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Se comprendre

Chaque semaine, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne 80, direction nord. Nous sommes lundi. Il est environ 16h.

Chaque année, comme une horloge bien réglée, mon nez se met systématiquement en mode enrhumé lors des premières journées froides. Et, telle une source intarissable, il coulera jusqu’au temps doux de juin. Parce qu’avant juin, il ne fait jamais vraiment vraiment chaud. Les optimistes qui prétendent qu’il fait bon dès avril pratiquent la pensée magique. Et je les envie.

Bref. Revenons au quasi-gel et à ce rhume cyclique. Je dois dire que gérer cette tare est une activité qui me déplaît au plus haut point. Et malheureusement, je n’y peux rien. Croyez-moi, j’ai tout essayé. Je me dis souvent, durant cette saison, que les compagnies de mouchoirs doivent être contentes, car pendant cette période, je fais certainement grimper substantiellement leur chiffre d’affaires.

C’est donc armée d’un Kleenex rose nanane que je prends place dans le bus déjà assez plein. Je passerai la quinzaine de minutes que dure le trajet à me moucher, le plus subtilement possible, à chaque minute.

Malgré ma discrétion, fruit d’années de pratique, deux amis ont remarqué mon manège et semblent amusés. Et eux, ils ne sont pas très subtils.

Encore moins gracieusement, ils se relancent à mon sujet, haut et fort, dans la langue de Cervantes et de Juan Valdez.

Ils déclarent, notamment, qu’une Canadienne qui ne supporte pas le froid, c’est aussi absurde «qu’un poisson qui se noie», dit le premier. «Qu’un lion édenté», propose le second. «Qu’un albatros ayant le vertige»…

«Ça va, on a compris le principe!» me dis-je en mon for intérieur, qui s’extériorise à ce moment précis par un éternuement que je souhaite le plus gracieux possible.

Bien que je la parle mal, je comprends assez bien leur langue. Ce que les deux hommes ne semblent pas soupçonner, puisqu’ils poursuivent librement leur discussion. Les propos échangés ne sont pas bien méchants. Je suis seulement devant deux gars dans la vingtaine qui, se sentant à l’abri, font les braves.

Juste avant de descendre, je me permets de les interpeller du haut de mon espagnol qui, bien qu’imparfait, est assez cohérent pour qu’ils comprennent que j’avais tout compris ce qu’ils croyaient qu’eux seuls comprenaient. Je leur dis alors que leurs propos peu édifiants ne mériteraient franchement pas d’être traduits en plusieurs langues.

Il sont restés l’air un peu bête. Puis, je les ai salués… En agitant mon pañuelo (mouchoir).

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