Zoom sur le Village
Avant les années 1980, le Village gai avait son cœur dans l’ouest du centre-ville, au niveau des rues Peel et Stanley, rappelle André Querry, un militant de la cause gaie depuis 30 ans. C’est notamment parce qu’à l’époque, les militants du mouvement se recrutaient surtout chez les anglophones. Au milieu des années 1980, le cœur commercial se déplace vers l’est, dans le Faubourg à m’lasse, autour d’emblèmes commerciaux comme la Boîte d’en haut, la Taverne du Village et plus tard le Sky.
Ces deux derniers établissements existent encore aujourd’hui malgré la valse des commerces. Signe du succès du Village, même le Hells Angel Maurice Mom Boucher se réfugiait à l’occasion au Club Sandwich, en plein cœur du Village, du temps où il était en liberté.
Le Village en 6 dates
- 1974. C’est l’année du week-end rouge. Les pompiers en grève refusent d’éteindre plusieurs incendies criminels. La Ville rachète plusieurs terrains où se trouvaient les immeubles détruits pour y construire de petits parcs qui subsistent encore.
- 1977. La discrimination basée sur l’orientation sexuelle est interdite par Québec, à la suite d’une énième descente policière controversée.
- 1979. La première parade gaie se tient au parc La Fontaine.
- 1988. Tourisme Montréal reconnaît le tourisme gai et fait la promotion du Village.
- 1990. La descente policière au Sex Garage Party provoque une manifestation monstre. Les images font le tour du monde.
- 2006. Malgré le désastre financier par lequel ils se soldent, les Outgames (les «Jeux gais») viennent réparer, 30 ans plus tard, la blessure du nettoyage préolympique de 1976. Plusieurs établissements gais avaient alors été fermés et de nombreuses arrestations avaient été orchestrées.
Les emblèmes du Village
- Mado et son cabaret. La reine des drag-queens montréalaises a fait beaucoup pour la renommée du quartier chez les straights!
- La station Beaudry. Le seul édicule de métro au monde à arborer l’emblème arc-en-ciel.
- La Taverne du Village. Le plus vieux commerce gai du Village.
- Le Complexe Sky. Avec sa fameuse terrasse.
- Peter Sergakis. Le président de l’Union des tenanciers de bars du Québec est l’un des importants propriétaires du Village. Le gars avec qui personne ne veut se «pogner» est la preuve qu’on peut être straight et faire des affaires dans le Village!
- Les saunas, version gaie des clubs d’échangistes. Contrairement à la croyance populaire, il y en a plus en dehors du Village qu’à l’intérieur.
Les codes
Quand on veut «pogner» dans le Village, il peut être bon de connaître le hanky code. Même si ce code est de moins en moins utilisé, un bandana qui dépasse de la poche arrière peut en dire beaucoup sur les pratiques de celui que vous convoitez. Rose, c’est un adepte de la fessée, gris, il aime le bondage etc. On vous laisse deviner pour le jaune et le marron…
Si le bandana est dans la poche arrière gauche, c’est que votre cible se range dans le camp des actifs. S »il est dans la droite, il est plutôt du genre passif. Il y a tellement de possibilités de couleurs qu’une application Facebook a été créée pour démêler le tout et tenter de donner une seconde vie à ce code qui date des années 1970!
La question qui tue
Pourquoi n’y a-t-il qu’un seul bar pour lesbiennes (le Drugstore) dans le Village? Question taboue lorsqu’on sait que les femmes ont longtemps été interdites dans les bars gais… Certains avancent que les lesbiennes se réunissent dans des contextes différents des hommes gais.
Autre possibilité: gérer un bar est plutôt une affaire de gars. Or, un bar pour lesbiennes tenu par un homme est source de conflits. Parlez-en aux clientes du Drugstore, qui ont lancé une campagne de boycott du bar pour exiger le départ du gérant.
Entendu dans le Village
Les boules roses accrochées aux lampadaires, vous ne trouvez pas que ça fait un peu cliché? Le gai: Non, le rose est en train d’être récupéré par les hétéros, comme bien d’autres choses. Avec tes tatouages, tes boucles d’oreilles et tes cheveux «bleachés», il y a 20 ans, t’aurais été étiqueté comme gai!
Commerces 1–militants 0
Depuis quelques années, la saison des festivals crée des tensions au sein de la communauté. En gros, plusieurs militants soutiennent Pervers/Cité (du 4 au 14 août), un événement plus underground, et déplorent que le festival Divers/Cité
(du 25 au 31 juillet) et les Célébrations de la Fierté (du 9 au 14 août) soient devenus trop commerciaux à leur goût.
On retrouve aussi dans le Village une certaine dualité: les commerces y ont pris une grande place, alors que les organismes sont devenus quasi inexistants, le prix des loyers étant élevé. «La mort de l’Association pour les droits des gais et lesbiennes du Québec a laissé un vide dans les années 1980-1990.
Et l’arrivée du sida a détourné les militants vers une cause plus urgente, laissant une partie de la communauté sans groupe militant revendicateur», note Bruno Laprade, de la Coalition jeunesse montréalaise de lutte à l’homophobie. Selon une étude du Conseil québécois des gais et lesbiennes auprès de 80 groupes communautaires, en 2008, 50 % des répondants fonctionnaient avec moins de 5 000 $ de budget par an.
Et du côté de la police?
C’est le Poste de quartier 22 (PDQ-22) qui s’occupe du secteur occupé par le Village. Le quartier présente-t-il des particularités? Oui. Les pères de famille, qui ne sont pas encore sortis du placard hésitent à porter plainte s’ils sont victimes de vol dans un des établissements du Village. Pour y remédier, le PDQ-22 a imaginé un formulaire de plainte anonyme en ligne.
«Ça peut-être la pièce du puzzle qui va nous aider à établir le profil d’un agresseur ou à cibler nos actions», indique Alain Gagnon, commandant du PDQ-22. Même si M. Gagnon a noté une recrudescence de certains crimes, le SPVM n’a noté qu’un seul crime homophobe depuis deux ans.