Le projet de loi sur la maltraitance critiqué
QUÉBEC — Les animaux seront mieux traités que les personnes âgées, si le gouvernement Couillard refuse d’amender son projet de loi 115, a dénoncé mardi le président du Conseil pour la protection des malades (CPM), Paul Brunet.
Le projet de loi 115, défendu par la ministre Francine Charbonneau, vise pourtant à protéger les aînés les plus vulnérables de la société contre toute forme de maltraitance.
Le problème, selon plusieurs, c’est que le projet de loi s’apparente à une coquille vide.
De nombreux intervenants ont donc profité du début de l’étude du projet de loi, mardi en commission parlementaire, pour demander à la ministre de corriger la situation, de donner «des dents» à sa loi, en procédant à deux ajouts majeurs: l’obligation de dénoncer les mauvais traitements subis par les aînés et l’imposition d’amendes sévères aux contrevenants.
En conférence de presse, dans une comparaison audacieuse, Paul Brunet a rappelé qu’en 2015 le gouvernement avait adopté une loi visant à assurer le bien-être des animaux et à punir sévèrement les contrevenants, passibles de devoir acquitter de lourdes amendes.
Or, a-t-il dénoncé, aucune sanction pénale n’apparaît dans le projet de loi 115 pour punir ceux qui maltraitent les personnes âgées.
«Si vous êtes maltraitant envers les animaux, vous pouvez payer une amende jusqu’à 65 000 $. Jamais je croirai qu’on n’adoptera pas des sanctions pénales pour ceux qui maltraiteront nos personnes âgées», a lancé M. Brunet, exhortant la ministre à se ressaisir.
Il demande donc à Mme Charbonneau de faire preuve de la même compassion envers les personnes âgées que celle affichée par son collègue Pierre Paradis avec sa loi de protection des animaux.
La ministre doit absolument «mettre de la chair autour de l’os», selon lui, si elle entend assurer une meilleure protection des Québécois âgés et vulnérables, vivant en centre hospitalier de soins de longue durée ou dans une ressource privée.
Mme Charbonneau n’a pas particulièrement apprécié cette comparaison entre humains et animaux. «Je ne m’occupe pas des animaux, je m’occupe des adultes», a dit la ministre, laconique, lors d’une brève mêlée de presse, en marge de la commission.
Elle n’a pas voulu argumenter sur l’absence de pénalités financières prévues pour punir d’éventuels contrevenants.
Selon elle, il existe d’autres mécanismes que son projet de loi pour prévenir ou dénoncer les mauvais traitements.
«On en a des systèmes de protection. On a la Sécurité publique. On a le 9-1-1. On a le Protecteur du citoyen», a énuméré la ministre.
La commission parlementaire dure quatre jours et la ministre n’a pas fermé la porte à des amendements.
L’Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) et l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitée et préretraitées (AQDR) ont joint leur voix au CPM et à la Coalition avenir Québec (CAQ) pour réclamer elles aussi d’inclure dans la loi l’obligation de dénoncer tout geste de maltraitance envers un aîné.
En vertu du projet de loi 115, déposé en octobre, les établissements publics et privés qui accueillent ce type de clientèle devraient se doter d’une politique contre la maltraitance des aînés.
La personne qui dénoncerait un mauvais traitement aurait l’assurance que son identité demeurerait confidentielle et qu’elle ne pourrait pas faire l’objet de poursuite ou de mesures de représailles dans son milieu de travail.
La ministre vise aussi à proposer un règlement pour encadrer l’usage de caméras dans les établissements qui accueillent les aînés. À ce propos, on cherchera à trouver un équilibre entre les droits des travailleurs qui prodiguent des soins aux aînés, le droit à la vie privée de ces personnes et celui des familles de veiller à leur sécurité.
Le protecteur du citoyen par intérim, Claude Dussault, a lui aussi réclamé de nombreuses améliorations au projet de loi pour qu’il puisse entraîner les résultats souhaités. Il demande notamment que la procédure de plaintes soit intégrée au régime d’examen des plaintes déjà existant dans le mandat de l’organisme qu’il dirige.
La présidente de l’AQDR, Judith Gagnon, a réclamé de son côté un «Protecteur des aînés» pour traiter tous les cas d’abus et de maltraitance.
Le député caquiste François Paradis a rappelé que l’ancienne ministre des Aînés et députée libérale Marguerite Blais avait déposé un projet de loi, alors qu’elle était dans l’opposition en 2013, qui prévoyait d’obliger quiconque était témoin d’un mauvais traitement à le dénoncer.
Il assimile donc la position de la ministre Charbonneau à un «recul» sur le plan politique. «Je ne comprends pas le recul. On n’a pas le droit aujourd’hui d’être timides» sur ces questions, a-t-il fait valoir en conférence de presse.
L’opposition péquiste partage l’avis de ceux qui estiment que des amendes sont nécessaires. Le porte-parole sur ces questions, le député Harold Lebel, a dit juger que le projet de loi n’était pas «assez solide» et qu’il fallait notamment mieux définir le concept de «maltraitance».