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Traitements expérimentaux: poursuite autorisée pour les victimes du Dr Cameron

Marilyn Rappaport (à droite) avec son frère et sa grande soeur victime des expériences du Dr Cameron. Photo: Gracieuseté, Marilyn Rappaport

Une poursuite ira de l’avant contre le gouvernement du Canada, le Centre universitaire de santé McGill et l’Hôpital Royal Victoria au nom de 55 victimes et proches de victimes des expériences de lavage de cerveau du Dr Ewen Cameron.

Les demanderesses Alison Steel et Marilyn Rappaport sont respectivement la fille et la sœur d’anciennes patientes du Dr Ewen Cameron qui ont reçu des traitements expérimentaux à l’Institut Allan Memorial (IAM) entre 1948 et 1965. 

«Destinés à soigner la schizophrénie, les Traitements expérimentaux administrés par Dr Cameron et son équipe étaient axés sur une prise de contrôle de la psyché du patient en vue de la reconditionner. Ils comportaient, notamment, l’utilisation de médicaments puissants, d’électrochocs et de messages audio répétés à profusion», peut-on lire dans le document judiciaire dont Métro a obtenu une copie. 

Ces traitements ont été fortement critiqués et condamnés par la communauté scientifique. Sans admettre une quelconque responsabilité, le gouvernement canadien a même adopté en 1992 un programme d’indemnisation ex gratia des patients les ayant subis.

Agissant tant à titre personnel qu’au nom des quelque 55 familles victimes des expériences qui les ont mandatées, les demanderesses réclament à l’endroit des défendeurs des dommages découlant des traitements expérimentaux prodigués par le Dr Cameron dans le cadre du programme MK-ULTRA dans les années 50 et 60.

Les demanderesses soutiennent que les défendeurs ont commis des fautes, soit en permettant ou en autorisant les traitements expérimentaux allant à l’encontre du respect et de l’intégrité des patients, soit en les encourageant par l’octroi de subventions. Elles affirment que ces traitements leur ont porté préjudice puisqu’elles ont été privées du soutien et des soins auxquels elles auraient pu raisonnablement s’attendre des membres de leurs familles respectives s’ils n’avaient pas été traités par le Dr Cameron.

Les expériences faites à l’Allan Memorial Institute ont ruiné notre famille.

Marilyn Rappaport, demanderesse et soeur d’une patiente

Une jurisprudence historique 

Le procureur général du Canada (PGC), l’Hôpital Royal Victoria (HRV) et le Centre universitaire de Santé McGill (CUSM) avaient présenté des demandes en irrecevabilité visant à rejeter le recours, mais la Cour supérieure du Canada vient de rejeter leur requête.

Marilyn Rappaport a accueilli cette «très bonne nouvelle» avec soulagement. «Nous sommes excités parce qu’ils [les défendeurs] essayaient de rendre irrecevable notre demande en affirmant qu’il n’y avait pas d’intérêt commun entre nos groupes», a-t-elle souligné en entrevue à Métro.

En effet, si les défendeurs estiment que les demanderesses ne partagent pas un intérêt commun avec les familles qui les ont mandatées, la Cour supérieure vient de conclure le contraire. 

Selon l’avocat des demanderesses, Alan Stein, il s’agit d’une décision historique qui crée une jurisprudence sur l’existence d’un groupe identifiable et les difficultés pour le représentant d’obtenir un mandat des membres pour les représenter. «Ça veut dire qu’on n’est pas obligés d’attendre l’autorisation d’une action collective qui peut prendre une décennie. On peut maintenant intenter une action directe d’après les articles 91 et 92 lorsqu’on donne un mandat à une ou deux personnes pour représenter les personnes qu’on appelle les mandataires. Ça donne un meilleur accès à la justice», explique-t-il. 

Si cela fait maintenant plusieurs années que Marilyn Rappaport et Alison Steel attendent une réponse à leur requête, elles espèrent maintenant que la prochaine étape ne sera pas aussi longue. 

Une demande d’autorisation d’exercer l’action collective doit encore être entendue. Elle a été déposée par le cabinet Consumer Law Group (CLG) au nom de Julie Tanny le 24 janvier 2019.

Réactions des défendeurs

Appelé à réagir, le CUSM indique qu’il reconnaît que le Dr Donald Ewen Cameron a effectué des travaux à l’Institut Allan Memorial au cours des années 50 et 60. «La recherche qui lui est attribuée continue d’être controversée et ses conséquences, malheureuses. Les tribunaux ont déjà établi que l’Hôpital Royal Victoria n’était pas juridiquement considéré comme l’employeur du Dr Cameron. À l’époque, il exerçait sa profession de manière autonome et indépendante», souligne cependant la porte-parole Gilda Salopmone.

Elle ajoute que les recherches du Dr Cameron ne pourraient pas être menées aujourd’hui dans l’établissement puisque, depuis les années 60, les cadres éthiques et réglementaires ont considérablement évolué. «Aucune activité de recherche ne peut être réalisée au CUSM sans se conformer aux directives en matière d’éthique de la recherche et d’intégrité scientifique. Ces directives assurent la révision des projets de recherche, la transparence des activités de recherche, la protection des humains qui participent à la recherche, l’intégrité des comités d’éthique de la recherche et le contrôle de médicaments expérimentaux, à travers le CUSM et son Institut de recherche», précise Mme Salopmone.

De son côté, le ministère de la Justice du Canada indique étudier la décision de la Cour.

Il souligne également que George T.H. Cooper, mandaté par le gouvernement du Canada pour mener une enquête sur les travaux réalisés par le Dr Ewen Cameron de 1950 à 1965, a conclu dans son rapport final, publié en 1986, que le gouvernement du Canada n’avait aucune responsabilité juridique ni morale en ce qui a trait à ces traitements.

«Bien que le rapport Cooper ait conclu que le gouvernement du Canada n’était pas responsable, le Canada a décidé, pour des motifs humanitaires, de fournir une aide financière aux victimes. Le Régime d’aide aux personnes déstructurées a été créé pour fournir aux victimes de ces traitements des paiements ex gratia», ajoute-t-on.

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