Accusé du meurtre de sa femme: le DPCP fait appel
MONTRÉAL — Après des jours de remous autant au sein de la population que de la classe politique qui s’indigne de l’arrêt des procédures obtenu par Sivaloganathan Thanabalasingham, accusé du meurtre de sa femme, la Couronne a décidé d’en appeler de cette décision.
Un avis d’appel a été déposé à la Cour d’appel de Montréal, a précisé mercredi le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
Le juge Alexandre Boucher avait rendu jeudi dernier un jugement verbal, qui avait mené à la libération de Thanabalasingham, en raison des trop longs délais écoulés entre son arrestation et la date prévue de son procès.
Il s’agit d’une première au Québec: si certains accusés avaient réussi à obtenir un arrêt des procédures contre eux pour cause de délais déraisonnables, jamais une personne accusée de meurtre n’avait réussi.
L’homme de 31 ans avait été arrêté le 11 août 2012 et accusé du meurtre non prémédité de sa femme, Anuja Baskaran. Il était incarcéré depuis.
Il a invoqué avec succès l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, qui met des limites aux délais pour les procédures criminelles. Dans une cause comme celle-ci devant la Cour supérieure, le maximum est de 30 mois: or, une cinquantaine de mois après son arrestation — près de cinq ans —, l’accusé n’avait pas encore subi son procès.
En décrétant l’arrêt des procédures, le juge Boucher a tranché que son droit constitutionnel d’avoir un procès dans un délai raisonnable avait été violé. Dans son jugement, il rappelle aussi que l’accusé est présumé innocent du crime dont il a été accusé.
Il se dit par ailleurs conscient que Thanabalasingham a été accusé d’un crime très grave et qu’une femme est tristement morte. Mais la gravité du crime ne peut diminuer le droit de l’accusé à avoir un procès dans une durée raisonnable, analyse le magistrat.
Le gouvernement de Philippe Couillard, les partis d’opposition à Québec et le Barreau du Québec, entre autres, réclament du gouvernement fédéral qu’il nomme sans tarder 14 juges pour siéger à la Cour supérieure, la seule qui peut entendre des causes de meurtres.
L’affaire est ainsi loin d’être terminée.
De plus, même s’il avait été libéré, Thanabalasingham a été arrêté à nouveau, cette fois-ci par l’Agence des services frontaliers du Canada. Il est en détention depuis vendredi. Un ordre de déportation a depuis été prononcé par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Thanabalasingham peut toutefois en appeler de cette décision. Jeudi, il doit d’ailleurs revenir devant la Commission qui analysera à nouveau la nécessité de le garder derrière les barreaux en attendant la suite du processus.