Un député conservateur voulait exclure Bernier
OTTAWA — Un député conservateur soutient qu’il avait demandé à Andrew Scheer d’exclure Maxime Bernier du caucus dès le mois dernier, mais le chef aurait refusé, estimant que son ancien rival dans la course à la direction du parti avait un rôle important à jouer.
Ce député, qui a parlé à La Presse canadienne sous le couvert de l’anonymat par crainte de créer d’autres remous au sein du caucus, soutient qu’il en a parlé à M. Scheer lors de la réunion du caucus du 20 juin. Il aurait alors demandé à son chef la permission de soumettre au vote des membres du caucus le renvoi du député de Beauce, parce qu’il avait «menti» à ses collègues. M. Scheer lui aurait répondu qu’il souhaitait «garder Max où il est».
M. Bernier venait alors de publier sur son site web un chapitre controversé de son livre qu’il avait déjà accepté de reporter «pour maintenir l’harmonie dans le parti». Le député libertarien y accusait son chef d’avoir enrôlé de «faux conservateurs» chez les agriculteurs dans le seul but de le battre pendant la course à la direction du parti. M. Bernier demeure un fervent partisan de l’élimination du système canadien de gestion de l’offre pour le lait, les oeufs et la volaille — un système cher aux producteurs agricoles canadiens.
Le député trublion avait promis en avril de suspendre indéfiniment la publication de son livre, mais le chapitre incriminant a refait surface le mois suivant au milieu d’attaques du président américain Donald Trump sur la façon dont le Canada traite les producteurs laitiers américains. L’apparition du chapitre controversé sur le site de M. Bernier avait déclenché une nouvelle vague d’indignation au sein du caucus conservateur, ce qui a poussé un député à exiger sa tête. Ce député voulait prendre le micro pendant la réunion du caucus et demander à ses collègues de voter pour l’exclusion de M. Bernier; le chef aurait alors refusé.
M. Scheer a finalement retiré au député de Beauce ses fonctions de porte-parole du parti en matière d’innovation, mais M. Bernier n’a pas été exclu du caucus. Il a toujours refusé depuis de commenter la situation.
Un intouchable?
Tim Powers, vice-président de la firme de relations gouvernementales Summa Strategies, à Ottawa, estime que M. Scheer n’avait pas le choix s’il voulait éviter de créer une division au sein du parti, à un peu plus d’un an du prochain scrutin fédéral.
«Oui, (M. Bernier) peut parfois irriter certains de ses collègues, mais il représente aussi le point de vue de nombreux conservateurs», croit ce stratège. «Il est le yin du yang de M. Scheer, particulièrement quand il s’agit de la gestion de l’offre.»
M. Scheer ne pouvait sans doute se permettre de perdre M. Bernier, un vétéran qui a été défait par une faible marge lors de la course à la direction l’an dernier, et qui représente une partie du pays que les conservateurs tiennent mordicus à garder.
Stephen Harper, qui avait imposé une discipline stricte au sein du caucus, avait trouvé un moyen de garder M. Bernier dans le giron conservateur. M. Scheer, souvent qualifié par ses rivaux politiques de «Stephen Harper avec un sourire», essaie de marcher sur ce même fil de fer.
Le député qui voulait chasser M. Bernier estime de son côté qu’il aurait obtenu «un bon soutien» du caucus, compte tenu du nombre de députés qui s’étaient sentis lésés, notamment parce que le député rompait sa promesse de ne pas publier. «Beaucoup de gens estimaient que Max avait franchi la ligne.»
Brock Harrison, directeur des communications de M. Scheer, a expliqué que le cabinet du chef de l’opposition ne commenterait pas les affaires internes du caucus ou les conversations privées. «M. Bernier continue d’être un membre important de notre caucus national, et ses perspectives et son expertise sont appréciées», a soutenu M. Harrison.