Santé: Vague de «grèves inversées» à venir
Une vague de «grèves inversées» se prépare dans les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) du grand Montréal pour répliquer aux compressions à venir, et ce mouvement pourrait en séduire d’autres.
Les syndicats des travailleurs de la santé disent vouloir protéger ainsi les services à la population contre les suppressions de postes en santé qu’ils anticipent à la suite de la présentation du prochain budget provincial, qui sera déposé au printemps.
«Sur le quart de jour à l’unité de débordement, j’ai 10 employés, donne en exemple Marjolaine Aubé, présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses du CSSS de Laval (CSN), pour expliquer sa stratégie. Disons que l’employeur souhaite en couper trois. Moi, je dis non. On déclenche une grève, alors on doit respecter [la loi sur] les services essentiels [qui prévoit que les services doivent être maintenus à au moins 90%]. Dans ce contexte, ils ne peuvent que couper une personne au lieu de trois.»
Le CSSS de Laval avait tenté, en octobre dernier, de déclencher une telle grève pour contester les premières compressions de personnel qui leur était imposées, mais elle avait été jugée illégale. «Mais là on le fait de façon légale. Notre mandat de grève est applicable à partir du 1er avril», a précisé à Métro Marjolaine Aubé, présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses du CSSS de Laval (CSN). Elle estime toutefois que le mandat pourrait plutôt l’être à la mi-mai dans différents départements touchés par les compressions.
Les travailleurs du CSSS d’Ahuntsic-Montréal-Nord et de l’hôpital Sainte-Justine se sont également dotés, dans les dernières semaines, d’un tel mandat. Ceux du CSSS de Bordeaux-Cartierville devaient se pencher sur la question mercredi soir dernier et ceux de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont étudient aussi la possibilité de se joindre au mouvement. «Il y a une vague», se réjouit Robert Poisson, président du syndicat des travailleurs du CSSS d’Ahuntsic-Montréal-Nord.
Si ces mandats sont mis en application, ce serait «une première», ajoute M. Poisson, bien qu’il reconnaisse que cette grève nouveau genre est «en dehors des sentiers battus».
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui représente les infirmières de la province, a également confirmé à Métro qu’elle trouvait que ce principe de «grève inversée» était une «bonne idée» et qu’elle n’écartait aucune possibilité dans son plan d’action.
Ces mandats ne s’appliquent qu’aux employés paratechniques, ceux des services auxiliaires et les employés de bureau dans les CSSS. La grève serait déclenchée par département et par quart de travail dans lesquels les coupures qui pourraient être annoncées auraient pour effet de réduire le personnel sous la barre imposée par la loi sur les services essentiels. «Ce qui veut dire que dans le même service, ça peut être applicable de nuit et pas de jour ou de soir», précise M. Poisson.
«On dit à la population: “Regardez ce que le gouvernement fait. Quand le gouvernement dit qu’il ne touche pas aux services, c’est faux”. On le confronte donc à sa propre loi [sur les services essentiels] pour l’empêcher de couper dans le personnel.» -Marjolaine Aubé, présidente du Syndicat des travailleurs et travailleuses du CSSS de Laval (CSN)
«Ça démontre l’absurdité de la situation, a également affirmé à Métro Manuel Dionne, responsable des relations avec les médias à la FIQ. [Les CSSS] se retrouvent avec plus de professionnels en soins sur les étages quand la loi sur les services essentiels est appliquée qu’il y en aurait normalement dans une situation où il n’y a pas de grève.»
Ces grèves pourraient donc être déclenchées après l’annonce des prochaines compressions, au printemps, et avant que celles-ci ne soient mises en application. Il est toutefois difficile pour les syndicats d’indiquer combien de temps elles pourraient durer.
«On est dans des mécaniques qui n’ont jamais été exploitées et on s’attend à tout, même à ce que la loi sur les services essentiels soit modifiée. On voit que le ministre Barrette a les mains longues, précise M. Poisson, qui s’attend à une réaction de l’employeur. Si le gouvernement change les règles du jeu et que ça devient illégal, on se retire», prévient-il pour éviter à ses membres de s’exposer à des amendes.
Cette «grève inversée» serait également un moyen de faire un clin d’œil à la loi sur les services essentiels, souvent critiquée par les syndicats du secteur de la santé.
«Quand on tombe en grève dans un contexte de négociation de convention collective, il y a plus de personnel que les fins de semaine. Si l’employeur veut faire des coupes, on se sert de la loi pour avoir plus de monde sur le terrain. Oui, c’est un peu pour tourner la situation au ridicule», admet M. Poisson.
Les conventions collectives des employés du secteur public viennent à échéance le 31 mars prochain.