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La tuerie de la mosquée n'a duré que deux minutes

Photo: Facebook
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — Il n’aura fallu que deux minutes à Alexandre Bissonnette pour faire un carnage à la mosquée de Québec le soir du 29 janvier 2017. Dans les vidéos captées par des caméras de surveillance du lieu de culte, on le voit achever calmement des hommes au sol, déjà blessés par ses balles.

Ces images le montrent aussi recharger son pistolet à quatre reprises, se repliant à chaque fois dans le portique de la mosquée pour le faire, avant de s’élancer à nouveau dans la salle de prière.

Il a tiré un total de 48 balles, selon la poursuite.

Sur les images, l’homme de 28 ans apparaît calme, ne semble pas hésiter, et manie son arme avec aisance.

La Couronne a ainsi présenté au juge François Huot de la Cour supérieure une série de vidéos pour étayer sa preuve dans le cadre des audiences pour la détermination de la peine qui sera imposée à Alexandre Bissonnette.

Celui-ci a plaidé coupable à six chefs d’accusation de meurtre et de six tentatives de meurtre pour la tuerie du 29 janvier 2017. Il est passible d’une peine de 150 ans de prison, la plus longue jamais imposée au pays.

Les images des caméras de surveillance à l’intérieur comme à l’extérieur de la mosquée ont filmé la progression du tireur, qui a agi entre 19 h 54 et 19 h 56.

Les vidéos ont été narrées devant le juge François Huot par le procureur de la Couronne, Me Thomas Jacques, d’une voix grave mais sans artifices.

Celui-ci a répété à maintes reprises que Bissonnette a agi tout au long du carnage de façon «méthodique et stratégique».

Le juge Huot a prononcé une ordonnance de non-diffusion de ces images, mais les journalistes peuvent rapporter ce qu’ils ont vu.

Certains membres de la communauté musulmane sont restés dans la salle pour voir les images que le juge a qualifiées de «difficiles et brutales». D’autres ont préféré quitter les lieux.

Alexandre Bissonnette a assisté à la présentation des vidéos dans la boîte des accusés, gardant la tête baissée tout au long du processus. Il s’est frotté le visage à quelques reprises.

Les vidéos montrent des images bouleversantes, dont la panique qui s’est emparée des fidèles dans la salle de prière quand les balles ont commencé à fuser, et celles d’enfants jouant calmement par terre, quelques secondes à peine avant l’irruption d’Alexandre Bissonnette.

Il a agi seul, a répété le procureur de la Couronne.

Car il a été au début question d’un deuxième tireur ou d’un complice. Un autre homme avait même été arrêté ce soir-là.

Mais cette possibilité a été évacuée par les images. Elles montrent cet homme, qui avait assisté à la prière, revenir sur les lieux et trouver les deux premières victimes de Bissonnette. Il tente de les aider, de les réchauffer avec ses vêtements et d’appeler les services d’urgence.

Mais il va se sauver en voyant des hommes armés arriver au pas de course. Il s’agissait en fait des policiers dépêchés sur les lieux.

Dans la salle, des gens ont regardé les images d’un air accablé. D’autres ont essuyé leurs yeux.

Mohamed Labidi, qui était le directeur du Centre culturel islamique de Québec, là où se trouve la mosquée, a tenu à regarder les vidéos «pour avoir la vraie version».

«C’était très dur, très déchirant», a-t-il commenté peu après.

Il a loué Azzeddine Soufiane, qui a tenté d’arrêter le tireur.

«C’est un acte héroïque. Il a littéralement donné sa vie pour les autres».

Les images ont montré que les gens à l’intérieur ne sont pas restés immobilisés par la peur, que celle-ci ne les a pas empêchés de faire des gestes héroïques, a-t-il déclaré, la voix coupée par l’émotion.

Quant au tueur, il n’a pas hésité, juge-t-il.

M. Labidi dit avoir vu une «détermination inébranlable». «La préméditation est là à 100 pour cent», a-t-il affirmé.

Deux longues minutes

Alexandre Bissonnette apparaît d’abord dans l’angle d’une caméra de surveillance vers 19 h 54. Il dépose par terre un étui à guitare et en sort une arme longue semi-automatique de calibre 223.

La prière de 19 h 30 dure une quinzaine de minutes. Bissonnette se présente donc au lieu de culte alors qu’elle tire à sa fin.

Il a tiré sur ses deux premières victimes, devant la porte de la mosquée, alors qu’elles venaient tout juste de sortir du bâtiment.

Il a ensuite sorti de son manteau un pistolet de marque Glock, laissant l’arme longue par terre.

Après les premières balles, Bissonnette tire de nouveau avec le pistolet sur celui des deux hommes qui est par terre, plus près de lui. L’autre a tenté de s’enfuir sur une courte distance, avant de retomber au sol. Bissonnette se rend calmement, voire nonchalamment vers lui et tire de nouveau.

Il retourne du même pas vers la porte, qu’il ouvre vigoureusement.

Une caméra à l’intérieur montre Bissonnette, habillé de vêtements foncés, entrer dans le portique ou les fidèles laissent leurs souliers avant de prier. Il soulève son pistolet à la hauteur de son visage et se projette vers l’avant, déchargeant immédiatement son arme dans un corridor.

Des hommes affolés courent dans la salle de prière, se sauvant vers son extrémité. Un homme emporte deux enfants avec lui. Plusieurs personnes se réfugient dans un petit renfoncement de 5 pieds par 10 pieds.

On voit «un enfant désemparé qui ne sait pas trop où aller pendant qu’Alexandre Bissonnette décharge», a narré le procureur de la Couronne.

Bissonnette retourne à quelques reprises dans le portique pour recharger son arme. Un endroit sécuritaire pour lui, a dit Me Jacques.

Puis, un homme charge Bissonnette. Il s’agit d’Azzeddine Soufiane, qui y laissera sa vie.

Bissonnette tire sur lui une première balle, avant de l’achever de plusieurs autres, a indiqué Me Jacques.

Des éclairs blancs jaillissent sur les images vidéos montrant la salle de prière: il s’agit des balles.

Une seconde après 19 h 56, Bissonnette quitte les lieux en courant, un pistolet à la main.

Des blessés se déplacent avec difficulté dans la grande salle.

Les dernières images de l’intérieur montrent hommes et enfants restant terrés dans leurs cachettes.

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