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Pénurie de personnel: le réseau de la santé ne tient qu’à un fil

Photo: Andrii Chagovets/123RF

Campagnes de recrutement, sit-ins, réorganisations de dernière minute: le réseau de la santé de Montréal tente tant bien que mal de gérer ce qui s’annonce comme le dernier legs de la pandémie, malgré l’absence de près de 10 000 employés.

Le réseau de la santé de la métropole affiche un taux d’absentéisme d’environ 7%, ou 10 000 personnes. À titre comparatif, il manquait 9500 personnes dans l’ensemble du Québec en avril 2020, au plus fort de la première vague. Le Québec avait alors fait appel à l’armée canadienne pour répondre à la crise dans les CHSLD.

Pour pallier le vide actuellement vécu, les infirmières doivent multiplier les heures supplémentaires, et les gestionnaires tentent tant bien que mal de mener des campagnes d’embauche agressives.

La situation est telle que les infirmières de l’hôpital Lakeshore de Pointe-Claire en ont eu assez, dimanche dernier. Deux arrêts de travail spontanés, des sits-in, ont été déclarés. En d’autres mots, elles ont refusé de venir en relève à leurs collègues, au changement de quart, en guise de protestation.

«C’était leur façon de demander à l’employeur de trouver du personnel pour les aider à travailler, à livrer des soins de qualité. Avec l’épuisement, elles ne sont plus capables de le faire. Ça devient dangereux pour les patients», fustige la présidente du syndicat de la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) du CIUSSS de l’Ouest de l’île, Johanne Riendeau.

«On est à l’agonie. Ces filles-là ne passeront pas l’été. Des sit-in, il y en aura beaucoup plus si ça continue comme ça.» – Elisabeth Rich, vice-présidente du syndicat de la FIQ de l’Ouest de l’île

Au centre hospitalier St-Mary, il manquerait entre deux et trois infirmières depuis plusieurs mois. L’équipe doit accumuler les heures supplémentaires, écourtant ses heures de repas. Le manque d’effectif serait aussi criant à l’Institut Douglas de Verdun.

«On constate que plusieurs ont peur de perdre leur permis de travail, en faisant une erreur à cause de la fatigue», déplore Mme Riendeau.

Le CIUSSS assure que la santé des patients n’a pas été compromise.

«Nous déployons un plan d’action pour répondre aux irritants soulevés par les employés, tout en nous assurant d’offrir des soins de qualité à nos patients et d’éviter toute rupture de services», explique la directrice des communications Hélène Bergeron-Gamache.

Urgences et soins intensifs fusionnés

Comme les CIUSSS de Montréal, le Centre universitaire de santé de McGill (CUSM) mène une campagne de recrutement agressive. Aux prises avec un manque de personnel, notamment d’infirmières et d’inhalothérapeutes, l’Hôpital de Lachine a dû fusionner ses soins intensifs et sa salle d’urgence.

«C’est une situation extrêmement difficile. Les approches à l’urgence et aux soins intensifs sont loin d’être pareilles, les infirmières doivent s’adapter», s’attriste la présidente du Syndicat des professionnels en soins infirmiers du CUSM, Sandra Seto.

Hormis l’Hôpital de Lachine, la situation serait toutefois plus «stable» au sein du CUSM qu’ailleurs dans le réseau, explique-t-elle. Une affirmation à laquelle adhère le directeur général Pierre Gfeller.

«On vit des problèmes de recrutement, mais pas au même niveau que d’autres établissements, considère-t-il. On relance nos activités non reliées à la Covid-19. Nous n’avons pas encore atteint un plein niveau de fonctionnement, mais presque.»

Difficile de recruter

«Chaque établissement a ses propres stratégies pour recruter du personnel, il n’y a aucun obstacle là. Le problème c’est que la main-d’œuvre n’est pas présente, n’est pas disponible», décortique la directrice générale du CIUSSS du Centre-Sud de l’île de Montréal, Sonia Bélanger.

L’appel à des agences privées et l’embauche de préposés aux bénéficiaires ne suffisent pas. «Dans tous nos secteurs, il va falloir innover, convient-elle. C’est difficile dans le réseau, en particulier les soirs, les nuits et fins de semaine.»

Une entente partielle a été conclue entre le FIQ et le gouvernement provincial en décembre dernier, portant sur les conditions de travail des travailleurs de la santé. Des pourparlers sont toujours en cours pour trouver un terrain d’entente en ce qui a trait au salaire.

«On me dit que ça avance bien aux différentes tables, entre autres avec les infirmières», avait affirmé mardi le premier ministre François Legault.

L’écho est toutefois différent au sein des syndicats. «Il peut bien se péter les bretelles, mais je ne sais pas d’où il prend ces informations, critique Mme Riendeau. Ça ne fait que piétiner.»

Une augmentation de 5% sur trois ans est offerte par Québec, avec deux montants forfaitaires sur deux ans. On y ajoute une majoration possible de 1% au cas où l’inflation dépasserait 5%.

«Au-delà de retenir les gens qu’on a déjà, il faut attirer de nouvelles infirmières. C’est loin d’être assez, cette augmentation», tranche Mme Seto.

Pour l’instant, le premier ministre rejette la possibilité d’adopter une loi spéciale pour éviter une grève.

Avec la collaboration de Pascal Gaxet

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