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REM de l’Est à 36 G$: considérer «le coût de ne rien faire»

Il faudra encore attendre avant d'embarquer à bord du REM.
Photo: Archives/Clément Bolano, Métro Média

Sans transport structurant, on ne pourra pas revitaliser l’Est de Montréal, estime Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM) depuis septembre 2021.

Deux mois après le lancement du nouveau mouvement citoyen, «D’est en Est», il presse les paliers de gouvernement provincial et municipal de faire avancer le projet du REM de l’Est, dont une nouvelle mouture du projet chiffrée à 36 G$ a été dévoilée. Une condition clé à la revitalisation de ce secteur, un «rattrapage historique» dû, selon M.Charest.

C'est bien Jean-Denis Charest
Jean-Denis Charest a travaillé pour la Chambre de commerce du Montréal métropolitain avant de joindre l’équipe de la CCEM.

Prolongement de la ligne bleue, un REM de l’est pas avant 2036… quels défis pour la revitalisation de l’est de Montréal pose la lenteur que prennent les projets de transport à se concrétiser?

On demandait que tout soit réalisé le plus rapidement possible, dans une dizaine d’années. C’est des grands travaux et c’est normal que ça prenne plusieurs années. Il faut lancer un signal fort aux investisseurs que ce projet va se faire, pour que les gens aient confiance et la certitude de comment va se développer l’est de Montréal. On doit relever les manches, préciser le projet, et travailler à faire que ce projet soit réalisé dans un budget somme toute acceptable. On a dévoilé un rapport, mais le vrai travail doit se faire à partir d’aujourd’hui, et il doit se faire rapidement. C’est la responsabilité de Québec et la Ville de Montréal.

François Legault croit que les Québécois n’ont pas la capacité de payer pour un projet de 36G$. Cela ne vous décourage-t-il pas?

Je n’ai entendu aucun politicien disant qu’on ne fera pas de transport collectif dans l’Est. Bien sûr, quand on voit une facture de 36 milliards pour un projet pas totalement ficelé, je peux comprendre la réaction du premier ministre. On est dans un contexte de gestion de projet public alors il faut regarder le budget. Il faut faire des choix, phaser le projet, regarder comment on peut gérer certaines économies. L’autre élément à regarder: le coût de ne rien faire. On n’en parle jamais. Le fait que l’Est soit enclavé a un coût énorme. On n’a pas le choix de se relever les manches, trouver un projet et ça, c’est la responsabilité du gouvernement et de la ville de Montréal. Et il faut le faire rapidement, au cours des prochains mois. On est un peu condamné à réussir.

Lorsqu’on s’est posé la question de si on voulait bâtir un pont entre la Rive-Sud et l’île de Montréal, si on avait fait une enquête origine-destination, on se serait dit qu’on n’en aurait pas besoin car les gens ne traversaient pas le fleuve à la nage.

Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM)

Est-ce que le projet est irréaliste?

Ça va rester des sommes importantes, mais des bénéfices extrêmement importants aussi. Il faut changer la façon de voir le développement du transport collectif. Il faut changer notre façon de voir le retour sur investissement de ces projets. On ne peut pas baser l’analyse de rentabilité sur la simple analyse du nombre de citoyens présents sur le territoire et du nombre de transferts modaux. Lorsqu’on s’est posé la question de si on voulait bâtir un pont entre la Rive-Sud et l’île-de-Montréal, si on avait fait une enquête origine-destination, on se serait dit qu’on n’en aurait pas besoin car les gens ne traversaient pas le fleuve à la nage. Les gens ne se déplacent pas car l’offre n’est pas là.

Selon une étude de la Ville, plus de 775 000 nouveaux logements pourraient être construits à proximité des nouvelles stations. À quoi cela pourrait-il ressembler ?

L’attractivité globale de l’est doit être un chantier majeur. L’idée n’est pas simplement de transporter des personnes d’un point A à un point B, mais c’est aussi d’attirer des gens dans l’est. On est en pleine crise du logement, le meilleur levier pour bâtir, c’est le transport collectif. Il faut attirer des investissements pour développer les terrains contaminés de l’est. La logique dicterait que la création de logements se ferait autour des stations créées. On devrait construire à proximité. Comment générer de la densité autour de ces stations? Lorsque la dette historique rencontre une opportunité historique, on n’a pas le choix d’y arriver.

On dit au gouvernement: faites votre part et on va faire la nôtre. Nos attentes, c’est qu’on trouve une solution pour les grands investissements publics [REM, ligne bleu, l’hôpital Maisonneuve-Rosemont] qui se doivent d’être faits dans l’Est. C’est du rattrapage historique.

Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM)

Pour la première fois, le nord-est de Montréal fait partie de la mouture proposée dans ce nouveau REM de l’est. Victoire?

Il faut les désenclaver. On doit s’assurer qu’on investit dans ces milieux de vie pour qu’ils soient de qualité. C’est aussi assurer l’accès à l’éducation aussi. Comme avec la ligne bleue, qui mènerait à l’Université de Montréal. Il faut utiliser le développement économique comme vecteur de transformation positive des territoires. En facilitant la mobilité, on facilite l’accès à l’éducation, aux soins de santé, on travaille sur les iniquités sociales. Ça permet également à des gens de contribuer encore plus à l’économie. […] Le désenclavement du territoire doit être vu comme un investissement social. On ne peut plus analyser l’origine et la destination de manière simpliste, ça ne fonctionne pas. Je pense aussi qu’il faut être réaliste financièrement, mais il y a une marge entre les deux. Il faut permettre au nord de réaliser son plein potentiel, permettre à tous ces gens-là d’avoir les mêmes données socio-économiques que partout ailleurs.

Craignez-vous que l’explosion des coûts liée au temps que prend le projet à se concrétiser repousse des investisseurs?

La confiance attire les investissements. Il faut que le narratif sur l’Est de Montréal change dès maintenant, pour dire que c’est un terreau fertile. Le secteur privé sera au rendez-vous, mais on a besoin de confirmer les bases et fondamentaux, c’est-à-dire les leviers de développement qui vont se mettre en place – le transport collectif en est un. À court terme, l’inflation est problématique […], mais avec la pénurie de terrains industriels, on a une mine d’or, il faut juste la débloquer. Alors on dit au gouvernement: faites votre part et on va faire la nôtre. Nos attentes, c’est qu’on trouve une solution pour les grands investissements publics [REM, ligne bleu, l’hôpital Maisonneuve-Rosemont] qui se doivent d’être faits dans l’est. C’est du rattrapage historique.

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