La ville de Laval est mise sous tutelle
QUÉBEC – La ville de Laval est passée lundi sous le plein contrôle de la Commission municipale du Québec (CMQ), reléguant les élus au rôle de figurants jusqu’à nouvel ordre.
Réuni en séance spéciale en début d’après-midi, le conseil des ministres a adopté le décret de mise sous tutelle de la troisième plus grande ville du Québec.
«Cette décision est essentiellement motivée par l’intérêt de la ville de Laval, l’intérêt de sa population et l’intérêt des institutions municipales», a déclaré le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, en conférence de presse à Québec.
Sous la pression du ministre, le maire par intérim Alexandre Duplessis avait demandé vendredi la mise sous tutelle de la ville à la suite d’allégations faites devant la Commission Charbonneau l’impliquant, lui et son conseil, dans des magouilles électorales.
«La décision découle d’une série d’événements exceptionnels qui sont venus marquer l’administration de la ville de Laval mais surtout fragiliser très sérieusement la confiance qu’ont les citoyens de Laval à l’égard de leur administration», a expliqué M. Gaudreault.
La Commission municipale a mandaté Florent Gagné, gestionnaire et administrateur d’expérience _ il a occupé plusieurs fonctions de sous-ministre et a été directeur général de la Sûreté du Québec de 1998 à 2003 _ à titre de délégué principal de la tutelle.
Il sera accompagné dans ses fonctions par Me Sandra Bilodeau et Me Sylvie Piérard, comme déléguées adjointes avec pleins pouvoirs.
Mmes Bilodeau et Piérard sont toutes deux membres de la CMQ.
La durée de la tutelle n’est pas déterminée mais l’échéance électorale de novembre sera un indicateur «important» pour la suite des choses, a souligné le ministre Gaudreault.
«La CMQ ne fixe pas de limite à la durée. La seule limite qu’elle se fixe est quand elle juge que la tutelle n’a plus sa raison d’être ou que la ville peut fonctionner. La tutelle est décrétée aujourd’hui, il appartiendra à la CMQ d’en déterminer la fin. C’est sûr que l’élection de novembre prochain sera un événement important», a-t-il dit.
D’ici à ce que la CMQ remette les clés de la ville aux élus, les «délégués» auront la responsabilité d’approuver toute décision du comité exécutif et du conseil municipal. Ils approuveront les budgets et dépenses et indiqueront, le cas échéant, les correctifs appropriés. Ils auront aussi le pouvoir exclusif sur toute question concernant l’embauche, la destitution, la suspension sans traitement ou le remplacement des officiers et employés municipaux.
Le comité de tutelle entre en fonction immédiatement et sera présent à l’hôtel de ville de Laval mardi afin d’exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.
L’actuelle administration lavalloise s’est retrouvée dans une situation intenable jeudi dernier à la suite du témoignage devant la Commission Charbonneau de l’ex-agent officiel du parti de l’ancien maire Gilles Vaillancourt, Jean Bertrand.
L’avocat a allégué que le maire Duplessis et la presque totalité des élus du PRO des Lavallois ont violé la loi électorale en acceptant des dons illégaux de firmes de génie-conseil.
Du milieu des années 1990 à 2010, les dons versés au parti municipal par les conseillers «prête-noms» étaient remboursés par une poignée de firmes de génie-conseil, a-t-il raconté.
M. Duplessis a nié toutes les allégations faites à son endroit et a dit vouloir poursuivre son mandat à la mairie. Il a cependant laissé entendre qu’il pourrait renoncer à se porter à nouveau candidat au scrutin de novembre.
À Montréal, la première ministre Pauline Marois a dit trouver terrible et triste à la fois la situation qui prévaut à Laval.
«C’est assez terrible et désolant et triste. Mais, en même temps, je crois que c’était une sage décision de la part du maire actuel de la ville de Laval qu’il demande de l’aide du gouvernement, ce à quoi nous répondons positivement», a-t-elle commenté.
L’opposition libérale, qui semblait plutôt hésitante jusqu’ici sur la question de la tutelle, a pour sa part salué l’entrée en scène de M. Gagné dans l’administration de Laval.
«Certainement que c’est une bonne nouvelle», a affirmé le député libéral Robert Poëti.
«Les allégations sont assez importantes pour que quelqu’un lève la main, quelqu’un a levé la main et je pense que oui, il fallait absolument faire quelque chose», a-t-il dit.