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Résidence permanente : une incertitude difficile à vivre

Immigration
Plusieurs étrangers, non vaccinés contre la COVID-19, résidant à Montréal, annoncent leur décision de quitter le Québec ou le Canada. Photo: Archives Métro

Exaspérées par les délais interminables de traitement pour obtenir la résidence permanente, cinq Montréalaises ont lancé une pétition pour exiger plus de transparence et d’efficacité de la part du gouvernement.

Jusqu’à présent, près de 5000 personnes ont signé la pétition adressée aux gouvernements fédéral et provincial. Celle-ci présente cinq revendications pour alléger le processus pour les demandeurs de résidence permanente ayant passé par le Programme expérience québécoise ou le Certificat de sélection du Québec (CSQ).

«Ça me dit que c’est signe que les gens en ont ras le bol et qu’ils veulent l’exprimer. Derrière ces personnes, il y a des familles complètes qui sont aussi affectées. Ce sont souvent les mêmes situations qui se répètent», résume Armelle, l’une des cinq femmes à l’origine de la pétition.

«On ne peut pas se projeter dans le futur, puisqu’on n’a aucune idée de ce qui va se passer. Certains n’ont même pas d’accusé de réception, et ne savent pas s’ils doivent rester sur le territoire ou si leur dossier est perdu.» – Nassima B.

La pétition demande que les délais réels soient indiqués et que les échéanciers soient respectés. L’attente au Québec devrait normalement être d’environ 18 mois, or certains attendent depuis bien plus longtemps.

«Il y a un écart entre ce que le gouvernement dit et ce qui est fait. Ils veulent des travailleurs qualifiés, mais ils ne font rien pour nous intégrer», affirme Nassima B., une autre des cinq pétitionnaires. [NDLR: Nassima est une ancienne employée de Métro Média].

Difficulté de travailler

Les signataires de la pétition demandent qu’un permis de travail soit délivré dans l’attente que le dossier de résidence permanente soit réglé.

«C’est le plus important, pour qu’on puisse payer les factures. Nous sommes beaucoup à être dans la précarité, même si nous sommes aptes à travailler», souligne Armelle. Elle-même n’était plus capable de payer son loyer et a dû compter sur l’aide de son entourage pour survivre.

«Le Québec est la seule province où ça prend un permis de travail fermé. Donc, il faut que l’employeur accepte de le payer avant de t’engager. Ça nous empêche par exemple de travailler au salaire minimum pour survivre en attendant de trouver un emploi dans notre domaine», explique Nassima.

Elle confie qu’au stress normal d’une entrevue, s’ajoute celui de devoir convaincre un employeur de débourser les 230$ nécessaires à l’obtention de ce permis.

Des difficultés que connaît bien Emmanuel Dirian. D’abord venu au Québec en 2012 pour faire un baccalauréat, il travaille depuis cinq ans dans le domaine des effets spéciaux. Dans son milieu, les contrats de travail sont plutôt courts.

«C’est compliqué de trouver du travail. Ça effraie beaucoup les patrons, qui demandent souvent quelqu’un de disponible immédiatement. Mais même en cherchant en dehors de mon domaine, c’est difficile de trouver», révèle-t-il.

Ayant effectué sa demande de résidence permanente en 2018, il aurait normalement dû avoir sa réponse en septembre. Mais jusqu’à présent, il n’a pas encore reçu d’invitation pour l’examen médical qui aurait dû être fait en début de processus.

Des témoignages de détresse

Pour permettre aux demandeurs de s’entraider et de se soutenir, les cinq pétitionnaires ont créé une page Facebook privée. Les histoires de détresse et d’angoisse y abondent. Plusieurs ont accepté de parler de leur situation avec Métro.

Arrivée au Québec en 2016 dans le cadre d’un transfert inter compagnie entre la France et le Québec, My Thoi a déposé une demande de résidence permanente en 2018. Dans son cas, les délais ont été largement dépassés. Elle s’inquiète d’autant que son permis de travail expirera en février.

«Mon mari et moi avons chacun un emploi permanent, mais à chaque fois qu’on appelle le Ministère, c’est la même réponse : on nous dit qu’ils peuvent nous accorder un visa de visiteur pour rester en sol canadien, mais pas pour travailler», s’angoisse-t-elle.

Mère de deux enfants, elle est incapable de se projeter au-delà de cette date. «Je stresse beaucoup, confie-t-elle. Dans trois mois, je ne sais pas si je vais devoir tout vendre, dont la maison et la voiture, et si mes enfants devront interrompre leurs études.»

Morgane a vécu beaucoup d’angoisse alors que le Ministère a perdu à deux reprises une partie de son dossier présenté lors de sa demande pour le CSQ.

«Quelques jours après ma demande, ils m’avaient appelé pour me redemander mon attestation d’emploi. Je leur ai renvoyé, et j’ai attendu. Au bout de plusieurs mois, après plusieurs relances, j’ai réalisé qu’ils l’avaient à nouveau perdu», se frustre-t-elle.

Le processus d’une durée normale de trois semaines a duré sept mois. Entre temps, son Programme Vacances Travail (PVT) a expiré, la laissant sans statut, le temps que sa demande de permis de travail soit traitée.

«La solution que mon employeur a trouvée, ça a été de faire une demande de prolongation du PVT. Ce n’est pas renouvelable, mais le temps que la demande soit traitée pour être refusée, j’ai pu continuer à travailler», révèle-t-elle.

De son côté, Aïcha Djigo est arrivée au Québec en 2012 pour faire des études en biologie. Elle y a complété un baccalauréat et une maîtrise, avant d’effectuer sa demande de résidence permanente en 2018, dont elle n’a plus de nouvelles.

«J’ai pu obtenir mon permis de travail, mais je ne peux avoir pas avoir l’assurance maladie ni de permis de conduire. Je ne peux pas me permettre de tomber malade, confie-t-elle. C’est frustrant, après 9 ans au Canada.»

Le ministère réagit

Au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (IRCC), on indique que les longs délais sont surtout dus à la crise de la COVID.

«IRCC fait face à des défis considérables dans le traitement des demandes en raison de la COVID-19. Par conséquent, les lettres d’accusé de réception ont souffert d’un retard significatif», explique par courriel Béatrice Fénelon, porte-parole pour le ministère.

Elle ajoute que l’IRCC travaille afin d’améliorer ses communications avec les demandeurs, et traite les demandes de résidence permanente «dans la mesure du possible», en spécifiant que de nombreux facteurs sont présentement hors du contrôle du ministère.

«Nous continuons d’explorer d’autres solutions qui nous permettront de nous adapter et de créer la souplesse nécessaire afin de faire face à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement», conclut Mme Fénelon.

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