Écoles: le Grand Montréal craint de perdre 653 M$ en 10 ans en cédant des terrains
Les municipalités du Grand Montréal membres de la CMM pourraient perdre jusqu’à 653 M$ d’ici 10 ans en raison d’une disposition de la nouvelle Loi sur la gouvernance scolaire, issue du projet de loi 40, qui oblige les villes à céder gratuitement des terrains pour permettre la construction d’écoles.
«Ça va avoir un impact sur nos finances de façon désastreuse», a affirmé la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors de la séance ordinaire du conseil de la CMM, jeudi.
Les élus de la CMM, qui est présidée par Mme Plante, ont adopté à l’unanimité jeudi une résolution contre une disposition de la Loi sur la gouvernance scolaire, adoptée sous bâillon au début du mois. Celle-ci prévoit que les villes devront «céder à titre gratuit des terrains aux centres de services scolaires» pour permettre la construction et l’agrandissement d’écoles.
Selon une estimation de l’impact financier que pourrait avoir cette disposition, les municipalités du Grand Montréal pourraient perdre jusqu’à 653 M$ alors que 142 nouvelles écoles pourraient voir le jour dans l’ensemble de la région d’ici 2030.
Pour répondre aux dispositions de cette loi, les villes devront céder des terrains qui lui appartiennent, mais aussi acquérir des terrains privés par la voie de l’expropriation. Or, la valeur des terrains est en forte hausse partout dans la région.
Dans l’ensemble de la CMM, la valeur moyenne d’un terrain qui accueille une école s’élève actuellement à 4,32 M$. Un montant qui grimpe à 6,28 M$ dans l’agglomération de Montréal, selon les données de la CMM.
«On sait que ça a été pris un peu à la légère [par le gouvernement Legault], mais quand on a fait nos calculs, on a vu que ce n’est pas un dossier simple. C’est un dossier complexe», a évoqué le directeur général de la CMM, Massimo Lezzoni.
Montréal plus affectée
L’agglomération de Montréal, qui devrait accueillir 66 nouvelles écoles d’ici 2030, est celle qui pourrait écoper le plus des dispositions de cette nouvelle loi. Selon les estimations de la CMM, elle aura à débourser à elle seule 414,5 M$ d’ici 2030 pour répondre aux besoins des centres de services, qui viennent remplacer les commissions scolaires.
Afin de compenser ces pertes financières, les villes risquent d’avoir à augmenter le compte de taxes de leurs citoyens, a prévenu Mme Plante. L’éducation est pourtant de «compétence provinciale», a-t-elle rappelé.
«Je pense que le gouvernement provincial doit assumer ses responsabilités.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Inquiétudes à la CMM
Plusieurs maires de la région réunis autour d’une même table jeudi, au centre-ville de Montréal, ont semblé grandement préoccupé par les résultats de cette analyse.
«Je pense que c’est le début de plusieurs obligations du gouvernement pour qu’il récupère l’argent qu’il nous a donné [via le nouveau Pacte fiscal]», craint le maire de Vaudreuil-Dorion, Guy Pilon. À la fin du mois d’octobre dernier, la signature d’un nouveau pacte fiscal a permis de bonifier les transferts de fonds aux municipalités en provenance de Québec.
Au-delà de l’enjeu financier, le manque de terrains disponibles dans plusieurs villes de la région pose problème.
«À Repentigny, on a atteint la maturité du territoire. En 2017, on a été obligé par le gouvernement précédent d’empiéter dans un parc pour construire une école primaire parce qu’il n’y avait plus de terrains chez nous», a raconté la mairesse de Repentigny, Chantal Deschamps.
Des compensations réclamées
Plusieurs élus ont d’ailleurs déploré le fait que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ait ajouté cette disposition à la dernière minute, sans consulter mes municipalités en amont.
«Ça ne se peut pas de travailler comme ça. C’est impossible», a déploré le maire de Saint-Eustache, Pierre Charron.
Les 82 municipalités de la CMM pressent donc Québec de revenir sur sa décision et de s’assurer que les villes reçoivent «les sommes nécessaires pour l’acquisition des terrains requis pour la construction ou l’agrandissement d’établissements scolaires».
La CMM demande d’ailleurs que des fonds soient prévus à cet effet dans le prochain budget du gouvernement Legault, attendu le 10 mars.
Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet du ministre de l’Éducation n’avait pas commenté.