josie Desmarais/Métro

Candidat défait de Projet Montréal à la mairie de Montréal-Nord en novembre, Balarama Holness accuse la Ville de Montréal et ses différents partis politiques de «racisme systémique». Alors qu’il envisage des poursuites judiciaires, l’ancien joueur des Alouettes, qui avoue néanmoins être «fier» de la victoire de Valérie Plante, reproche notamment à la nouvelle administration de n’avoir aucun élu issu des minorités visibles au sein du comité exécutif et d’avoir «utilisé» ces derniers pour remporter les dernières élections municipales.

Pourquoi souhaitez-vous attaquer en justice la Ville et ses partis?
C’est une demande d’équité, de justice et d’inclusion sociale. Je crains que des personnes, dans notre société, ne soient pas incluses dans cette période d’essor économique, social et culturel. On a, en ce moment, des communautés culturelles qui ne sont ni représentées à l’hôtel de Ville, ni parmi les employés de la Ville. C’est une problématique. Si ces personnes ne participent pas à l’économie montréalaise, ils ne participeront pas à l’économie provinciale, nationale et internationale. La marginalisation va s’accentuer.

Mais comment comptez-vous prouver que la Ville exerce du racisme systémique?
C’est très difficile. Il faut des faits et on recueille des témoignages. Moi, durant deux ou trois événements, j’ai remarqué qu’on a utilisé ma peau brune et mes yeux verts. Mais il y a beaucoup de personnes à Montréal qui ont subi bien plus de discrimination. Ça va bien au-delà de mon propre exemple. Je veux mettre l’emphase sur les partis politiques et la Ville de Montréal dans sa façon de donner des opportunités à des personnes issues de l’immigration.

De quelle manière avez-vous été victime de racisme systémique au cours de la dernière campagne électorale?
J’ai déjà été victime de racisme mais rien d’autres, avant, ne m’avait autant ouvert les yeux. Là, j’ai vu un racisme systémique institutionnel. Durant le congrès de Projet Montréal et au moment du lancement de la campagne [il était maître de cérémonie], on m’a mis sur la scène. Lorsqu’il fallait faire des campagnes de promotion, on choisissait spécifiquement des personnes des minorités visibles. On dit alors qu’on est à l’image de Montréal, mais après l’élection, lorsque les votes sont arrivés, l’urgence n’est plus là. Finalement, ces valeurs, défendues quelques semaines plus tôt, je les vois maintenant comme une mise en scène et c’est valable pour tous les partis politiques.

«On a utilisé la richesse de la culture montréalaise à des fins électorales. Mais après l’élection, on ne retrouve que de belles phrases poétiques pour dire qu’on adore la diversité. Mais où sont les lois, les mesures?»

Reprochez-vous à Projet Montréal de ne pas vous avoir suffisamment soutenu financièrement votre propre campagne?
Ça, c’est des faits mais c’est minime et peu important. On savait que Montréal-Nord était un château fort de Denis Coderre. Pourquoi mettre 20 000$ ou 30 000$ lorsque tu sais que les chances de gagner sont faibles? Je l’avais compris. Projet Montréal n’a pas mis beaucoup de ressources, mais je ne le regrette absolument pas. Je parle de valeurs, pas d’argent.

Ces élections ont néanmoins marqué un virage historique puisquune mairesse a été élue et il y a désormais une majorité de femmes au conseil municipal. Ny a-t-il pas eu un pas en avant dun point de vue social?
Il y a eu des avancements phénoménaux. Mais lorsqu’on parle d’une parité au conseil municipal ou au comité exécutif, personne ne se demande où sont les femmes noires.

«On applaudit la parité mais il n’y a aucune femme noire à l’hôtel de ville. Il y a une iniquité extrême dans cette parité.»

Comme Équipe Denis Coderre, Projet Montréal a néanmoins mis de lavant plus de 20% de candidatures issues des minorités visibles. Nétait-ce pas une avancée?
Mais la vigueur et les priorités qu’on a eues durant l’élection n’ont pas été imposées après l’élection. Si vous montrez deux facettes de vos valeurs, idéologies et convictions, il y a un problème. Dire maintenant, qu’on va faire notre possible pour les prochaines élections, c’est des promesses vides. Je n’ai pas confiance. Je veux qu’on implante des lois spécifiques, avec des ratios et des engagements pour la Ville de Montréal.

Que visez-vous?
Il faudrait déjà retirer de la Charte montréalaise, des lois et des responsabilités le mot «minorité visible». J’aimerais mieux qu’on parle d’ethnoculturel pour parler de ton héritage, ton ethnicité. Lorsqu’on se voit comme une minorité visible, les personnes au pouvoir vont nous utiliser comme des minorités visibles. Nos identités, nos capacités et nos talents sont rabaissés. La valeur que l’on apporte, c’est la couleur de ta peau.

Vous réclamez également une consultation publique, à Montréal, sur le racisme systémique. Pourquoi?
Il faut une discussion autour de la table avec toutes les familles montréalaises. Il faut discuter du mode de recrutement au sein de la Ville [12% des employés sont issus des minorités visibles, qui représentent près du tiers de la population]. Il faut une réforme, des quotas. Les directeurs de la police, des pompiers ou de la Ville ne sont pas racistes, mais il y a, dans l’inconscient, un racisme implanté dans le béton de ces institutions. Beaucoup de personnes des minorités visibles ont les compétences nécessaires, mais ils n’ont pas les opportunités. La porte ne s’ouvre pas.

Regrettez-vous votre première expérience politique?
Pas du tout, c’est un cadeau que l’on m’a donné. J’ai vu comment le système fonctionne. Et moi, j’ai gagné. Je suis fier de cette victoire. J’ai sauté de joie. C’était mieux que de gagner la Coupe Grey [Balarama Holness l’a remportée avec les Alouettes en 2010]. Le but était de mettre de l’avant nos solutions et nos convictions pour déloger Denis Coderre. Je n’ai absolument pas de regrets.

***

Des accusations rejetées par les partis

Par voie de communiqué, Projet Montréal et Équipe Denis Coderre ont rejeté les accusations de Balarama Holness.

«[Notre parti] regroupe des individus qui représentent la diversité montréalaise, avec des élus issus des communautés asiatique, autochtone, camerounaise, grecque, haïtienne, italienne, juive, libanaise, marocaine et pakistanaise. Certes, Il y a encore du travail à faire et nous en sommes conscients. De notre côté, nous allons continuer à faire avancer les choses, tout en demeurant un exemple à suivre pour les autres formations politiques», a expliqué Lionel Perez, chef de l’opposition officielle.

Mentionnant avoir présenté une équipe «paritaire, diversifiée et compétente», la directrice générale de Projet Montréal, Marie Depelteau-Paquette a cependant avoué des regrets de ne pas avoir réussi «à faire élire un conseil municipal à l’image de la diversité montréalaise». «Notre équipe prendra les actions nécessaires pour parvenir à une meilleure représentativité et une meilleure inclusion au sein de nos instances, tant à l’hôtel de ville qu’au sein du parti», a-t-elle indiqué.

Chef de Coalition Montréal, Marvin Rotrand voit lui d’un bon œil cette réflexion. «Les grands partis doivent se pencher davantage sur ce sujet et faire plus d’efforts. Une grande proportion de la population est sous représentée dans nos institutions, a-t-il souligné. Il faut faire élire des candidats dans des quartiers gagnables.»

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