Minorités visibles à la Ville de Montréal: encore «beaucoup de pain sur la planche»
Il y a encore «beaucoup de pain sur la planche» pour mieux représenter les minorités visibles au sein de l’appareil municipal, conclut un nouvelle étude que la sociologue Myrlande Pierre a pilotée pour le compte de la Ville de Montréal.
Le rapport de la Table sur la diversité, l’inclusion et la lutte contre les discriminations (TDILD) qui paraîtra vendredi est sans équivoque : il faut d’urgence améliorer les processus de sélection et de promotion à l’interne pour favoriser une meilleure représentativité des communautés autochtones, des personnes handicapées et des minorités ethniques ou racisées, entre autres.
«Il y a des défis importants qui ralentissent le progrès en la matière, explique à Métro la chercheure au Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) de l’UQAM, Myrlande Pierre. Oui, il y a eu des efforts en matière d’inclusion, particulièrement au cours des dernières années, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.»
Dans ses recherches, le groupe dit avoir constaté «un déficit majeur de représentation» des minorités visibles au sein des postes de direction à la Ville. En 2018, à peine quatre personnes appartenant à une minorité ont été identifiées parmi ces haut-placés de la Ville, selon les données obtenues.
«Ce n’est vraiment pas beaucoup, même qu’il y a eu un recul en ce qui concerne les cadres. On comptait 7 personnes en 2013 dans cette même catégorie.» -Myrlande Pierre, sociologue et chercheure
Aucun membre des Premières Nations ne fait partie de la direction de la Ville, alors que deux personnes handicapées y ont été identifiées entre 2013 et 2018. Notons qu’un peu plus de 80 femmes y sont actuellement à l’embauche.
La réalité est toutefois plus nuancée chez les cadres administratifs de Montréal, qui sont plus nombreux que les cadres de direction. Huit personnes autochtones, 88 membres des minorités ethniques, 11 personnes handicapées, 138 membres des minorités visibles et plus de 800 femmes en faisaient partie l’an dernier, d’après les données de la TDILD.
Pour l’experte, «les changements qui doivent s’opérer ne devraient pas reposer sur la volonté individuelle des gestionnaires publics à réaliser ou pas les résultats en matière de diversité», mais bien sur l’obligation de résultats et de stratégies «administratives systémiques ancrées dans une culture organisationnelle d’imputabilité et de responsabilisation».
Modifications substantielles
Ces «changements significatifs dans les pratiques organisationnelles» doivent être opérés dès maintenant, croit Mme Pierre, qui recommande à Montréal d’outiller ses employés sur la notion de «biais inconscients». «Le racisme se manifeste souvent de manière très subtile et parfois sournoise dans les organisations, dit la sociologue. Il faut donner des formations pour s’attaquer à cette discrimination inconsciente.»
C’est qu’une fois les processus d’embauches terminés, «il est déjà trop tard» pour sensibiliser les employés, croit l’experte. «On fait des rapports de fin d’années, mais l’impact s’est déjà fait ressentir. D’expliquer aux gens pourquoi une candidature n’a pas été retenue versus une autre, ça permet non seulement d’y porter une attention, mais aussi d’intervenir en cours de route», nuance-t-elle.
La Table recommande aussi une réforme du programme d’accès à l’égalité en emploi pour que celui-ci «soit plus optimal et qu’il atteigne des résultats tangibles».
Appelée à réagir, la vice-présidente du comité exécutif et responsable de la diversité, Magda Popeanu, a assuré que la Ville «étudiera les recommandations» de l’organisme avec intérêt en «évaluant leur faisabilité» pour ensuite les intégrer «dans le fonctionnement de l’administration municipale».
De son côté, le président du comité exécutif et responsable des ressources humaines, Benoit Dorais, a soutenu que la Ville «sait déjà qu’elle renforcera et élargira les actions visant l’égalité d’accès à l’emploi».
«Nous souhaitons poursuivre notre lutte contre toute forme de discrimination, et c’est en adoptant des actions innovantes que Montréal parviendra à rendre ses milieux du travail plus inclusifs et égalitaires.» -Benoit Dorais, président du comité exécutif
Trois autres rapports de l’organisme paramunicipal doivent paraître dans les prochains mois. Le profilage racial, le développement économique de la diversité et la représentation de celle-ci dans les espaces citoyens et culturels devraient notamment être abordés.
«La balle est dans le camp de l’administration, lance Myrlande Pierre. La reddition de comptes sera très importante. Les changements doivent être faits concrètement.»