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La Cour suprême évalue la détention des migrants

OTTAWA — Des organismes de défense des droits de la personne souhaitent que les lois canadiennes puissent permettre aux migrants en détention de contester devant un juge leur incarcération.

La Cour suprême du Canada a entendu mercredi les plaidoiries dans un appel pour accorder aux détenus de l’immigration l’accès à un «bref d’habeas corpus», une disposition juridique qui permet à toute personne détenue avant jugement de contester sa détention devant un juge. L’«habeas corpus» est considéré comme une liberté fondamentale: celle de ne pas être détenu sans jugement et de comparaître devant un juge rapidement.

À l’heure actuelle, les migrants en attente de statut ne peuvent contester leur détention devant un juge: ils peuvent seulement le faire par le biais de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

La cause devant la Cour suprême est celle de Tusif Ur Rehman Chhina, un Pakistanais qui avait demandé l’asile au Canada en 2006, mais qui avait été arrêté plus tard, lorsque les autorités canadiennes ont appris qu’il avait un casier judiciaire. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a réexaminé sa détention à 12 reprises, et elle a ordonné à chaque fois qu’il demeure incarcéré. Le Pakistanais a depuis été renvoyé dans son pays, mais ses avocats ont poursuivi l’affaire devant les tribunaux.

M. Chhina s’était aussi adressé à la Cour du banc de la reine de l’Alberta pour obtenir un «bref d’habeas corpus», au motif que sa détention était prolongée et pour une durée indéterminée — donc illégale. Le tribunal de première instance a décliné compétence pour entendre la requête, mais la Cour d’appel lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle l’entende à nouveau sur le fond. La Cour suprême devra maintenant trancher en appel de cette décision.

Plusieurs organismes sont intervenus mercredi en Cour suprême, notamment Amnistie internationale, le Conseil canadien pour les réfugiés et l’Association canadienne des libertés civiles. Selon ces intervenants, les migrants détenus ne bénéficient pas toujours, actuellement, d’une audience équitable, et ils se retrouvent parfois incarcérés pour une durée indéterminée.

Fardeau de la preuve inversé

«Le fardeau de la preuve incombe au détenu», déplore Swathi Sekhar, avocate et membre du Réseau pour la fin de la détention en immigration, un autre organisme intervenant dans l’affaire. «Par contre, pour une demande en « habeas corpus », c’est le gouvernement qui doit justifier juridiquement et concrètement pourquoi une personne doit être détenue — ce qui constitue une différence fondamentale.»

Le gouvernement fédéral soutient de son côté que le système actuel prévoit «un régime complet, exhaustif et spécialisé», entendu par un organisme quasi judiciaire indépendant qui fournit «un examen rapide, régulier et significatif de la détention, basé sur des motifs clairement définis».

Étendre l’«habeas corpus» aux migrants en attente de statut créerait une incertitude dans les processus judiciaires, soutient le gouvernement dans son mémoire à la Cour.

Un petit groupe de militants a bravé le froid hivernal, mercredi, pour manifester sur le parvis de la Cour suprême à Ottawa.

«Le contexte mondial de la migration évolue et le Canada constitue un refuge pour de nombreuses personnes qui fuient les terribles événements qui se produisent dans leur pays — et ces gens se retrouvent ensuite en détention», a déploré Mme Sekhar.

«Il est important que nous ne laissions pas le gouvernement agir de façon arbitraire: il faut mettre en place un garde-fou, qui n’existe pas dans le système actuel.»

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