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Formule E: l’administration Coderre a contourné les règles

Photo: Mario Beauregard/Métro

Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) de Montréal a déploré lundi, dans un rapport, que Montréal c’est électrique (MCE), l’organisme à but non lucratif (OBNL) qui a organisé le championnat de Formule E dans la métropole, a été utilisé «afin de contourner les règles d’octroi des contrats».

MCE était donc une simple courroie de transmission entre evenko et la Ville de Montréal, un OBNL créé pour faciliter l’obtention de subventions gouvernementales. Selon l’analyse du BIG, MCE n’était en fait qu’une entité de la Ville de Montréal, compte tenu de l’implication et du contrôle très serré du cabinet du maire Denis Coderre.

«L’enquête démontre que le maire a personnellement contacté un promoteur privé, evenko, pour que ce dernier fasse partie du projet Formule E», souligne l’inspecteur général, Denis Gallant, dans son rapport.

evenko a été le seul promoteur présenté aux dirigeants de Formule E Operations (FEO), encore une fois personnellement par M. Coderre. Ce dernier aurait même demandé «aux dirigeants de FEO d’arrêter leurs pourparlers avec un autre promoteur intéressé».

«C’est un rapport dévastateur. Clairement Denis Coderre, son cabinet et son comité exécutif ont décidé de fermer les yeux et de contourner les lois pour arriver à leurs fins, a pesté la mairesse Valérie Plante, en colère. La seule bonne nouvelle c’est qu’ils ne peuvent plus prendre de décisions.»

En entrevue à RDI, l’ancien maire Denis Coderre a soutenu que «les choses ont été faites dans les règles de l’art». «Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation du BIG. Pour moi, l’OBNL n’était pas qu’une courroie de transmission. MCE c’était aussi pour faire la promotion de l’électrification des transports», a-t-il affirmé, ajoutant que MCE est jugé sur un seul événement, alors qu’il avait été créé pour en faire plusieurs autres.

Le BIG rapporte qu’evenko savait avant la course que «peu importe le scénario retenu, la Formule E sera[it] largement déficitaire». «Les chiffres avancés varient entre 11M$ et 20M$ de déficit pour chacune des trois années», indique le rapport.

Rappelons que le déficit de la course a finalement été de quelque 13 M$ et que seulement 15 000 billets ont été vendus, le reste ayant été donné ou remis dans la cadre de partenariats.

C’est ce qui a fait qu’evenko a décidé de ne pas agir comme promoteur de l’événement. Le maire et son cabinet ont donc décidé de créer MCE.

Or, si evenko vendait les billets et faisait la promotion, les frais de gestion étaient assumés par MCE. Le contrat prévoyait pour cela un budget de 2M$. «MCE n’était qu’une organisation d’un employé qui avait besoin d’une machine pour faire la promotion», a rapporté evenko, tel que cité dans le rapport du BIG.

Toutefois, la Ville de Montréal n’a pas donné d’indépendance à MCE, malgré de nombreux avis juridiques transmis au cabinet du maire par les services municipaux. Le cabinet du maire a lui-même préparé «des lettres pour les demandes de subventions aux autres paliers gouvernementaux».

«Dans les faits, la relation entre MCE et le cabinet du maire est à ce point intime qu’elle permet de douter de la réelle raison pour laquelle l’OBNL a été créé», estime le BIG. Constitué très rapidement et peu de temps avant la course, MCE n’avait pas vraiment le choix de confier l’organisation à evenko, soutient le rapport.

Ainsi pour le BIG, le problème ne réside pas dans la création même d’un OBNL, mais plutôt dans la mainmise qu’a eue le cabinet de Denis Coderre sur celui-ci.

«Je suis d’accord qu’il fallait avoir un mur, mais quand on investit 24 M$, il faut s’assurer que cet événement soit un succès. Aller chercher des subventions, comment pensez-vous que ça fonctionne? La Ville de Montréal fait du démarchage», a rétorqué M. Coderre en entrevue à RDI.

L’analyse ne portait pas sur la pertinence de tenir un Grand Prix de Formule E, mais sur la façon dont son organisation a été gérée par la Ville.

Mme Plante a affirmé que de tels agissements n’étaient «pas dignes de la fonction d’élu». «C’est inacceptable», lançant une flèche vers les anciens du comité exécutif de Denis Coderre qui sont toujours au conseil municipal. «J’en appelle à la crédibilité de ceux qui sont assis en ce moment dans l’opposition, a-t-elle lancé. S’ils n’étaient pas dans le processus décisionnel, ils voyaient des choses.»

Le chef de l’opposition, Lionel Perez, qui était dans l’ancienne administration, a avancé qu’il n’était pas au courant de «toutes les discussions internes avec le cabinet du maire». «Tout le monde sait que c’était un dossier cher au maire. Nulle part dans le rapport, le comité exécutif n’est mentionné. C’est dommage que la mairesse essaie de faire une amalgame», a-t-il argué.

Ce dernier s’est toutefois dit inquiet de lire que des avis juridiques ont été émis au cabinet du maire et que ceux-ci ne se trouvaient pas dans les documents des contrats qui ont été transmis au comité exécutif. «S’il y a eu supposément autant de levées de drapeaux, que les élus du comité exécutif ne soient pas mis au courant, c’est préoccupant pour la gouvernance de la Ville de Montréal», a-t-il souligné.

M. Perez n’a par contre pas voulu blâmer son ancien chef. «On va laisser M. Coderre répondre pour la façon dont il a géré [le dossier]», a-t-il jugé, ajoutant que son parti, Ensemble Montréal, appuie les recommandations du BIG.

Si le BIG affirme que les OBNL sont utiles dans certains cas, il recommande que dans les cas où Montréal organise un événement d’envergure comme la Formule E, la Ville devrait mettre à profit l’expertise de ses fonctionnaires et faire un appel de proposition pour assurer «la transparence dans le processus et une saine concurrence».

«Il y a des questions à se poser [sur les OBNL], notamment au niveau de l’accès à l’information. On va commencer à regarder comment on peut améliorer la transparence de ces organismes, qui peuvent à certains moments être très pratiques», a soutenu Valérie Plante, qui urge toujours evenko de dévoiler son bail conclu avec la Société du parc Jean-Drapeau.

Evenko a d’ailleurs salué le rapport du BIG dans un communiqué. «Nous sommes d’ailleurs le seul fournisseur local à ne pas avoir été payé en totalité pour ses services», a écrit la compagnie, rappelant que MCE a fait faillite.

Insistant sur le fait que la Formule E était «risqué financièrement» «dès le départ», evenko a indiqué comprendre «le choix de la nouvelle administration de Montréal de ne pas poursuivre l’événement pour les années à venir».

Poursuite pendante
La mairesse Plante s’est déclarée «très préoccupée» par le rapport étant donné que FEO poursuit la Ville de Montréal pour bris de contrat. «À ce moment-ci, on travaille avec les services juridiques dans ce dossier pour voir quelles sont les prochaines étapes», a-t-elle rapporté.

Les possibles recours contre les membres du cabinet de Denis Coderre seront «évalués», a ajouté Valérie Plante.

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