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Le Complexe Bourbon, grand malade du Village

Photo: Yves Provencher/Métro

Symbole de l’âge d’or du Village gai de Montréal, le très reconnaissable Complexe Bourbon, qui abritait jadis restaurants et bars, tombe en ruine. Impossible de savoir ce que le nouveau propriétaire, une filiale d’une entreprise semi-gouvernementale basée au Qatar, compte en faire, mais les rumeurs de démolition du bâtiment désuet courent. Métro et Les Affaires ont fait un état des lieux.

Le Complexe Bourbon voit le jour au début des années 1990, sous la direction de l’entrepreneur et propriétaire Normand Chamberland, qui décide de créer un «Disneyland» inspiré de la Bourbon Street de La Nouvelle-Orléans dans le Village gai.

«C’était la première fois qu’on construisait un complexe destiné à la communauté gaie. On y retrouvait tout: des restaurants, des bars, un hôtel… C’était peut-être même le premier en Amérique du Nord, du moins un des plus grands et des plus importants. Il y avait aussi son architecture complètement délirante… c’était assez audacieux pour le temps, affirme Michel Jutras, guide touristique depuis plusieurs années dans le Village. [Le complexe] était là durant l’apogée du Village, dans les années 1990.»

Sis sur la rue Sainte-Catherine Est, entre les rues Alexandre de Sève et de Champlain, l’imposant Complexe Bourbon connaît un important déclin depuis la mort de Chamberland en 2008, et aucune activité n’y a lieu depuis l’année dernière, après la fermeture du fameux restaurant Club Sandwich en avril 2014.

Une vente difficile
Mis en vente pour 8,5M$ en avril 2014, le bâtiment est finalement acheté pour 3M$ en août de la même année.

Depuis, plus de nouvelles.

Le président et premier actionnaire de l’entreprise nommée dans l’acte de vente, Investissements MSC Canada, Labid Aljundi, est domicilié à Doha, au Qatar, selon le registre des entreprises du Québec.

Selon les informations recueillies par Les Affaires et Métro, M. Aljundi serait également directeur général de MSC-Qatar, une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies, détenue en partie par le fonds d’investissement de l’armée qatarie. Nous avons tenté de joindre MSC-Qatar et M. Aljundi à plusieurs reprises, sans succès.

«Tous ceux qui ont vécu la belle période du Village gai se questionnent. On regarde d’autres développements du genre, à San Francisco, à New York, et on constate que ce sont tous des endroits qui se meurent.» – Martin Jutras, guide touristique du Village

Impossible, donc, de savoir ce qu’Investissements MSC Canada entend faire avec le fameux édifice. Dans le Village, plusieurs doutent que le complexe retrouvera sa vocation d’époque. La conversion en tour de condos semble «inévitable», selon Michel Jutras.

«C’est un gros éléphant blanc. Il faudrait être vraiment décidé pour raviver ce bâtiment là. Plusieurs ont essayé, et plusieurs se sont cassés la gueule. Ça refroidit beaucoup de monde, lance-t-il. Je pense que pour ceux qui l’ont acheté, c’est surtout le terrain qui les intéresse.»

L’arrondissement de Ville-Marie n’a reçu aucune demande de démolition de la part des propriétaires. Le bâtiment pourrait en effet être zoné résidentiel – sauf au rez-de-chaussée – si le conseil d’arrondissement approuve ce changement, mais aucune demande en ce sens n’a été faite, a confirmé l’arrondissement à Métro.

Le zonage actuel permet un débit d’alcool au rez-de-chaussée et à l’étage, les commerces de détail et les industries légères (textile, cuir, habillement, transformation du bois, etc.).

ACTU - Complexe bourbon2
Un bâtiment à préserver?
Du côté d’Héritage Montréal, on ne prend pas position. Le directeur des politiques, Dinu Bumbaru, croit par contre que le nouveau propriétaire doit faire attention s’il opte pour la conversion en condos.

«Si on souhaite jeter le bâtiment à terre et recommencer, il faut du talent, affirme-t-il. Un peu de résidentiel, ce n’est peut être pas une mauvaise idée, mais il ne faut pas oublier que la rue Sainte-Catherine, ce n’est pas une rue dortoir. Il faut penser à la mixité et à un certain caractère architectural.»

Le bâtiment, qui a une architecture «rythmée», n’a peut-être pas de valeur historique à proprement parler, puisque la brique extérieure a été complètement refaite, juge M. Bumbaru. Néanmoins, c’est un «repère» important du Village, qui «a une personnalité, [qui] participe à l’ambiance de la rue Sainte-Catherine», reconnaît-il. Il faudrait tenter de préserver cette dynamique si on décide de faire table rase, ajoute-t-il.

«Si on uniformise et qu’on monte en hauteur, on perdra ce paysage vivant, animé, diversifié», avance M. Bumbaru.

Du côté de la Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ), on verrait d’un bon œil la conversion en condos. Le président, Guillaume Bleau, n’était pas au courant de la vente survenue l’été dernier. Il salue toutefois toute initiative afin de revitaliser le secteur.

«Cet édifice-là comporte son lot de problèmes structurels, sans parler des rats. Ce n’est pas une mince affaire pour les nouveaux propriétaires, explique-t-il. Ce sera une bonne chose si ça se transforme en condos. Ça amènera de l’activité», affirme-t-il.

La Société de développement commercial du Village a préféré ne pas commenter la situation, puisque aucun projet n’a été proposé pour l’instant.

Avec la collaboration de Matthieu Charest, Les Affaires.

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