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D’un milieu délinquant à pompier à Montréal-Nord

Pompier noir à Montréal-Nord
Alberto Syllion, lors de sa présentation à l'école primaire Saint-Benoit du quartier sur le métier de pompier devant des enfants. Ahuntsic Photo: Jean Numa Goudou/Métro

Alberto Syllion est le huitième Noir de toute l’histoire du Service d’incendie à Montréal (SIM) et il ne s’en cache pas. Jeune, il trempait dans des «affaires sales» avant de devenir pompier à 30 ans. Né en Haïti et arrivé avec sa famille à Rivière-des-Prairies à l’âge de cinq ans, le jeune Alberto ne rêvait pourtant pas de devenir pompier un jour.

«Moi j’étais dans la musique rap un peu partout, un peu croche des fois, dans des milieux turbulents, des affaires sales», confie l’homme de 44 ans en entrevue avec Métro. Lors de ses conférences de motivation sur le métier de pompier, il traîne chaque fois avec lui un écriteau qui fait aussi part de son passé plus sombre.

C’est à 27 ans qu’il se décide de changer et de rentrer à l’école de pompier. Il avait un enfant et travaillait à temps plein pour subvenir aux besoins de sa famille. « Mes camarades étaient dans la vingtaine et avaient toujours voulu faire cela, moi, au début c’était du chinois pour moi. Je devais mettre les bouchées doubles, même triples, pour arriver», se souvient-il. Le soldat du feu réussit sa formation avec brio, dit-il, et rentre au SIM en 2008. Il dit avoir vécu un début difficile comme recrue, noir de surcroit.

Je me souviens que c’était les élections aux États-Unis et Obama était candidat. Dans le camion après chaque intervention, on entendait : ”bon, bon, bon… on va être rendu avec un Noir à la Maison-Blanche. Ils vont-tu le tirer, lui, pour qu’on arrête d’en parler”.

Alberto Syllion, pompier à Montréal-Nord depuis une quinzaine d’années

En 2011, trois ans après son entrée au SIM, il présente un projet à l’organisation sur la nécessité d’avoir un volet diversité et inclusion dans les services. La Ville et le service incendie acceptent, et depuis, il fait des présentations dans les écoles et un peu partout sur la représentation des minorités visibles.

« Dès que je suis rentré, j’ai vu l’homogénéité au sein du service, dit-il. Cette situation porte l’organisation à faire les mêmes erreurs. Lorsque tout le monde a la même culture, les mêmes modes de pensée, la même religion, on est porté à s’épauler dans l’erreur.»

Racisme: question de génération

 Est-ce que les pompiers eux-mêmes sont prêts à accepter ce changement, cette différence?, se demande le pompier qui compte une quinzaine d’années d’expérience. Il y a de l’espoir et que les mentalités commencent à changer, selon ses observations.

«C’est une question de génération. Les jeunes pompiers d’aujourd’hui ont l’habitude de vivre dans des milieux multiculturels. Leur ouverture est plus grande aujourd’hui. Ils ont des amis noirs et Métis. Cela ne veut pas dire qu’ils sont exempts de tout racisme non plus», observe Alberto Syllion.

Selon lui, le racisme et les comportements discriminatoires viennent souvent d’un petit groupe dans la société ou au sein d’une organisation. Toutefois, le silence de la majorité la rend parfois complice de ces actes, estime le pompier de Montréal-Nord.

Il ne suffit pas de dire que : ”moi je ne suis pas raciste”. Si tu n’es pas raciste, ce n’est pas assez. Il faut que tu sois antiraciste.

Alberto Syllion, pompier noir à Montréal

Changer l’imaginaire noir

Ce dernier dit travailler sans relâche à briser plusieurs barrières qui empêchent les jeunes noirs de devenir pompier. Il veut déconstruire l’image que les pompiers sont généralement des jeunes hommes blancs de grande taille.

M. Syllion donne l’exemple du métier de chef qui est très populaire auprès des hommes depuis que la télévision montre abondamment des hommes aux fourneaux. «Or, le métier de pompier n’a jamais été présenté de façon à s’incruster dans l’imaginaire du garçon noir parce qu’on ne se voit jamais là-dedans. On ne nous présentait jamais cette image», déplore le soldat du feu, en conférence partout à Montréal.

En 2008, ils n’étaient que huit pompiers noirs au SIM. Aujourd’hui, ils sont 53 sur les 2400 à Montréal.

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