Soutenez

Un chantier nommé cauchemar

Photo: Collaboration spéciale

Alors que de grands chantiers auront lieu sur les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine Ouest, des citoyens se demandent si la Ville a appris des dérives dénoncées par le passé sur ces lieux de construction. Ces citoyens vivent le long du chantier de la rue Papineau qui dure depuis plus d’un an et sont fatigués d’y observer certaines entorses aux règlements. Utilisation de machinerie à 2 heures du matin, difficulté à déposer des plaintes et absence de sanction face aux écarts constatés. Autopsie d’un chantier qui pourrait aussi être le vôtre.

Entreprise délinquante
C’est à partir de l’automne dernier que le chantier de 13M$ de la rue Papineau, (entre les rues Sherbrooke et Ontario) a commencé à dégénérer, selon Éric Léveillé qui habite depuis 15 ans dans le quartier. «Du 4 novembre au 19 décembre, ils ont travaillé de 17h à 6h du matin, quasiment chaque nuit. On ne dormait plus alors on a fait des plaintes, sans succès. On est tombé malade d’épuisement», raconte le jeune papa d’une fillette de deux ans dont les chambres donnent sur la rue.

Après de nombreux appels à la police et à l’administration municipale, où «les employés ne cessaient de se renvoyer la balle», ils ont finalement appris que l’entreprise GT Excavation avait obtenu les permis nécessaires, qu’elle n’a pourtant jamais été capable de leur montrer. «Il faut que les travaux soient effectués de nuit, car ils demandent la fermeture simultanée de trois voies de circulation en direction du pont Jacques-Cartier», indique Geneviève Dubé, porte-parole de la Ville.

L’entrepreneur, qui a été cité à la Commission Charbonneau pour sa participation à des actes de collusion, a reçu le sceau de l’Autorité des marchés financiers. La Ville lui a donné l’autorisation de travailler de nuit à condition de respecter certaines exigences liées au bruit notamment de ne pas utiliser de marteaux-piqueurs ou de réaliser des activités de sciage. Des exigences qui n’ont visiblement pas toujours été respectées, tel que le montre la soixantaine de vidéos fournies à Métro par M. Léveillé et sa femme, April Lebrasseur.

«Par exemple, plusieurs fois, ils ont utilisé de nuit une scie à béton ou les pelles mécaniques de leurs rétrocaveuses pour casser le bitume, parce que l’utilisation de marteaux-piqueurs est interdite de façon nocturne», raconte Mme Lebrasseur. Vérification faite par Métro, la Ville a averti le contracteur au début des travaux, mais ne lui a donné aucune amende.

Et que valent ces travaux pourtant évalués à 13M$? «Lors des pluies torrentielles de la mi-mai les jointures des égouts ont sauté sous la pression de l’eau et un geyser a surgi du bitume, ça sentait extrêmement mauvais, on était découragés», s’insurge M. Léveillé

Mme Dubé, de la Ville, explique que les travaux ne sont pas encore terminés. «L’année passée, nous avons posé une déviation temporaire. Suite au gros orage de la mi-mai, il est possible que la déviation temporaire n’ait pas été capable de capter toute l’eau immédiatement, causant un refoulement de l’égout existant, qui lui aurait causé un affaissement de la chaussée. Il est important de mentionner que prochainement, la déviation temporaire sera retirée, l’égout existant abandonné et la chaussée entre Ontario et Sherbrooke sera refaite au complet», dit-elle.

Que font les autorités?
Le chantier de la rue Papineau semble regrouper plusieurs irritants que la Ville a déclaré vouloir corriger ce printemps lors de l’annonce du début de la saison des travaux de construction dans la métropole.

L’élu responsable des infrastructures, Lionel Perez a déclaré en mars vouloir «mieux coordonner l’exécution des chantiers, réduire l’impact sur la circulation et améliorer la qualité des informations transmises aux citoyens», a ajouté M. Perez. Sur certains travaux importants, notamment, des plans de mobilité seront créés et des agents de liaison seront ajoutés pour répondre aux questions des commerçants et des citoyens. Sur les rues Peel et Saint-Paul, le début des travaux a été décalé à la demande des commerçants pour ne pas nuire aux événements commerciaux programmés.

Les résidants de la rue Papineau interrogés par Métro soulignent que la Ville doit être plus vigilante. « [Quand le contracteur n’a pas le droit de travailler la nuit], une de ses méthodes c’est d’arriver vers 6 heures du matin au lieu des 7 heures légales. Les policiers qui terminent leur quart de nuit ne se déplaceront généralement pas et ceux qui entament leur quart de jour n’arrivent généralement pas avant 7 heures et sont donc incapables de les prendre en flagrant délit. Les travailleurs de la construction savent très bien cela et en abusent», affirme Mme Lebrasseur, qui connait bien le milieu de la construction.

Chantier sur Papineau

Chantiers payants pour les policiers
Pour améliorer la circulation aux abords des chantiers montréalais, la Ville fait appel à des policiers du SPVM qui gèrent manuellement la cadence des feux pour tenter de limiter les embouteillages.

Après vérification auprès de deux d’entre eux, les policiers volontaires sont choisis selon l’ancienneté et peuvent postuler quand ils ont rempli leurs heures régulières. «Les journées sont ennuyantes, mais on est payé en temps et demi», indique un policier.

Sachant que l’échelle salariale d’un policier varie entre 41 000 et 77 000$, et que les policiers reçoivent un boni d’ancienneté et une prime métropole cela correspond à un salaire moyen de 32$/h. Les policiers placés aux feux de circulation seraient donc payés environ 48$/h pour actionner des feux de circulation. Le SPVM ne veut confirmer ou infirmer aucun chiffre et nous renvoie à la Loi d’accès à l’information.

Les premiers jours, ils étaient 12 agents à être déployés aux intersections limitrophes du nouveau chantier de la rue Peel, a confirmé la Ville à Métro. La semaine suivante, ils étaient huit aux heures de pointe, puis six. Une estimation grossière semble indiquer que la sécurisation de ce chantier coûtera environ 10 500$/semaine. Comme ce chantier s’étalera sur 26 semaines, la facture pourrait se monter à 270 000$, soit 8% de la valeur des travaux.

«La présence policière est plus importante au début du chantier pour le contrôle manuel des feux, mais aussi pour éviter les blocages aux intersections, mais aussi pour informer les citoyens», explique Philippe Sabourin, un des porte-parole de la Ville.

Selon un article de La Presse, le quart des policiers a touché plus de 100 000$ en 2014, notamment grâce à la surveillance des abords de chantiers, dont l’enveloppe a dépassé de 4M$ les estimations prévues.

Voir. Deux exemples parmi d’autres de la situation vécue par les résidents de la rue Papineau et des écarts constatés: utilisation de nuit d’une scie mécanique à 2h33 et utilisation nocturne d’une pelle de rétrocaveuse pour casser le bitume.

La Ville indique avoir averti le contracteur deux semaines plus tôt que l’utilisation d’une scie ou d’un marteau piqueur en pleine nuit était interdite. Elle nous a assuré du même souffle et que de tels gestes ne s’étaient pas reproduits depuis le 6 novembre. La première vidéo prouve le contraire.

[NDLR: Nous avons vérifié la date et l’heure de tournage de ces images grâce au logiciel Terminal qui indique l’heure de Greenwich comme référence. L’hiver Il faut donc retrancher 4 ou 5 heures  selon la saison, à l’heure indiquée en haut à gauche de l’écran].

[wpvideo E42dsrmZ w=640]

[wpvideo z2KRpPgD w=640]

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.