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Hors du commun: Ceci n’est pas un selfie

Photo: Pierre Brassard | www.pierrebrassard.com

Chaque semaine, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Station Laurier, sortie Saint-Joseph. Nous sommes dimanche. Il est 14h10. Il existe encore quelques lieux en ce monde où l’on retrouve des cabines automatiques de photographie.

C’est le cas, notamment, de la station de métro Laurier.Ladite cabine trône près des tourniquets, comme un gros artefact. Un objet du passé joliment obsolète qui soulève, en certains de nous, dont moi, une vague de nostalgie.

En cette journée tellement froide qu’on pourrait lui envoyer une mise en demeure pour cruauté, je remarque que trois ados, réfugiés à l’intérieur, sont agglutinés autour de la petite trappe du photomaton. Ils attendent que ce denier crache la vignette qui aura immortalisé ce samedi de février, ainsi que leur sublime jeunesse.

Ils sont deux filles et un garçon. Deux blondes; l’une aux cheveux courts et hirsutes, l’autre à la tignasse tressée en deux longues nattes. Le garçon, lui, porte une tuque rayée bleu et blanc et a les yeux très verts.

Ils sont tous les trois charmants, ils ont peut-être 14 ans et se bousculent de manière joyeuse et soutenue. Je ne crois pas qu’ils soient amoureux… quoique peut-être un peu.

Je constate que la petite hirsute est particulièrement visée par les moqueries du garçon. Et ça, nous les filles devenues femmes, on sait que c’est probablement lors des chapitres de l’enfance et de l’adolescence que l’insupportable adage «Qui aime bien châtie bien» prend tout son sens. C’est également à ces âges, tendres et ingrats, que ça nous enrage le plus de nous faire rebattre les oreilles par les adultes et leurs clichés comportementaux.

Mais cela est un détail, car pour l’instant ces trois êtres sont également préoccupés par quelque chose d’important : les images d’amitié qui resteront imprimées sur du papier, pour toujours.

Est-ce que leurs liens à eux dureront aussi longtemps? C’est probable. On leur souhaite.

Une chose, par contre, qui est moins certaine, c’est que ce gros appareil photo soit toujours là, et opérationnel, dans quelques années.

Il serait dommage qu’il disparaisse. Car il y avait longtemps que je n’avais pas vu des ados se faire ainsi prendre en photo.

Réunis sur un banc pivotant, laissant le hasard suspendre le temps, d’un déclic arbitraire. Ce qui change du geste répétitif et contrôlé par leurs téléphones intelligents, tenus à bout de bras et tournés vers eux-mêmes. Ainsi, ceci n’est pas un selfie. Ce qui, en soi, est rare et réjouissant!

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