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Logement: une mère monoparentale victime de discrimination

Photo: Archives/Métro Média

Victime de discrimination fondée à la fois sur son état civil, son âge, son sexe, sa langue et le handicap de sa fille aînée alors qu’elle tentait d’obtenir un appartement à la Coopérative Milton-Parc, une mère monoparentale devra se présenter seule devant le tribunal pour faire valoir ses droits.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a jugé suffisante la preuve pour soumettre le litige au tribunal.

Les faits remontent à janvier 2018, alors que Erin*, une mère de famille monoparentale qui a la garde exclusive de ses deux filles, est à la recherche d’un logement à la suite d’un divorce qu’elle qualifie de «désastreux», en entrevue avec Métro.

Elle transmet une lettre de motivation à la Coopérative Milton-Parc dans laquelle elle explique sa situation familiale et le handicap de sa fille aînée atteinte d’une maladie génétique qui affecte ses os et qui cause certains problèmes de mobilité.

La famille est convoquée en entrevue par la Coopérative pour un logement de 5 pièces ½ dont le loyer mensuel s’élève approximativement à 700$.

Préférence pour «une jeune famille traditionnelle»

C’est à ce moment que la mère sent un manque d’intérêt de la part du Comité de sélection. Selon elle, l’administrateur du Comité, Michel Hébert, aurait entre autres dit, en entrevue, qu’il cherchait «une jeune famille composée d’un père, d’une mère et de jeunes enfants».

La femme âgée de 59 ans a senti le besoin de se justifier et d’expliquer qu’elle était en bonne santé et en mesure de contribuer aux activités de la Coopérative située dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

M. Hébert aurait ensuite ajouté qu’il n’avait «rien contre les femmes», mais qu’il préférait tout de même «une jeune famille traditionnelle».

Le 4 février 2018, la mère monoparentale est avisée par courriel que sa candidature pour le logement n’est pas retenue.

Selon ce qu’elle a appris ultérieurement, le comité de sélection aurait arrêté son choix sur une autre famille composée d’un père, d’une mère et d’un jeune enfant.

«Je ne crois pas qu’une place en Coop nous est due, mais je crois que tout le monde a droit à un traitement équitable», souligne Erin.

Discrimination envers la famille

La femme soutient que les motifs de l’état civil, du sexe, de la langue, de l’âge et du handicap, en intersectionnalité, ont influencé la décision de la Coopérative de ne pas retenir leur candidature.

«C’est pour ça que j’ai porté plainte au nom de mes enfants et moi. Le fait que je sois une mère monoparentale n’aurait pas dû être un facteur. La moitié des familles au Québec sont monoparentales», explique Erin.

Selon le document décisionnel de la Commission, la Coopérative et Michel Hébert nient avoir fait de la discrimination à l’égard de la mère monoparentale et de ses deux filles.

Le comité de sélection explique avoir procédé à l’évaluation de six familles pour l’attribution du logement selon un système de pointage et d’avoir choisi la candidature qui répondait le plus au profil recherché.

Michel Hébert n’a pas fait suite à notre demande de commentaire.

Se représenter seule devant le tribunal

La Commission proposait à la Coopérative d’habitation Milton-Parc et à Michel Hébert de verser aux trois victimes une somme totale de 26 000$ à titre de dommages moraux, dommages matériels et dommages-intérêts punitifs.

De plus, elle recommandait d’attribuer en priorité à la famille le prochain logement correspondant à ses besoins qui se libère dans la coopérative.

Toutefois, la Coopérative a refusé de payer, forçant la famille à se tourner au Tribunal des droits de la personne.

Ces démarches sont souvent entreprises directement par la Commission des droits de la personne. Cependant, la Commission ne représente plus les victimes dans certains cas, selon des critères précis qui ont été énoncés dans une directive adoptée en 2016. Elle ne défendra donc pas Erin devant le Tribunal et celle-ci devra assumer les frais d’avocats.

Le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, déplore le fait que la Commission laisse la victime se représenter seule et à ses frais. «Normalement, la Commission devrait représenter les gens devant le tribunal, surtout quand ils n’ont pas les moyens», a-t-il ajouté.

M. Niemi craint que la décision risque de créer un précédent «assez défavorable pour les familles monoparentales ou les personnes à bas revenu, quelles que soient leurs origines qui sont à la recherche d’un logement et qui se font discriminées».

*Le nom utilisé est fictif pour préserver l’anonymat de la victime et sa famille

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