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«Ce qui se passe en Iran sera la première révolution féministe au monde»

Photo: Istock

L’épidémiologiste et activiste féministe montréalaise Nimâ Machouf a quitté l’Iran à 18 ans pour le Québec. Membre de l’Association des femmes iraniennes depuis 30 ans, elle milite pour le droit des femmes en Iran et le droit des femmes en général. À quelques jours d’une manifestation à Montréal en soutien à la lutte du peuple iranien, Métro s’est entretenu avec elle pour comprendre ce qui se passe et comment la diaspora se mobilise ici.

Quelle est votre implication dans le mouvement montréalais actuel?

Depuis ces cinq dernières semaines à Montréal, il y a une coalition qui s’est formée de plein de jeunes et de gens qui sont super impliqués pour mobiliser la Ville et des gens iraniens ou non iraniens en appui avec ce qui se passe en Iran. Moi, je suis une de ces personnes-là.

Comment qualifieriez-vous ce qui se passe en Iran actuellement?

Je pense que ce qui se passe en Iran va devenir la première révolution féministe au monde – d’où son importance. Ce n’est pas quelque chose qui va se limiter à l’Iran. Si cette révolution réussit en Iran, ça sera contre tous les intégrismes, donc ce n’est pas juste bénéfique pour l’Iran et pour le Moyen-Orient, c’est bénéfique pour le monde entier. C’est la cause de tout le monde. C’est vrai que ça a été initié par la cause des femmes en Iran, mais maintenant, les gens veulent un gouvernement laïque et les revendications sont contre la dictature et surtout contre le régime islamique. Après cinq semaines à se faire battre et tuer, les gens se disent qu’ils ne rentreront pas chez eux; c’est la fin.

Les gens en Iran sont arrivés à un point de non-retour et on est là pour aller jusqu’au bout, on veut la révolution.

Nimâ Machouf

Est-ce que ça a un impact, le fait que la diaspora iranienne de Montréal se mobilise?

C’est très important, parce que ce qui se passe en Iran est quelque chose qui peut mener enfin au changement de gouvernement. Nous, de loin, c’est vrai qu’on ne peut pas faire grand-chose, mais on peut quand même faire beaucoup de choses. On peut être les porteurs de la voix de ce qui se passe en Iran, on peut être ceux et celles qui font écho aux revendications, aux demandes et au vécu des personnes qui sont en train de lutter contre la théocratie en Iran, et surtout leur montrer qu’on est là et qu’on les appuie, qu’ils et elles ne sont pas seuls. De notre côté, à l’extérieur, on essaye au Canada de voir comment nos gouvernements peuvent mettre de la pression diplomatique pour prendre action contre le gouvernement iranien.

Et que peut faire le Canada?

Il y a une semaine à peu près, le gouvernement canadien a mis près de 10 000 personnes responsables ou proches de responsables du régime iranien dans une liste de persona non grata qui seront interdites d’entrée au Canada. Pour ceux et celles qui sont là, ils seront possiblement déportés en Iran et leurs avoirs pourraient être gelés. C’est le genre de message qui est envoyé directement aux responsables du gouvernement iranien pour leur faire peur et leur dire qu’ils ne sont pas désirables ici.

Quel est l’état d’esprit de la diaspora montréalaise?

Elle est très inquiète, mais pleine d’espoir. Ça fait 39 ans que je suis au Québec et des activités contre la répression en Iran, on en a eu beaucoup, mais c’est rare qu’on voie des activités avec une telle ampleur et très chargées émotivement. D’une part par la colère contre le gouvernement iranien et, d’autre part, les gens sont fébriles et inquiets.

Ils éclatent en larmes. C’est rare qu’on a vu ça ici à Montréal.

Nimâ Machouf

Quelles sont les actions à Montréal en ce moment?

Le gouvernement iranien a comme tactique d’essayer de masquer le mouvement de résistance en mettant les gens les uns contre les autres. Nous, ici, dans la diaspora comme partout, on fait des activités pour dire qu’on est tous unis. Le prochain événement sera le samedi 22 octobre à 14h30, il va y avoir une manifestation qui partira de la place Émilie-Gamelin vers la place du Canada. On veut que toute la population québécoise participe et montre son appui en se joignant à nous.

Comment l’ensemble des Montréalais peuvent-ils contribuer?

Les Montréalais peuvent contribuer en étant solidaires, en parlant avec leurs amis non iraniens, à leurs représentants comme à leurs députés, car ils agissent au niveau du gouvernement provincial et fédéral. Localement, on peut faire des actions symboliques, mais qui ont une valeur très importante et qui portent très loin. Par exemple, si la Ville de Montréal décide de nommer un parc ou une rue au nom de Mahsa Amini, qui est celle qui a flambé cette révolution, symboliquement, c’est très important. Ça a une valeur énorme, pas juste pour nous de la communauté iranienne qui allons nous sentir encore plus attachés à notre pays d’adoption, mais aussi pour les personnes qui se battent dans la rue en Iran.

Quelle est l’implication du mouvement féministe québécois dans cette mobilisation?

Les gens ont tellement peur que la droite québécoise xénophobe et islamophobe récupère ce mouvement ou cet appui à la révolution iranienne qu’ils préfèrent se garder à l’écart. Ce n’est pas du tout la bonne stratégie, parce que ce qui se passe en Iran, c’est un mouvement qui a été déclenché contre l’obligation de porter le voile en Iran. Ce qui est demandé en Iran, c’est le libre choix, et c’est la même chose pour nous, ici, au Québec. Le mouvement féministe du Québec n’a pas à être gêné de prendre position en faveur du mouvement contre l’obligation de porter le voile en Iran, car là-bas ils sont pro-choix. C’est important que les gens au Québec réalisent qu’ici, on ne brûlera pas de voile, mais en Iran c’est important de le brûler parce que c’est imposé, c’est l’imposition du voile que les gens remettent en question. Ce n’est pas contre le voile, ce n’est pas une révolution contre l’islam, c’est une révolution contre la religion au pouvoir. C’est une révolution qui demande la laïcité de l’État et c’est notre cause commune au Québec aussi.

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