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Le projet de loi sur le cannabis adopté

Photo: Justin Tang/La Presse canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le nuage s’est finalement dissipé mardi: le cannabis sera bientôt légal au Canada. Le Sénat a mis fin au suspense entourant le sort de la légalisation du pot en s’inclinant devant la volonté du gouvernement de ne pas reconnaître aux provinces le droit d’interdire la culture à domicile.

La chambre haute a donné son feu vert en début de soirée à la version réamendée du projet de loi C-45. Il a été adopté par 52 voix contre 29, avec deux abstentions — celles des sénatrices indépendantes québécoises Rosa Galvez et Marie-Françoise Mégie.

Les conservateurs ont dit non en bloc à la mesure législative libérale présentée en avril 2017. Ultimement, c’est le vote des indépendants, désormais majoritaires au Sénat, qui a fait pencher la balance.

La facilitatrice adjointe du Groupe des sénateurs indépendants (GSI), la sénatrice Raymonde Saint-Germain, est de ceux qui ont voté pour cette nouvelle mouture, ce qu’elle a fait après avoir à nouveau déploré le «manque d’ouverture et de souplesse» du gouvernement Trudeau.

«Je crois que le Sénat a le devoir de ne pas contrecarrer la volonté d’un gouvernement démocratiquement élu, et de ne le faire que dans des circonstances exceptionnelles et rarissimes», a-t-elle argué lorsqu’elle a pris la parole avant l’ultime mise aux voix.

«Ultimement, le gouvernement est responsable de ses choix, et ce sera à la population d’en juger au moment opportun», a ajouté la sénatrice du Québec — province qui demandait encore mardi aux sénateurs de poursuivre leur lutte pour défendre ses compétences.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a réagi sur Twitter dans les minutes ayant suivi l’ultime mise aux voix, saluant ce moment «historique pour la politique progressiste au Canada, alors que nous changeons notre approche au cannabis».

Sa collègue à la Santé a aussi dit son bonheur sur le même réseau social. «Nous sommes sur le point d’adopter une politique responsable et équitable. Je vais en dire davantage demain (mercredi) matin», a écrit la ministre Ginette Petitpas Taylor.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré par la suite sur Twitter: «Il est trop facile pour nos enfants d’obtenir de la marijuana et pour les criminels d’en tirer profit. Aujourd’hui, nous changeons cela. Notre plan visant à légaliser et à réglementer la marijuana vient d’être adopté par le Sénat. #PromesseTenue.»

Le député conservateur Gérard Deltell a pour sa part parlé sur les réseaux sociaux d’une «triste journée pour le Canada», soutenant que le Canada devenait le «premier pays du G7 à sombrer dans cette dérive».

Le projet de loi C-45 devrait recevoir assez rapidement la sanction royale en vue de son entrée en vigueur, ce qui prendra de huit à 12 semaines. Le gouvernement fédéral doit ensuite annoncer à quelle date il sera officiellement légal de consommer la substance.

Il faudra d’ailleurs attendre à cette date avant de cultiver en toute légalité, à la maison, du cannabis, a prévenu mardi soir une source gouvernementale.

D’ici là, le choc Ottawa-Québec sur cette question ne sera fort probablement pas réglé — la loi-cadre québécoise interdit de faire pousser des plants à la maison, et la loi fédérale permet d’en cultiver un nombre maximal de quatre.

Il plane donc toujours une incertitude, car à l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, a martelé que les Québécois devaient suivre la loi du Québec. Le premier ministre Justin Trudeau, lui, avait affirmé en mai qu’il s’attendait à ce que les Québécois suivent la loi fédérale.

Insistance de Carignan

L’édition 2018 de cette partie de ping-pong législatif — ce qui semble être en passe de devenir une tradition du mois de juin — aura donc duré moins longtemps que certains ne l’avaient laissé présager dans les dernières semaines.

Le sénateur conservateur Claude Carignan a bien essayé de renvoyer la balle une autre fois dans le camp des députés: il a présenté mardi une motion demandant «que le Sénat insiste sur son amendement» et chargeant un comité «de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat».

«Il m’apparaît essentiel que nous insistions pour maintenir l’amendement visant à intégrer dans le projet de loi C-45 une clause interprétative qui viendrait reconnaître la compétence des provinces» à cet égard, a-t-il plaidé auprès de ses collègues.

Sa tentative a cependant échoué. La motion a été défaite à 35 voix contre 45. Des sénateurs indépendants du Québec comme Raymonde Saint-Germain, Éric Forest et Marie-Françoise Mégie l’ont appuyée.

Parmi ceux qui l’ont rejetée figurent Chantal Petitclerc et André Pratte.

Ce dernier avait signalé pendant le débat ayant précédé le vote qu’il ne pouvait appuyer telle démarche, tout en regrettant que le gouvernement Trudeau ait «préféré un fédéralisme plus uniformisateur que coopératif» et «fait la sourde oreille au Sénat plus moderne qu’il a créé».

Mais «provoquer une crise au parlement (…) dans l’espoir de faire reculer le gouvernement sur ce sujet «important, mais non crucial», serait d’après lui injusfitié, «d’autant plus que les provinces ont un autre recours, le recours devant les tribunaux»

La voie juridique «semble à la fois plus sage et plus prometteuse», a soutenu André Pratte.

Le conservateur Ghislain Maltais a pour sa part regretté cette bataille judiciaire à venir entre le fédéral et les provinces qui, comme le Québec et le Manitoba, préconisent l’interdiction de faire pousser des plants de cannabis à la maison.

«Tout ça pour mettre en vigueur une loi qui va servir à vendre de la drogue dans notre pays (et) permettre à notre pays devenir un « pusher »», a pesté le sénateur québécois.

C’est la troisième année consécutive que le Sénat s’incline après avoir menacé de retarder les vacances des élus avec un va-et-vient législatif. En 2016, c’était pour l’aide médicale à mourir. L’an passé, le litige portait sur le projet de loi budgétaire que des sénateurs voulaient scinder.

«Dialogue de sourds»

Mardi matin, la sénatrice Raymonde Saint-Germain affirmait ne pas voir l’intérêt de s’engager dans un stérile bras de fer entre la chambre haute et les Communes sur l’enjeu de la culture de cannabis à domicile.

«Le message, à mon avis, a été passé. Pour des raisons que j’ignore, il n’a pas été entendu. Est-ce qu’il a été suffisamment compris? Je l’ignore. Mais je pense qu’à ce moment-ci (…) s’il avait eu à être entendu autrement, je crois que ça aurait été fait», a-t-elle exposé.

«J’ai l’impression qu’insister, à ce moment-ci, ça mènerait simplement à un dialogue de sourds», a laissé tomber en entrevue celle qui, lorsque le Sénat avait modifié C-45, se disait prête à mener le combat afin de défendre le Québec pendant l’été s’il le fallait.

Le sénateur conservateur Jean-Guy Dagenais s’est offusqué de ce changement de cap des indépendants Raymonde Saint-Germain et André Pratte.

«Ils défendaient l’amendement (…) et là, tout à coup, ils ont vu la lumière du Saint-Justin (…) Mais où est la réflexion qu’ils ont faite pendant six mois? Ils étaient pour l’amendement. Je trouve ça un peu curieux. Ça me laisse perplexe», a-t-il pesté en mêlée de presse, mardi après-midi.

Forces en présence au Sénat

Groupe des sénateurs indépendants (GSI): 46

Parti conservateur du Canada: 32

Parti libéral du Canada: 11

Non affilié(e): 7

Sièges vacants: 9

Total: 105

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