Dure tâche pour Trudeau à la présidence du G7
QUÉBEC — Ce devait être l’occasion pour Justin Trudeau de faire briller le Canada sur la scène internationale.
Aujourd’hui, le sommet du G7 risque de se transformer en un véritable exercice de sauvetage pour le premier ministre canadien: empêcher le président américain, Donald Trump, de larguer une arme de destruction massive au beau milieu de ce club sélect de grandes démocraties du monde.
Les partenaires du G7 n’envient sûrement pas M. Trudeau ces jours-ci, et certains sont probablement sympathiques à sa cause. N’empêche qu’ils ne pouvaient pas trouver meilleur hôte pour combler l’écart grandissant entre M. Trump et ses partenaires. «Ce sommet ne sera pas aisé, et on mise beaucoup sur le leadership du gouvernement canadien», a admis en entrevue l’ambassadeur du Japon au Canada, Kimihiro Ishikane.
Lorsque Justin Trudeau a pris le pouvoir, en octobre 2015, il voulait ramener le Canada à ses tendances traditionnelles vers le multilatéral — le soutien à des institutions internationales telles que les Nations unies, l’OTAN, le G7 et l’«ordre commercial mondial».
Mais voilà que M. Trump n’est pas un chaud partisan du multilatéralisme. L’avenir du G7 est maintenant plus qu’incertain, avec l’imposition par Washington — à ses mêmes partenaires du G7 — de tarifs douaniers sur les importations d’acier et d’aluminium, ainsi que les désaccords plus larges sur le commerce et la lutte contre les changements climatiques. Symptômes de la fracture sous-jacente dans cette organisation que beaucoup appellent maintenant le «G6 plus un».
Un fonctionnaire européen du G7 a parlé d’un «moment terrible pour occuper la présidence» du groupe. Ce n’est certes pas la première fois que le G7 sera confronté à des désaccords majeurs, mais «cette fois, c’est peut-être bien plus fondamental qu’auparavant», a estimé ce responsable, qui a requis l’anonymat.
M. Trudeau est toutefois considéré comme le meilleur acteur pour jeter des ponts entre M. Trump et le reste du G7, parce que son gouvernement a pu tisser déjà des liens étroits avec l’administration américaine et les différents secteurs de la politique et des affaires aux États-Unis, explique le responsable européen.
Qu’est-ce qui nous unit?
Pour que le sommet de La Malbaie réussisse — et pour que le G7 survive —, M. Trudeau devra insister sur ce qui lie des pays qui, au demeurant, pensent de la même façon sur les grandes questions de fond. Cela exigera par exemple des déclarations fortes et conjointes pour lutter contre l’ingérence électorale russe, ou un engagement à améliorer l’état des océans — généralement perçu comme un compromis canadien intelligent pour amener M. Trump à lutter contre les changements climatiques sans prononcer spécifiquement ces mots tabous à la Maison-Blanche.
Selon l’ambassadeur Ishikane, le Japon souhaite d’abord et avant tout que le G7 projette une image d’«unité» cette semaine. «Bien sûr, il y a des questions sur lesquelles nous avons des points de vue ou des opinions différents, mais le fait est que si nous pouvons vraiment montrer une solidarité, c’est l’unité qui est la clé», a estimé M. Ishikane. «Je pense que la résilience de la démocratie libérale ou de l’économie de marché est remise en cause.»
Dans sa délicate tâche de président du sommet, M. Trudeau recevra l’aide de ses collègues du G7. La première ministre britannique, Theresa May, a déjà parlé à M. Trump au téléphone pendant une demi-heure, lundi, et a réitéré ce que M. Trudeau et d’autres avaient déploré au sujet des tarifs douaniers. Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, aura une rencontre bilatérale de deux heures avec M. Trump à la Maison-Blanche jeudi, avant de venir au Québec. Un face-à-face est également prévu avec le président français, Emmanuel Macron.
Ce dernier est d’ailleurs arrivé à Ottawa, mercredi, pour discuter stratégie avec son homologue canadien avant le sommet.
«La préparation de ce G7 intervient à un moment critique, mais est aussi une occasion de croiser les vues, d’avoir — en tout cas, pour ce qui nous concerne — une vraie convergence sur les sujets essentiels liés au multilatéralisme, qu’il soit économique, géopolitique, climatique», a déclaré le président Macron à son arrivée.
Il a remercié Justin Trudeau de le convier à une telle «rencontre bilatérale de travail et d’amitié» en vue du sommet.
La chancelière allemande, Angela Merkel, la plus ancienne dirigeante du G7, jouera également un rôle clé, même si elle a eu dans le passé des relations plutôt froides avec M. Trump. La chancelière allemande et le président français ont récemment fait des voyages séparés à Washington afin de persuader le président américain de ne pas abandonner l’accord nucléaire iranien — sans succès.
M. Trudeau, de son côté, se prépare à des échanges passionnés à La Malbaie. «Nous savons qu’il y aura certainement des conversations franches et parfois difficiles autour de la table du G7, notamment avec le président américain sur le commerce, sur les tarifs», a-t-il déclaré. «En même temps, c’est pour cela que ces réunions du G7 existent.»