Gilles Théberge explique les magouilles lavalloises
Gilles Théberge, un ex-cadre de Sintra et Valmont Nadon, a admis devant la commission Charbonneau, lundi, que Sintra avait remis entre 100 000$ et 125 000$ en ristourne à l’entourage de l’ex-maire Gilles Vaillancourt, entre 1996 et 2000.
Cette somme, le 2% de la valeur des contrats obtenus par la firme, était donné à Marc Gendron, de la firme Tecsult, qui a témoigné la semaine dernière.
En arrivant chez Valmont Nadon en 2000, il a perpétué le même système de paiement de ristourne en «piles de 10 000 $» dans les bureaux de Tecuslt. Roger Desbois a d’ailleurs pris la relève de Marc Gendron comme collecteur en 2003.
Selon ses calculs, Valmont Nadon a donné à Roger Desbois entre 2001 et 2010 plus de 1,1M$ en argent comptant qui était destiné au parti PRO des Lavallois, de l’ex-maire Vaillancourt.
«J’ai écouté le témoignage de M. Desbois la semaine dernière, et j’en comprends qu’on lui aurait donné la moitié de ce qu’il a avoué avoir reçu… il y a quelque chose qui ne tient pas la route», a-t-il affirmé.
Des magouilles
Gilles Théberge a donné plus de détails sur le trucage des appels d’offres à Laval qui favorisait la collusion entre une vingtaine d’entreprises.
C’est lors du premier contrat de Sintra à Laval, en 1997 ou 1998, qu’il s’est rendu compte qu’une firme avait soumissionné avec les plans d’exécution alors que les autres n’avaient que les plans de soumission, où les travaux à réaliser étaient différents, avantageant ainsi une firme particulière.
«Ça favorise l’entreprise qui a le plan d’exécution, a-t-il lancé. En libre concurrence, si on n’a pas tous les mêmes données, on soumissionne sur des choses différentes. Si je n’avais pas eu les plans, on serait encore là.»
D’ailleurs, à Laval, la collusion affectait l’asphalte, les égouts, les trottoirs, le paysagement et les pistes cyclables, a-t-il expliqué.
«Le système de Laval permet à tous les entrepreneurs de travailler et de travailler à bon prix», a-t-il affirmé.
L’ex-directeur du service de l’ingénierie, Claude Deguise, invitait les firmes choisies dans son bureau moins de deux semaines avant la fermeture des appels d’offres, pour les informer des projets sur lesquels elles allaient travailler. La firme gagnante devait en informer les autres firmes.
«Des fois, on était cinq ou six entrepreneurs dans le corridor de Claude Deguise.»
M. Deguise n’était toutefois qu’une courroie de transmission, c’est Gilles Vaillancourt, «le boss» qui prenait les décisions, a indiqué M. Théberge.
De faux extras
Gilles Théberge a ajouté que quatre firmes accordaient des faux extras sur les chantiers: Genivar (Sophie Ménard), Dessau (Gérald Gravel), CIMA+ (Laval Gagnon), Tecsult (Marc Gendron, puis Roger Desbois), Filiatrault McNeil (Alain Filiatrault).
De l’asphalte de moins bonne qualité
Gilles Théberge a expliqué que la multiplication des nids-de-poule dans les rues au Québec peut être attribuable aux raffineries qui «pressent le citron jusqu’au bout» et au fait que ce qu’elles produisent est de «moindre qualité» depuis une dizaine d’années.
Selon lui, la baisse de qualité ne doit pas être directement reliée à la collusion entre les entrepreneurs.
Un beau paysage
Le témoin a aussi indiqué que la firme Sintra spécialisée dans l’asphalte a offert un aménagement paysager de plus de 25 000$ à l’ex-ingénieur à la Ville de Montréal, Luc Leclerc.
Selon lui, c’était pour remercier M. Leclerc pour les faux extras octroyés. D’ailleurs, tous les entrepreneurs s’arrachaient les services du fonctionnaire accommodant qui avait admis avoir reçu plus de 500 000$ en pots-de-vin en octobre dernier devant la commission Charbonneau.
[pullquote]
Luc Leclerc avait admis avoir bénéficié de ces travaux, mais il les avait évalués à 15 000$.
M. Théberge a aussi affirmé avoir donné des bouteilles de vin et des billets de hockey à certains fonctionnaires.
Des chasses gardées
Gilles Théberge a aussi soutenu que le marché des trottoirs à Montréal était très fermé.
Il a raconté que Sintra faisait affaires avec seulement deux entreprises, BP Asphalte et Mivela, lorsqu’elle effectuait des travaux. Ces deux entreprises s’échangeaient les contrats.
«Les trottoirs leur appartenaient, c’était eux qui faisaient les travaux à Montréal, a-t-il expliqué. Je suis convaincu qu’il y avait de la collusion dans ce domaine.»
Chaque entrepreneur devait travailler dans sa «chasse gardée» et ne pas travailler dans d’autres domaines ou sur d’autres marchés.
«Moi j’étais dans l’asphalte, eux ils sont dans les trottoirs», a-t-il martelé.
L’homme de 66 ans a aussi affirmé qu’il était impossible de travailler à Verdun entre 1996 et 2000: l’ex-municipalité appartenait à Catcan, de Tony Catania, qui appelait toutes les firmes qui pensaient soumissionner pour des contrats.
«Il nous disait, je ne vais pas ailleurs à Montréal, ni sur la Rive-Sud, alors ne venez pas ici, a-t-il dit. En bon Québécois, on se retirait de l’appel d’offres.»