La loi anti-pourriel continue de semer la confusion
Selon une étude publiée jeudi, 94% des professionnels du marketing ne sont pas capables de répondre correctement à des questions de base sur la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP).
«Parmi toutes les entreprises concernées par cette loi, on se serait attendu à ce que les professionnels du marketing relationnel soient ceux qui la connaissent le mieux», confie Philippe Le Roux, président de Certimail, une société créée pour accompagner les entreprises qui souhaitent implanter un programme de conformité.
L’étude encadrée par le cabinet d’avocat LJT et Certimail a été commandée par l’Association du marketing relationnel (AMR), qui a interrogé 152 de ses membres. Même parmi les 71% de répondants qui affirment bien connaître la loi C-28, le taux d’échec a été de 85%. Il fallait répondre correctement à sept questions pour passer le test.
«Pourtant, il s’agit de questions simples, on n’a pas cherché à les piéger sur des aspects compliqués de la loi», ajoute M. Le Roux, en précisant que ce même sondage avait donné des résultats similaires dans l’industrie de l’assurance et ailleurs au Canada. À titre d’exemple seulement 31% des répondants savent que la loi s’applique aussi aux messages envoyés sur les réseaux sociaux.
L’étude souligne aussi que la moitié des répondants croient que la loi anti-pourriel ne concerne que les envois promotionnels et que le consentement suffit pour éviter les amendes. «C’est inexact, la LCAP ne concerne pas juste les envois de marketing, mais bien 95% des courriels qui sortent de toutes les entreprises au Canada», renchérit Marc Roussin, président de l’AMR.
Même si les interprétations divergent, tout courriel envoyé par un employé à une autre entreprise pourrait être interprété comme fautif au sens de la loi, s’il n’offre pas d’option de désabonnement.
La Loi a été adoptée en 2010 et est appliquée depuis 2014. Face à cette confusion, le gouvernement du Canada a suspendu L’année dernière certaines dispositions qui devaient entrer en vigueur en juillet 2017.
Il s’agit de celles offrant la possibilité pour les citoyens d’entamer des procédures judiciaires contre les entreprises leur envoyant des courriels promotionnels non désirés. Cette possibilité était, et reste à ce jour, réservé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) et au Bureau de la concurrence du Canada, qui a par exemple récemment donné 1,25M$ d’amendes aux entreprises de location d’autos National et Alamao pour non-respect de la Loi.
Si la LCAP est là pour rester, un comité de travail gouvernemental a néanmoins remis en décembre dernier un rapport sur les améliorations à lui apporter. Les consultations ont notamment fait ressortir l’importance de mieux communiquer les obligations de revenir au nom initial de Loi sur la protection du commerce électronique afin de refléter sa réelle portée qui va bien plus loin que le simple pourriel.
En conclusion de son rapport le comité écrit «reconnaître l’importance de la Loi, de son objectif et des principes qui la soutiennent […] Bien que l’amélioration des directives et de la sensibilisation doivent être une priorité pour les années à venir, les résultats potentiels de cette solution demeurent limités. La Loi et ses règlements doivent être clarifiés. Le gouvernement du Canada doit porter son attention, entre autres, sur les dispositions qui définissent les MEC (messages électroniques commerciaux), le consentement et les messages entre entreprises. Une fois ces éléments clarifiés, le gouvernement sera mieux en mesure d’évaluer les répercussions de l’entrée en vigueur du droit privé d’action.»
De son côté le CRTC explique par courriel que «bien qu’il y ait toujours place à l’amélioration, les dispositions contenues dans la LCAP permettent au CRTC de s’acquitter de son mandat efficacement». Le gouvernement a jusqu’à la fin avril pour faire connaître la suite qu’il entend donner à ces recommandations. Au moment de mettre en ligne, le ministère de l’Innovation, Sciences et Développement économique du Canada n’avait pas répondu à nos questions.