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Pénurie de logements: plus d’évictions contestées devant la Régie du logement

Photo: Archives | Métro

Le nombre d’évictions et de reprises de logement contestées en justice est en hausse depuis quelques années à Montréal. Une situation qui survient alors que la métropole fait face à un manque de logements abordables disponibles.

131 contestations d’avis d’éviction ont été reçues à Montréal par la Régie du logement entre le premier avril 2017 et le 31 mars 2018, soit 47 % de plus que la moyenne des quatre dernières années, a constaté Métro en analysant des données fournies par le tribunal administratif spécialisé. Ces contestations concernent des avis d’expulsion envoyés par des propriétaires qui désirent agrandir, subdiviser ou changer l’affectation du logement.

«Les loyers augmentent rapidement à Montréal, ce qui peut inciter des propriétaires à procéder à des évictions parce que c’est beaucoup plus facile d’imposer une augmentation de loyer à un nouveau locataire qu’à l’occupant actuel», soulève David Wachsmuth, professeur d’urbanisme à l’Université McGill.

Ces données montrent une hausse du nombre de reprises de logement au cours des dernières années, jusqu’à 573 demandes dans la ville de Montréal entre 2017 et 2018. Un propriétaire peut notamment demander de retirer son logement du marché locatif pour s’y établir ou y installer un membre de sa famille. Plusieurs organismes consultés par Métro estiment néanmoins que c’est la recherche de profit qui explique le nombre élevé d’évictions, survenant alors que la valeur des propriétés est en forte hausse à Montréal.

«Des propriétaires retapent complètement leur logement puis le relouent au double du prix. D’autres décident de le vendre», dit Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Dans un rapport publié en 2016, qui se base notamment sur des données de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), l’organisme remarque que le nombre de reprises de logement a culminé au début des années 2000 alors que la métropole traversait une crise du logement. Actuellement, le taux d’inoccupation des logements à Montréal est de 1,9 %, tandis que le seuil d’équilibre établit par la SCHL est de 3 %.

«Dans le contexte de resserrement du marché, les propriétaires ne prennent pas de risque. Ils savent que s’ils entreprennent une démarche d’éviction et la remportent, ils vont pouvoir trouver facilement un autre locataire qui paiera plus cher», commente Philippe Hurteau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques. Il a publié une note à la fin du mois de juin faisant état d’une réduction du nombre de logements disponibles dans huit villes du Québec, dont Montréal.

M. Hurteau prévient par ailleurs que de plus en plus de locataires pourraient décider de s’éloigner de Montréal pour aller s’établir en banlieue, où le coût de la vie est moins élevé. Une réaction qui survient alors qu’une étude publiée jeudi par le Centre canadien de politiques alternatives indique qu’un emploi à temps plein offrant un salaire horaire de 16 $ est nécessaire pour pouvoir s’offrir un logement de deux chambres dans la métropole sans dépenser plus de 30 % de ses revenus pour se loger.

«La pointe de l’iceberg»
Les reprises de logement et les avis d’éviction qui sont contestés à la Régie du logement ne représentent par ailleurs que le «pointe de l’iceberg», la majorité de ces demandes n’étant pas contestées en Cour, soulève la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme.

«Les locataires moins informés ou dans des situations précaires sont souvent ceux qui vont accepter une indemnité [en cas d’éviction]. Ce sont aussi eux qui vont se retrouver dans une situation d’extrême précarité après avoir quitté leur logement», souligne-t-elle. Certains propriétaires feraient également usage de faux avis d’éviction pour forcer le départ de leurs locataires sans raison valable.

Selon des informations fournies par la Ville de Montréal, 35 ménages montréalais n’ayant pas réussi à trouver un logement le premier juillet bénéficient d’ailleurs toujours à l’heure actuelle d’un service d’hébergement d’urgence.

Condos et Airbnb
La popularité grandissante des plateformes de type Airbnb est également pointée du doigt comme une des causes de la hausse des avis d’éviction contestés devant la Régie du logement.

La Loi sur la Régie du logement impose un moratoire sur la transformation de logements en condos. Des propriétaires peuvent toutefois contourner cette interdiction en se regroupant pour acheter une propriété et en faire des condos «indivis», une «passe-passe» que déplore le FRAPRU.

«On voit bien que les règles en place sont contournées. On continue de perdre des logements locatifs […] Si on laisse se transformer en condos les rares logements encore disponibles, on risque d’empirer la situation», a déploré Mme Laflamme, qui demande à la Régie du logement et à la Ville de Montréal de restreindre davantage la transformation de logements en condos.

«Le seul moyen de convertir un logement de la location à long terme à court terme, c’est de procéder à des évictions […] Au bout du compte, les propriétaires font plus d’argent», a souligné M. Wachsmuth. Ce dernier a contribué à une étude qui indique qu’Airbnb a contribué au retrait de 31100 logements du parc locatif canadien.

Alors que le RCLALQ réclame qu’un moratoire sur les reprises de logement soit mis en place tant que le taux d’inoccupation des logements ne remontera pas à 3 %, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) se porte à la défense des droits de ses membres.

«Ça ne ferait aucun sens parce que les propriétaires ne pourraient plus se servir de leurs logements pour accommoder leur famille», a soutenu le porte-parole de la CORPIQ, Hans Brouillette.

Métro a tenté à plusieurs reprises d’avoir une réaction jeudi de la part de l’administration de Valérie Plante, en vain.

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