Des féministes se mobilisent contre Québec-Vie
MONTRÉAL — Un collectif féministe se mobilise dans le quartier Hochelaga pour faire sentir à des militants anti-avortement qu’ils ne sont pas les bienvenus à Montréal.
Samedi, la Riposte féministe a tenu un rassemblement en protestation contre la présence de Campagne Québec-Vie dans des locaux de l’église Saint-Émile.
La porte-parole du collectif, Sonia Palato, explique que face à de tels organismes, la lutte pour l’autonomie corporelle des femmes est toujours d’actualité.
La Riposte féministe accuse Québec-Vie de mener une campagne misogyne pour humilier les Montréalaises qui se rendent dans des cliniques d’avortement.
Le président de Québec-Vie, Georges Buscemi, admet la tenue de prières et d’opérations de «secours des enfants à naître» autour d’établissements qui fournissent des services d’interruption volontaire de grossesse. Il nie toutefois le caractère intimidant de ces activités, qui auraient déjà réussi, selon lui, à dissuader des patientes à trois ou quatre reprises.
«Ni l’une ni l’autre ne sont conçues pour être culpabilisantes, objecte-t-il. Mais je dois dire que si les gens ressentent de la culpabilité, c’est en fait bien, parce que c’est un meurtre qu’elles s’apprêtent à commettre. C’est un signe de santé mentale.»
Sur son site web, Québec-Vie se décrit comme un mouvement de défense de «l’inviolabilité de la vie humaine» et assimile l’avortement à un «crime contre l’humanité», une procédure «cruelle» qui s’en prend aux «membres les plus vulnérables de notre société» — une référence aux embryons et aux foetus.
La Riposte féministe signale que Québec-Vie est également en guerre contre les mariages homosexuels et l’aide médicale à mourir, ce que George Buscemi ne nie pas.
«Le mariage, selon la raison, ça ne peut être qu’entre un homme et une femme, insiste-t-il. Appeler tout autre arrangement un mariage, c’est comme appeler un cercle un carré.»
Quant à l’aide médicale à mourir, un euphémisme, affirme-t-il, elle consiste selon lui en la mise à mort d’innocents. À la liste des «barbaries» qu’il impute à la Révolution tranquille, Georges Buscemi ajoute également la sodomie.
Québec-Vie embauche quatre personnes à temps plein dans ses bureaux d’Hochelaga-Maisonneuve, loués par une paroisse locale. Leur rémunération est assurée par les quelque mille dons annuels de particuliers, précise M. Buscemi.
Sonia Palato n’écarte pas la possibilité que la manifestation pro-choix de samedi marque le début d’une campagne de plus grande envergure contre Québec-Vie.
L’avortement constitue toujours un tabou, souligne la militante, et ce genre d’organisme fragilise les avancées en la matière.
«Quand il y a des gens comme ça, à l’entrée des cliniques, ça peut donner force à cette honte-là, expose-t-elle. Ensuite, si la personne décide d’aller de l’avant avec l’avortement, ça a des coûts psychologiques et émotifs extrêmement lourds quand on sait qu’il y a des gens qui considèrent que c’est un meurtre qu’on a commis.»
«Aux États-Unis, on voit que ces groupes-là, qui ont plus d’accès à des politiciens et politiciennes en accord avec eux, font des ravages», ajoute-t-elle.
Sonia Palato estime que le droit d’interrompre sa grossesse ne constitue toujours pas un acquis au Canada.
«Il y a plusieurs régions où il y a peu de cliniques. Quand on doit faire plusieurs heures de route pour se faire avorter, ce n’est pas vrai que c’est accessible», se désole-t-elle.
Selon Mme Palato, certains députés fédéraux, la plupart sur le banc conservateur, demeurent sensibles au message porté par Québec-Vie, qui est par ailleurs membre d’un regroupement pancanadien représenté par un lobbyiste sur la colline du Parlement.
Sur la scène provinciale, Campagne Québec-Vie dit parfois appuyer des candidats aux élections.
L’organisme, fondé en 1989, se donne également pour mission d’«éduquer» la population étudiante par le biais de publications qu’il distribue qu’il distribue sur les campus universitaires, mais également «autant que possible» dans les alentours des cégeps et des écoles secondaires.