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Le frein au recrutement des minorités visibles que Fady Dagher souhaite lever

Le chef de la police de Montréal, Fady Dagher, avec des policiers noirs dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs Photo: Jean Numa Goudou/Métro

Alors que le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) cherche à pourvoir 131 postes de policiers parmi les minorités visibles, la natation pourrait freiner la prétention du corps policier. Ce sport, traditionnellement peu pratiqué au sein des communautés culturelles, nuit aux aspirants policiers issus de ces communautés. Ceux-ci rencontrent de peine et misère les exigences aquatiques établies par les collèges et beaucoup abandonnent tout simplement leur projet de devenir policier.

Les 12 cégeps, dont deux sur l’île, qui offrent la formation en Techniques policières, demandent un niveau de performance qui «élimine subtilement, sournoisement» certaines communautés selon le chef du SPVM, Fady Dagher. Ce dernier a rencontré, il y a un mois, le directeur général et des membres de la Fédération des cégeps ’pour évoquer cette question.

Le chef de police leur a exposé la situation et ils étaient stupéfaits selon lui. «Ils m’ont regardé en me disant: mais voyons donc…, ils ne sont pas conscients de cela», indique M. Dagher en entrevue avec Métro. Toutefois le dirigeant du SPVM dit avoir reçu «un accueil très favorable à revoir la procédure», très bientôt, en matière de niveau de natation exigé.

«Une forme de discrimination systémique»

Nage papillon, nage dauphin, nage habillée, David* un jeune Québécois d’origine haïtienne, n’a pas pu réaliser les standards requis pour une de de ces habiletés. En dépit de la réussite, avec succès, de ses 47 cours en Technique policière (TP), il ne pouvait pas intégrer l’École nationale de police du Québec (ENPQ): il a raté, par huit secondes, un de ces tests de natation au Collège de Maisonneuve où il étudiait.

Il a intégré ce Collège, qui n’exige pas de test de natation à l’admission, contrairement à Ahuntsic, justement pour échapper à cette épreuve.  «Mes camarades blancs  étaient les plus talentueux , des fanatiques de ce sport qui voulaient parfois avoir des heures additionnelles avec leurs amis», dit-il.

Le fait qu’il y ait un test, je peux comprendre, mais le niveau du test est absolument pour moi démesuré et je leur ai dit que cela fait une forme de discrimination systémique envers une communauté, en mettant un niveau si haut de performance de natation, on les élimine subtilement sournoisement.

Fady Dagher, chef du SPVM

Ne pas sauter dans l’eau, pourtant

De plus, la politique du SPVM, qui encadre les interventions aquatiques,  interdit explicitement à ses policiers de se lancer à l’eau pour sauver une victime de noyade potentielle. Cette recommandation est basée sur les directives de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CNESST).

Le niveau de performance demandé par les collèges est un non-sens.

F. Dagher, chef de la police de Montréal

M. Dagher dit avoir demandé à ses policiers de ne pas sauter dans l’eau à moins que cela ne soit absolument nécessaire. « Savoir nager n’est pas du tout une compétence essentielle reliée au travail policier», fait remarquer pour sa part Alain Babineau, Sergent d’état-major retraité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) confirme la tenue de travaux sur l’accessibilité des minorités culturelles en Techniques policières. Ils sont menés par des représentants des corps policiers, du MES, du ministère de la Sécurité publique (MSP), de l’École nationale de police du Québec (ENPQ) et des collèges autorisés à donner le programme.

« Maintenant, conformément au Règlement sur le régime des études collégiales (chapitre C-29, r.4), il revient au ministre de déterminer les objectifs et standards (compétences à atteindre) des programmes d’études techniques », indique le porte-parole du MES, Bryan St-Louis dans un courriel adressé au journal.

Concernant la natation dans le programme d’études Techniques policières (version 2021), les exigences minimales sont les suivantes:

Après un départ dans l’eau, démonstration de son habileté à :

− nager en continu sur 200 mètres, en position ventrale, sans appui au sol et sans poussée au mur;

− nager en continu sur 50 mètres, sans appui au sol et sans poussée au mur, avec des vêtements;

− nager sur place en position verticale durant trois minutes en maintenant la tête hors de l’eau.

Les CEGEPS ou le ministère?

Le contenu de ce programme d’études a été rédigé en collaboration avec des policiers, des organisations policières, l’École nationale de police de Québec et les collèges selon le porte-parole du MES.

Bryan St-Louis ajoute que c’est «chaque collège qui détermine les activités d’apprentissage (art.11), dont les cours, les évaluations, tests ou épreuves, les stages ou autres activités pédagogiques permettant de développer les compétences.» Or, Fady Dagher nous rapporte que les cégeps lui ont dit lors de sa rencontre avec eux qu’«il n’y a personne qui croit que c’est absolument nécessaire» au sein du corps collégial.

Notons qu’à l’École nationale de police du Québec (ENPQ), un total de 3 heures et 15 minutes sont consacrés au volet de sauvetage en milieu aquatique. Cette formation non éliminatoire est donnée par un formateur certifié par Sécurité nautique Québec, et axée sur l’utilisation de bouées et de procédures sécuritaires ne requérant pas des étudiants de sauter à l’eau.

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