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D’irréductibles locataires vivent dans un immeuble en chantier sans chauffage

Mis à part quelques locataires restés dans l'immeuble sis au 3605, rue Saint-Urbain, les étages ont été vidés pour procéder à des rénovations majeures. / Josie Desmarais/Métro Photo: Josie Desmarais

Début juillet, l’immeuble de 16 étages situé au coin des rues Saint-Urbain et Prince-Arthur, à Montréal, abritait une centaine d’âmes. Mais depuis le lancement d’un énorme chantier de rénovation, ils ne sont plus que 14 locataires. Ces derniers se disent victimes d’une rénoviction et ont entamé un bras de fer avec leur propriétaire pour rester dans leur domicile.

«Ils m’ont proposé une cession de bail sans délai», relate Jean*, un locataire de longue date. Il l’a refusée, car il «n'[a] pas les moyens pour aller ailleurs», mais elle a été acceptée par plus de 100 résidents, la plupart âgés, qui vivaient là depuis longtemps, selon les témoignages récoltés par Métro.

Le chauffage retiré

Le but initial des rénovations commandées par le gestionnaire Cromwell Management était de remplacer le chauffage. Des travaux visiblement nécessaires dans un bâtiment dans un état médiocre. Les unités de chauffage des appartements encore habités ont disparu et n’ont pas été remplacées jusqu’ici. Les irréductibles locataires craignent un hiver difficile.

«L’entrepreneur en charge des travaux nous a fourni des petits chauffages d’appoint. Les ouvriers sont sympathiques, ils nous ont demandé comment ils pouvaient nous aider», poursuit Jean. En sortant de son logement pour nous accompagner jusqu’à l’ascenseur, il montre la vétusté des lieux en pressant une poche d’eau accumulée dans le mur, qui éclate sous ses doigts.

L’humidité s’est engouffrée partout dans le bâtiment, forçant l’entreprise responsable des travaux à installer des souffleurs et chauffages industriels dans toute la hauteur du bâtiment de 16 étages. En se dirigeant vers l’appartement de Vanessa, on traverse un véritable chantier, où les murs des logements vides sont tombés et où l’on constate des infiltrations d’eau. En circulant dans les couloirs, il est facile de trébucher sur un trou dans le sol ou sur des amas de pierres.

Un des locataires restants de l’immeuble sis au 3605, rue Saint-Urbain doit mettre du ruban adhésif et des serviettes au sol pour protéger son appartement de la poussière des rénovations. / Josie Desmarais/Métro

«Regardez! Ils ont même cassé chez moi», relate-t-elle en anglais, en pointant sa salle de bain. Sous le lavabo, un trou dans le mur ouvre sur l’ancien appartement voisin, en travaux. L’air froid passant, elle a posé une planche en bois pour recouvrir l’ouverture.

La crainte de hausses de loyers abusives

Vanessa a intégré le «conseil des locataires», qui s’est formé dans l’immeuble, soutenu par le Syndicat autonome des locataires de Montréal, qui se bat contre de nombreuses «rénovictions» dans la métropole. Le syndicat reproche à Cromwell d’avoir poussé les locataires au départ, afin de rénover l’immeuble et de procéder à une hausse de loyer. Celle-ci, craignent-ils, priverait les précédents résidents de revenir «chez eux».

Le conseil des locataires demande notamment au gestionnaire du 3605, Saint-Urbain une indemnisation pour les désagréments vécus. Il demande que «les unités soient louées à un loyer abordable consenti» par les locataires après la rénovation.

Un des locataires restants de l’immeuble sis au 3605, rue Saint-Urbain doit mettre tous ses effets personnels dans des valises et sacs pour les protéger de la poussière des rénovations. / Josie Desmarais/Métro

«On aimerait au minimum avoir l’eau potable tout le temps», laisse tomber Jean, en rangeant une pile de papiers où figurent les noms des différents locateurs à qui il a payé son loyer pendant les 20 dernières années.

Parmi ceux-ci: 9364-6685 Québec inc. et Cromwell Management. Les deux entreprises appartiennent au magnat de l’immobilier George Gantcheff. Ce dernier a fait l’objet de poursuites au Tribunal du logement (TAL) à plusieurs reprises pour des hausses de loyers considérées comme abusives par des locataires, d’après plusieurs décisions de justice consultées par Métro. En tout cas, selon Vanessa, aucun prélèvement de loyer n’a eu lieu depuis le début des travaux.

Contactée par courriel et par téléphone, la société Cromwell n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Le rez-de-chaussée et les ascenseurs de l’immeuble sis au 3605, rue Saint-Urbain. / Josie Desmarais/Métro

*Le prénom a été changé.

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