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Mediafugees, l’exil raconté par ceux qui le vivent

Le webzine expérimental Mediafugees, lancé officiellement il y a deux semaines, s’emploie à mieux faire comprendre l’histoire des réfugiés, à leur offrir un espace d’expression et conscientiser le public à la réalité des demandeurs d’asile.

«L’idée, c’était de créer une plateforme où des personnes réfugiées confrontées à l’exil peuvent raconter leur histoire, mais aussi prendre la parole sur des faits de société», explique Camille Teste, cofondatrice de Mediafugees, en entrevue à Métro. Ce média a été créé entre deux continents par deux amis, Mme Teste au Canada et Nassim Sari en France.

«On veut supprimer les intermédiaires. Parfois, les journalistes font un travail extraordinaire, mais on reste des passeurs de message. C’est aussi bien de laisser la parole aux gens directement»,  soutient Camille Teste, qui est aussi journaliste.

Camille Teste

Mme Teste raconte que Mediafugees est né d’une frustration devant la couverture médiatique des demandeurs d’asile, souvent «grossière et stéréotypée». «Même si on a l’impression que les réfugiés sont très présents dans les médias, on ne leur laisse jamais la parole. Les conséquences, c’est que c’est tout le temps les mêmes clichés», constate-t-elle.  Les migrants pauvres, les migrants qui menacent la sécurité ou les histoires d’intégration réussies, ce sont à ces clichés que Mediafugees veut s’attaquer. Sur le site web, des histoires parfois banales, parfois douloureuses, tout en nuances et sans sensationnalisme sont racontées sans filtre par ceux qui vivent cette réalité.

«Au Botswana, où j’ai passé plusieurs années avant de me réfugier au Québec, les médias chantent les louanges du Canada. […] Mais embrasser une nouvelle vie dans un pays étranger n’est pas facile pour autant. Tout ce qu’on affronte est nouveau : les mœurs, la culture, les amitiés, l’environnement, les institutions. Rapidement, j’ai atteint un état d’anxiété que je pensais avoir laissé en Afrique», écrit John Nyembo.

Ce professeur de 42 ans a fui la République démocratique du Congo  lorsqu’il était étudiant. Il s’est installé au Canada en 2015, sa « destination finale », après avoir traversé plusieurs pays en exil. Dans un texte précis et brûlant de vérité qu’il a rédigé pour Mediafugees, il revient sur ses premiers pas au Canada en tant que réfugié, ses attentes et ses problèmes. Il y découvre la solitude nord-américaine, le froid de l’hiver, les enquêtes de crédit et les emplois précaires.

«Avec ce projet-là, si on arrive à convaincre, 10, 15, ou 100 personnes, on les aura convaincues et c’est tant mieux, peut être qu’ils pourront faire la différence et s’engager à leur tour» – Camille Teste, cofondatrice de Medifugees.

Alors que le représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés au Canada a appelé la semaine dernière à la plus grande prudence concernant le discours haineux et populiste en cette période de précampagne électorale, Mediafugees tente justement de désamorcer le débat de plus en plus tendu lorsqu’il est question des demandeurs d’asile.

«L’idée, c’est de mettre plein d’amour, des belles histoires, des gens qui aiment leur nouveau pays, qui peuvent être critiques, mais qui veulent aussi partager leur culture», plaide la cofondatrice de Mediafugees.

Pour l’avenir, la journaliste envisage déjà de lancer une campagne de financement pour rémunérer les contributeurs du webzine et, pourquoi pas, de créer une émission de radio ou developper des collaborations avec des médias. Camille Teste aimerait aussi passer le flambeau à une personne réfugiée, pour que le site soit géré à 100% par des exilés.

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