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Michaëlle Jean fait un ultime plaidoyer

Secretary General of La Francophonie and former governor general of Canada Michaelle Jean walks to the podium to address a youth as peace builders working session at the 2017 United Nations Peacekeeping Defence Ministerial conference in Vancouver, B.C., on Tuesday November 14, 2017. Jean is showing no signs of withdrawing her candidacy for the top job at La Francophonie.THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck Photo: THE CANADIAN PRESS
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

EREVAN, Arménie — Si elle doit céder sa place comme grande patronne de la Francophonie, vendredi, Michaëlle Jean ne l’aura pas fait en taisant l’inquiétude qu’éveille en elle l’idée de voir le Rwanda la lui ravir. La secrétaire générale a servi une mise en garde aux membres de l’organisation, les enjoignant à ne pas céder aux «petits arrangements entre États» et à ne pas renier leurs idéaux démocratiques.

On savait qu’elle n’avait pas l’intention de rendre les armes et son titre de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) sans se battre jusqu’au bout, et la Canadienne l’a prouvé jeudi, y allant d’un ultime plaidoyer devant un parterre rempli de dizaines de chefs d’États et de gouvernements réunis en sommet à Erevan, en Arménie.

«Au moment où nous marchons vers le 50e anniversaire de la Francophonie, demandons-nous ici à Erevan, en toute conscience et en toute responsabilité, de quel côté de l’Histoire nous voulons être», a argué dans une allocution ponctuée de sous-entendus celle que tous voient s’incliner devant sa rivale, la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo.

«Sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes (…) Sommes-nous prêts à accepter que la démocratie, les droits et les libertés, soient réduits à de simples mots, que l’on vide de leur sens au nom de la realpolitik, de petits arrangements entre États ou d’intérêts particuliers?», a-t-elle vigoureusement martelé.

C’est que le Rwanda — une nation africaine dirigée de main autoritaire par le président Paul Kagame, que le premier ministre Justin Trudeau a rencontré tout juste après le discours de l’ancienne gouverneure générale, jeudi — n’a pas un bilan particulièrement reluisant en matière de droits démocratiques et de liberté de la presse.

Malgré cela, la numéro deux de Kigali a réussi à décrocher l’appui de la France, principal bailleur de fonds de l’OIF, ainsi que le soutien d’une flopée de pays de l’Union africaine. Et le gouvernement canadien, après avoir appuyé Michaëlle Jean, a finalement renoncé et annoncé son intention de se rallier au consensus qui se dessine.

Celle qui a aussi été larguée en début de semaine par le premier ministre désigné du Québec, François Legault, a conclu ce dernier plaidoyer public en enjoignant ses ouailles à «choisir entre (…) progresser ou régresser», car «une organisation qui ruse avec les valeurs et les principes est déjà une organisation moribonde».

Hommage de Trudeau

Un peu plus tôt, le premier ministre Justin Trudeau lui avait rendu hommage lors de l’allocution qu’il a prononcée en ouverture du XVIIe Sommet de la Francophonie jeudi, à la veille de l’élection de la prochaine secrétaire générale de l’OIF — une politesse qu’a aussi faite le président français Emmanuel Macron à Michaëlle Jean.

«Je veux souligner quelqu’un d’extraordinaire, une amie (..) pour son travail remarquable à la tête de la Francophonie. Michaëlle s’est affirmée comme ardente défenseure des femmes, faisant notamment valoir leur droit à l’éducation et militant pour leur émancipation», a-t-il .

«Ses nombreuses réalisations, autant envers la jeunesse que pour les droits de la personne, ont enrichi non seulement notre grande organisation, mais notre monde. Elle donne une impulsion aux causes qui nous tiennent tous à cœur avec son dévouement et son énergie contagieuse», a ajouté le premier ministre.

Bon joueur, le président Macron a tenu à féliciter celle sur qui il n’a pas misé. «La Francophonie doit être cet espace qui se bat pour le droit des femmes — et je veux ici saluer le travail qui a été réalisé par Michaëlle Jean, à laquelle je rends hommage, qui s’est fortement mobilisée dans ce combat», a-t-il exposé vers la fin de son allocution d’une quarantaine de minutes.

«La Francophonie doit être féministe! Et vous avez eu raison, madame la secrétaire générale, de ne rien céder à ce combat», a-t-il lancé.

Le locataire de l’Élysée a également pris bien soin de dire de bons mots au sujet du Canada et de certaines de ses initiatives, et il a aussi souligné à gros traits l’importance de l’Afrique pour l’avenir de l’organisation et la pérennité de la francophonie sur l’ensemble de la planète.

Lutte acharnée

Les chances de Michaëlle Jean d’être reconduite pour un second mandat de quatre ans à la tête de l’OIF sont considérées excessivement minces, voire nulles. Traditionnellement, l’élection à ce poste se fait par voie de consensus, et non par vote. Les chefs d’États et de gouvernements peuvent cependant réclamer la tenue d’un vote.

Des dirigeants africains ressentiraient cependant un certain malaise d’avoir en quelque sorte été placés devant le fait accompli, d’après une source bien au fait de la campagne à la direction. Quelques-uns auraient même exprimé directement auprès de la candidate du Canada qu’ils se retrouvaient dans une «posture impossible».

Selon ce que rapportait mardi Radio France internationale (RFI), l’ancienne journaliste native d’Haïti espérait toujours pouvoir compter sur le soutien de quelque 17 à 18 délégations au sein de l’OIF vendredi. Le média base ces statistiques sur «un dernier pointage effectué mardi soir à Erevan».

Charles Aznavour salué

À l’entrée du complexe Karen Demirdjian, où se tient le forum international, la musique de Charles Aznavour, fils de l’Arménie, résonnait, jeudi. Le sommet s’ouvrait quelques jours après le décès du monument de la chanson de descendance arménienne, et sa contribution à l’épanouissement de la langue française a été soulignée sur l’estrade.

Le premier ministre Trudeau a salué ce «grand homme que j’aimais énormément, un grand amoureux de la langue française» en notant que «dans les jours qui ont suivi son décès, les francophones et les francophiles du monde se sont unis dans le deuil à travers son oeuvre», un «élan de solidarité (qui) était peut-être le plus grand hommage qu’on aurait pu lui faire».

Son homologue français, Emmanuel Macron, a quant à lui regretté la disparition d’une voix «qui plonge nos pays dans la tristesse et le deuil», une voix «qui disait mieux que tous les autres nos tourments, notre bonheur, la douleur du temps qui passe, l’insouciance de la jeunesse» avec «cette mélancolie qui accompagnait l’exil».

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