La crise sanitaire encourage le profilage racial, dénonce une avocate
La crise sanitaire actuelle aurait des effets pervers sur les interventions policières effectuées auprès des Montréalais, estime une avocate. Selon elle, les comportements de profilage racial et social ont tendance à se manifester encore plus fortement dans le contexte de la pandémie.
Depuis le début du confinement, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a émis plus de 1400 constats d’infractions envers des individus qui contrevenaient aux mesures de distanciation sociale.
Avocate criminaliste dans un cabinet de la métropole, Raphaëlle Desvignes dénonce un climat de «délation» au Québec. Un contexte qui affecterait particulièrement certaines tranches de la société.
«Le pendant négatif, c’est que ça va amener plus de délation envers les personnes déjà marginalisées, vulnérables, les minorités visibles, observe-t-elle. Le profilage racial ne se fait pas que par les policiers, mais aussi par la délation.»
«Ce sont toutes des personnes qui sont déjà surjudiciarisés à tous les niveaux.» – Raphaëlle Desvignes, avocate criminaliste
Un point de vue partagé par le porte-parole de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Alexandre Popovic. Celui-ci accuse particulièrement les interventions policières de cibler la population itinérante.
«Les personnes en situation d’itinérance n’ont pas de droits et continuent à manger des tickets», s’insurge-t-il.
«Surprise, on a encore des droits!»
Inquiète, Raphaëlle Desvignes s’est jointe à quelques collègues juristes pour concevoir un document juridique adapté à la COVID-19. Intitulé «Surprise, on a encore des droits!», le texte d’une vingtaine de pages précise les pouvoirs des policiers en pleine pandémie.
Me Desvignes craint que «les pouvoirs des policiers soient incompris d’eux-mêmes». Depuis la mise en place de l’état d’urgence local à Montréal, les agents du SPVM peuvent distribuer des amendes à quiconque ne respecte pas les interdits de rassemblement.
«On a vu des policiers entrer dans des maisons sans mandat. Il y a plusieurs situations où les policiers ont outrepassé leurs pouvoirs à mon sens», explique-t-elle.
Selon Me Desvignes, les Montréalais ont aussi avantage à se rappeler leur droit au silence. «Souvent, on veut s’expliquer. Mais c’est jamais quelque chose qui va rendre service», ajoute la juriste.
Le document «Surprise, on a encore des droits!» est appelé à changer à mesure que les décrets ministériels seront modifiés.