Démocratiser les soins d’hygiène dentaire pour mieux servir les Québécois
Depuis septembre 2020, les hygiénistes dentaires du Québec disposent d’une autonomie de pratique qui permet d’améliorer l’accessibilité des soins buccodentaires préventifs pour la population. Or, seulement une soixantaine d’hygiénistes exercent leur profession de façon indépendante à ce jour, sur les quelque 6500 hygiénistes dentaires à travers la province.
«On est très fiers et encouragés par cette avancée pour la profession parce qu’elle permet de démocratiser l’accès direct aux hygiénistes dentaires sans passer par un dentiste et de réduire les frais des soins préventifs pour les patients. Toutefois, cela demeure encore méconnu par la population», exprime Cynthia Wilcott, présidente de la Fédération des hygiénistes dentaires du Québec, qui compte actuellement plus de 500 membres actifs.
Selon Mme Wilcott, la publicité entourant l’adoption du projet de loi 29, qui permet désormais aux hygiénistes dentaires d’offrir des soins de prévention mobiles ou dans leur clinique, de la formation ou des services de dépistage pour les enfants, a été faite «à mots couverts» parce que les dentistes avaient jusqu’à maintenant une chasse gardée sur les soins dentaires au Québec et qu’ils «ne veulent pas perdre leurs hygiénistes».
Exercer sa profession librement
«J’étais frustrée de ne pas pouvoir offrir les soins et les conseils que les patients méritent lorsque je travaillais en clinique dentaire, car il fallait faire vite», dit Vanessa Bravo, hygiéniste dentaire d’origine péruvienne, qui compte plus de 13 ans de pratique professionnelle.
Grâce à l’adoption du projet de loi 29 sous la loi 15, les hygiénistes dentaires peuvent désormais effectuer une quinzaine d’activités réservées à leur profession sans la supervision d’un.e dentiste.
La loi 15 me permet d’offrir des soins buccodentaires de prévention à des tarifs 30% moins élevés que ceux facturés par les cliniques dentaires.
Vanessa Bravo, hygiéniste dentaire diplômée du Collège de Maisonneuve en 2009
En octobre 2021, Mme Bravo a saisi l’opportunité d’ouvrir sa clinique H Dentaire Bravo à Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, devenant l’une des cliniques de soins buccodentaires préventifs pionnières sur l’île de Montréal, parmi une dizaine de cliniques actuellement sur son territoire.
Plus qu’un nettoyage dentaire
Au-delà des soins buccodentaires préventifs, Mme Bravo a à cœur le dépistage précoce des maladies buccodentaires chez ses patients. «Les médecins ne prennent pas toujours le temps de faire un dépistage en clinique dentaire, mais c’est notre responsabilité. On peut sauver des vies!»
C’est pourquoi elle a fait l’acquisition d’un appareil de dépistage du cancer de la bouche pour sa clinique. Celui-ci lui a permis de détecter deux cas de lésions buccales, qu’elle a pu diriger vers un service de pathologie pour un suivi spécialisé cette année.
La santé dentaire n’est pas un privilège, c’est un droit.
Vanessa Bravo, membre du conseil d’administration de la Fédération des hygiénistes dentaires du Québec
«On m’a déjà dit que je travaillais trop avec le cœur et que je n’allais pas faire de l’argent comme ça, mais je crois que cela fait partie de ma conscience professionnelle. Lorsque je rentre chez moi le soir, j’ai la satisfaction d’avoir aidé quelqu’un.»
Redonner à la communauté
Dans un désir de redonner à sa communauté, Mme Bravo participe bénévolement depuis l’automne 2020 aux cliniques mobiles organisées à Montréal par l’association caritative ontarienne Gift from the Heart, qui ont pour but de fournir gratuitement des soins dentaires préventifs et d’urgence aux Canadiens qui rencontrent des difficultés financières.
«Tous les deux mois, j’offre aussi une journée de soins gratuits dans ma clinique à des gens qui en ont besoin, notamment des immigrants à statut précaire. Je fais cadeau de mon temps et de mon travail, et Gift from the Heart fournit le matériel dont j’ai besoin pour soigner les patients», explique la mère de famille âgée de 44 ans.
«Étant des nouveaux arrivants au pays et n’ayant pas encore de travail stable, c’était impossible pour moi d’absorber le coût excessif des soins dentaires pour mes filles ici», partage le Colombien Ricardo Morales, qui se réjouit d’être tombé sur une publication de Mme Bravo sur les réseaux sociaux.
«Mes deux filles adolescentes ont pu recevoir les soins dont elles avaient besoin grâce à Mme Bravo», poursuit le père de famille, qui se dit reconnaissant d’avoir pu recevoir des services en espagnol.
Sensibiliser les parents
Ayant à cœur la santé buccale des enfants, Mme Bravo fait aussi cadeau de son temps en donnant des ateliers de sensibilisation et en offrant des séances d’information sur la santé buccale dans différents organismes communautaires de Montréal.
«J’ai reçu beaucoup de la part des organismes d’accueil lorsque je suis arrivée au Québec. Aujourd’hui, je veux leur donner à mon tour», affirme-t-elle.
«Nous avons beaucoup apprécié l’atelier gratuit de sensibilisation à la santé buccale des enfants de 0 à 5 ans que Vanessa a donné chez nous. Il y a encore beaucoup de parents qui croient que ce n’est pas nécessaire de faire attention aux dents des jeunes enfants», dit Evelyne Rosales, agente de milieu à la Maison de la famille de Saint-Léonard.
«Les soins d’hygiène dentaire sont très chers. Les cliniques comme celle de Vanessa permettent aux familles qui ont un faible revenu et qui n’ont pas d’assurance de recevoir des soins dont ils ont tant besoin.»
Mme Bravo offrira un atelier destiné à la population de 55 ans et plus à l’organisme Accueil aux immigrants de l’est de Montréal (AIEM) le 13 décembre à 14h.
Les soins prodigués par les hygiénistes dentaires indépendant.e.s sont reconnus actuellement par les assurances privées. Des démarches sont en cours en vue du déploiement d’un programme visant leur couverture par la RAMQ dès le 1er juin 2023.
La nouvelle Prestation dentaire canadienne, disponible sur demande à partir du 1er décembre, permettra aux familles dont le revenu est inférieur à 90 000 $ d’obtenir jusqu’à 650 $ par année pendant deux ans pour couvrir les frais dentaires de leurs enfants de moins de 12 ans.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.