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Réduire les GES: un prix carbone n’est pas suffisant

Photo: Archives Métro

Le 10 juin dernier, l’éditorial du Globe and Mail soutenait que la stratégie de l’Ontario en matière de changements climatiques devrait se réduire à une seule mesure: mettre un prix sur le carbone. Je ne suis pas du tout d’accord.

Je crois moi aussi qu’imposer un signal prix soit l’une des mesures les plus efficaces pour changer les habitudes. Par contre, cette mesure seule est loin d’être suffisante, et ce, particulièrement pour ce qui touche aux biens et services essentiels, tels que l’énergie et les transports, dans un marché où le prix du carbone est très faible.

Un prix seul ne suffit pas à décourager les comportements à forte intensité carbonique. Pour donner un exemple concret, prenons un phénomène que nous essayons déjà de réduire, voire éradiquer: le tabagisme. Au fil des années, les différents gouvernements ont augmenté la taxe sur le tabac dans un effort pour réduire le tabagisme. Aujourd’hui, les taxes représentent les deux tiers du prix d’un paquet de cigarettes. En fait, il y a plus d’impôt sur un paquet de cigarettes en Ontario que le programme de plafonnement et d’échange va ajouter à la facture de chauffage moyenne chaque mois. Malgré cela, on compte encore 2 millions de fumeurs en Ontario en 2016.

Et ce n’est pas parce qu’il manque de mesures mises en place pour combattre le tabagisme, bien au contraire. Nous avons interdit la publicité sur le tabac, dépensé des millions dans des campagnes de marketing social et interdit la cigarette dans les édifices, les avions, les restaurants, les parcs, les bars et même dans les terrasses. Mais les gens fument encore. Il est donc clair que l’augmentation incessante du coût du tabac ne suffit pas. En fait, il semblerait que le prix du tabac soit à son plus haut prix possible, vu l’apparition de la contrebande de cigarettes, phénomène qui pousse les gouvernements à dépenser des millions dans l’application de la loi.

Prenons maintenant un exemple plus près de notre sujet: le prix des automobiles. Le prix de l’essence augmente de façon incessante depuis des années (à l’exception de la baisse actuelle), les taux d’assurance montent, le stationnement coûte cher ainsi que l’entretien. Pourtant, les gens préfèrent en large majorité l’automobile au transport en commun, au vélo et à la marche. Donc malgré le fort signal prix, on continue de se promener seul en auto.

Mais il n’en demeure pas moins que pour aller au travail en vélo, on a besoin d’avoir les bonnes conditions en place. Cela inclut d’avoir accès à des vélos urbains pratiques (encore rares en Amérique du Nord), des pistes cyclables sécuritaires ainsi que des stationnements pour vélos sécuritaires. Pour se rendre au travail à pied, il est essentiel d’avoir un aménagement urbain qui situe les logements près des lieux de travail. Pour encourager le transport en commun, il faut d’abord que le transport en commun soit réellement accessible. Imposer un prix du carbone (et ainsi augmenter le prix de l’essence) sans offrir des solutions de rechange aux automobilistes est voué à l’échec politique et économique.

Il existe aussi des obstacles empêchant la vente de voitures électriques: le manque de bornes de recharge, les perceptions erronées à propos de l’autonomie. Certains pourraient affirmer qu’avec des incitations appropriées (taxe), le marché offrirait des solutions à ce problème. Mais à vrai dire, l’industrie automobile se base sur un modèle dont le profit vient de la vente de VUS et de camions énergivores. De plus, le réseau de concessionnaires de voitures conventionnelles est réticent à l’idée de vendre des automobiles électriques puisqu’elles ont besoin de peu d’entretien; or, c’est de l’entretien que vient la majorité de leur profit. En conséquence, ils daignent à publiciser les voitures électriques, à les vendre, ou même à les garder en stock. Certes, Tesla secoue l’industrie automobile, mais les obstacles pour pénétrer le marché sont nombreux, vu les énormes coûts de démarrage. Finalement, avec les fabricants automobiles qui inondent les médias de publicités, seuls les consommateurs les plus dévoués à l’environnement vont opter pour une voiture électrique et aller contre ce que disent la plupart des fabricants automobiles, leurs publicités et leur armada de vendeurs.

Changer les infrastructures et les mesures incitatives, et ainsi arriver à réduire la consommation d’énergie fossile, demandera l’application de plusieurs mesures si l’on veut à la fois éviter la catastrophe climatique et remodeler l’économie ontarienne et la rendre compétitive dans un monde en rapide évolution. Le plan global sur le climat de Madame Wynne constitue un pas vers la bonne direction. Si l’on réfléchit un peu au combat contre le tabagisme, la première ministre a raison de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier du signal prix.

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