Marché de l’emploi: des besoins grandissants pour des logements au centre-ville
Alors que le marché de l’emploi sur l’île de Montréal se concentre de plus dans les quartiers centraux de la métropole, des experts appellent la Ville à mettre les bouchées doubles pour augmenter l’offre de logements disponibles, notamment en facilitant la construction en hauteur.
«Jamais je n’ai vu l’économie de la région métropolitaine aussi bien se porter», a déclaré jeudi à Métro le président-directeur général de l’Institut de développement urbain du Québec, André Boisclair.
Montréal en statistiques a dévoilé mercredi de nouvelles données sur l’état du marché de l’emploi qui établissent «une nouvelle marque record» dans l’agglomération de Montréal, où près de 1,2 million de personnes possèdent un travail, soit le nombre le plus élevé depuis au moins trois décennies. Un nombre qui a d’ailleurs crû de plus de 28 000 postes comblés sur une période d’un an.
Des données du service portant sur la période de 1981 à 2016 démontrent par ailleurs que les emplois sur l’île de Montréal se concentrent de plus en plus dans les quartiers centraux, notamment dans Ville-Marie.
Ces employés qui, de plus en plus, vont vouloir s’établir près de leur lieu de travail afin d’augmenter leur qualité de vie, estime M. Boisclair.
«La demande pour vivre dans des quartiers centraux augmente parce que les gens font ce choix pour eux, sur le plan de leur qualité de vie et de leur budget. Les gens préfèrent investir dans l’immobilier plutôt que dans une deuxième voiture», a-t-il affirmé.
Or, il risque de devenir de plus en plus difficile pour des employés d’avoir les moyens de demeurer au centre-ville ou dans des arrondissement comme le Plateau-Mont-Royal et Rosemont–La Petite Patrie si l’offre de logements n’y est pas bonifiée, craint-il.
«Si on veut s’attaquer à l’importante question de l’abordabilité, ça va prendre plus de hauteur», a dit M. Boisclair, qui demande à la Ville de «réfléchir aux outils de zonage» pour faciliter la création de plus d’immeubles en hauteur dans les quartiers centraux.
Un constat que partage le professeur à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche, qui note que certains secteurs prisés de la métropole ne présentent plus beaucoup de terrains libres.
«Le Plateau, par exemple, c’est un quartier qui est très dense. Il est déjà très occupé. Il faut voir comment on peut développer davantage ce secteur sans empiéter sur les parcs», a souligné l’expert, qui estime que la création de «lieux à haute densité» doit être «accélérée» dans les quartiers centraux.
«En ce moment, pour certains promoteurs, c’est plus facile de construire en hauteur en banlieue que dans des terrains en friche près de la station de métro Papineau.» -André Boisclair, président-directeur général de l’Institut de développement urbain du Québec
Appelé à réagir, le responsable du développement économique et de l’habitation au comité exécutif, Robert Beaudry, s’est dit conscient de cet enjeu.
«Montréal est intéressante, car on y trouve de la main-d’oeuvre. C’est une ville universitaire, c’est une ville où il y a des gens qui peuvent travailler. Mais si on les éloigne des centres et qu’il y a plusieurs personnes qui ne peuvent pas avoir accès aux emplois ou à la collectivité, à ce moment-là, on devient moins concurrentiel», a reconnu l’élu municipal, qui siège dans Ville-Marie.
Afin de conserver «l’abordabilité» de la métropole et contribuer à sa densification, l’élu ne ferme pas la porte à une plus grande souplesse de la Ville en matière de construction en hauteur.
«C’est quelque chose qu’on va regarder aussi au niveau du plan d’urbanisme, mais on ne va pas le regarder juste dans certains secteurs. Il faut qu’on le regarde sur toute l’île», a-t-il souligné.
Transport en commun
Selon Jean-Philippe Meloche, la concentration des emplois de plus en plus forte dans les quartiers centraux témoigne par ailleurs de l’importance de prioriser le coeur de la métropole en matière d’investissements en transport collectif.
«Ça prend probablement plus de [lignes de] métro à Montréal que de tramways en périphérie, a affirmé l’expert. Pour que le transport en commun soit efficace, ça prend une densité d’emplois qui est importante et, en périphérie, ce n’est pas le cas.»
«Si on concentre les emplois au centre-ville, on va stimuler le développement du transport en commun» -Jean-Philippe Meloche, professeur à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal