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Demandeurs d’asile: envoyés à Niagara Falls, déjà de retour dans la métropole

Photo: Archives Métro

Après un long périple à travers une douzaine de pays d’Amérique latine, certains demandeurs d’asile avaient Montréal en tête comme destination finale. Mais, faute de logement ou d’adresse à fournir à Immigration Canada, plusieurs d’entre eux ont poursuivi leur route et se sont dirigés vers l’ouest. Un parcours fortement encouragé par les autorités.

Depuis le lancement d’une opération en juin 2022, Niagara Falls accueille un grand nombre de demandeurs d’asile dans pas moins de huit hôtels réquisitionnés par le gouvernement. Mais les conditions d’accueil sur place laissent à désirer, selon Annie*, une infirmière et femme d’affaires d’origine haïtienne contactée par Métro.

«Il y a deux femmes enceintes avec des enfants qui mangent mal et qui ne reçoivent pas de soins nécessaires», constate Annie, qui s’est rendue sur place pour voir comment elle pouvait aider ses compatriotes logés dans l’un de ces hôtels. Le manque de services gouvernementaux ou communautaires est criant, souligne-t-elle.

Il n’y a personne pour les aider et les hôtels leur mettent de la pression pour qu’ils remplissent les documents dans un délai ne dépassant pas 30 jours, afin qu’ils reçoivent leur premier chèque et quittent les lieux.

Annie, femme d’affaires d’origine haïtienne qui vient en aide à ses compatriotes

Au moment où ces lignes étaient écrites, Immigration Canada n’avait pas encore répondu à notre demande de précisions au sujet des services d’accueil et d’intégration mis en place pour ces personnes à Niagara Falls. «On n’a jamais vu personne. Je peux dire que je suis le travailleur social des Haïtiens», affirme pour sa part Aladin Rener, qui est lui aussi un demandeur d’asile comme les autres.

Après s’être occupé de son dossier seul, Rener accompagne ses compatriotes dans à peu près tout: il les aide à remplir des documents sur Internet tout comme il les accompagne à leur examen médical. Le problème de la barrière de la langue se pose pour ces demandeurs qui ne connaissent pas un mot d’anglais.

Des demandeurs d’asile en errance

Tous les jours, une dizaine d’entre eux quittent Niagara Falls en bus pour revenir à Montréal. C’est le cas de Davidson, à qui Métro a parlé au téléphone deux jours après son retour à Montréal. C’est un ami qui l’accueille chez lui dans son petit appartement.

«J’avais clairement précisé aux agents d’immigration que moi, je voulais rester à Montréal. Là-bas, ce n’est pas pour moi», lance le demandeur d’asile au bout du fil. La directrice de la Maison d’Haïti, Marjorie Villefranche, confirme recevoir des dizaines d’appels de ces gens-là, à la recherche d’aide de toute sorte, notamment à la réinstallation. Car ils ne veulent pas rester à Niagara.

C’est une ville touristique, il y a des débouchés, mais la catégorie de gens qui sont là n’est pas adaptée pour ce marché. Le marché ne correspond pas à leurs bagages intellectuels et aussi sur le plan de la formation.

Aladin Rener, demandeur d’asile qui accompagne ses compatriotes dans les démarches d’intégration

«Les gens disent que finalement il n’y a pas d’aide pour eux, pas de travail; pourquoi devraient-ils rester?» s’interroge Aladin Rener. Le coordonnateur du Comité d’action des personnes sans statut (CAPS), Frantz André, confirme, lui aussi, le phénomène du grand retour à Montréal des demandeurs d’asile. Il est régulièrement en contact avec eux.

Un Portail qui bogue

M. André gère plus de 425 dossiers de demande d’asile depuis novembre 2021. Il aide ces gens à se retrouver dans les dédales du site d’Immigration Canada, lequel change, dit-il, au gré du vent. «Depuis deux semaines, IRCC a créé un système automatisé, mais le nouveau portail est dysfonctionnel, ça bogue tout le temps. Même les avocats sont découragés par cela et menacent de ne plus prendre des cas d’immigration», observe-t-il.

Lors d’un entretien au début du mois de janvier, un porte-parole d’Immigration Canada, Rémi Larivière, avait précisé au journal que les demandeurs d’asile qui se sont dirigés vers l’ouest «ont manifesté un intérêt» à y aller.

Selon lui, ces déménagements «volontaires» sont temporaires dans certains cas. Le but serait de «libérer de l’espace dans les sites d’hébergement temporaire au Québec», avait-il indiqué. En effet, la crise du logement fait rage dans la province. L’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) fait déjà face à une liste d’attente de plus de 23 784 ménages et les demandeurs d’asile ne sont pas admissibles à un appartement subventionné.

Pour faire une demande de logement subventionné, la personne doit être un citoyen canadien ou résident permanent et résider au Québec. Elle doit avoir habité la Communauté métropolitaine de Montréal au moins 12 mois, rappelle le directeur du Service des communications de l’OMHM, Mathieu Vachon.

*Le prénom a été modifié.

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