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Des règles pour «encadrer» l’accord de Paris

Heads of the delegations react at the end of the final session of the COP24 summit on climate changein Katowice, Poland, Saturday, Dec. 15, 2018. (AP Photo/Czarek Sokolowski) Photo: The Associated Press
Frank Jordans - The Associated Press

KATOWICE, Pologne — Près de 200 pays — dont les principaux producteurs mondiaux de gaz à effet de serre que sont la Chine et les États-Unis — ont adopté un ensemble de règles visant à insuffler de la vigueur à l’accord de Paris sur le climat conclu en 2015, en précisant comment les pays devraient déclarer leurs émissions et s’efforcer de les réduire.

Mais les négociateurs ont reporté à l’année prochaine d’autres décisions importantes, ce qui contrarie les environnementalistes et les pays qui souhaitaient des objectifs plus ambitieux en réponse aux scientifiques qui préviennent que le monde devra s’éloigner radicalement des combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie.

«La majorité du règlement de l’accord de Paris a été créée, ce qui mérite toute notre gratitude, a déclaré Mohamed Adow, un expert en politique climatique chez Christian Aid. Mais le fait que les pays aient dû être traînés (de force) jusqu’à la ligne d’arrivée montre que certains (…) ne se sont pas éveillés» aux conséquences désastreuses du réchauffement de la planète, comme indiqué dans un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies.

Les responsables des pourparlers, qui se sont terminés samedi soir dans la ville polonaise de Katowice, ont convenu de règles universelles sur la manière dont les pays peuvent réduire leurs émissions. Les pays pauvres ont obtenu l’assurance d’un soutien financier pour les aider à réduire les émissions, à s’adapter aux changements tels que la montée du niveau de la mer et à réparer les dégâts déjà causés.

«Vous avez fait mille petits pas en avant ensemble», a félicité Michal Kurtyka, un haut responsable polonais qui a dirigé les négociations.

Même si chaque pays trouve probablement déplaisantes certaines portions de l’accord, a-t-il déclaré, des efforts ont été déployés pour équilibrer les intérêts de tous.

«Nous devrons tous faire des concessions pour gagner, a dit M. Kurtyka. Nous devrons tous faire preuve de courage pour affronter l’avenir et faire un pas de plus pour le bien de l’humanité.»

Les discussions se sont déroulées dans un contexte d’inquiétude croissante parmi les scientifiques, à savoir que le réchauffement de la planète progresse plus rapidement que les gouvernements n’y réagissent. Le mois dernier, une étude a révélé que le réchauffement de la planète aggraverait les catastrophes naturelles telles que les incendies de forêt mortels en Californie et les puissants ouragans qui ont frappé les États-Unis cette année.

Le récent rapport du GIEC a conclu qu’il était possible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’époque préindustrielle, mais que cela nécessiterait une refonte radicale de l’économie mondiale, y compris un abandon des combustibles fossiles.

Alarmés par les efforts déployés pour inclure cette idée dans le texte final de la réunion, des pays exportateurs de pétrole comme les États-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite et le Koweït ont bloqué l’approbation du rapport du GIEC à mi-parcours des pourparlers de ce mois-ci. Cela a provoqué un tollé de la part de pays vulnérables, comme les petites nations insulaires, et des groupes environnementaux.

Le texte final omettait une référence antérieure à des réductions spécifiques d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et se contentait de se féliciter de «l’achèvement rapide» du rapport du GIEC, et non de ses conclusions.

Johan Rockstrom, un scientifique qui aide à diriger l’Institut de recherche sur l’impact sur le climat de Potsdam, a qualifié cet accord de «soulagement». L’accord de Paris, a-t-il déclaré, «est toujours d’actualité, malgré la montée du populisme et du nationalisme».

Son plus grand souci, a-t-il ajouté, est que le sommet «n’ait pas réussi à aligner les ambitions sur la science, en particulier en omettant la nécessité de préciser que les émissions mondiales provenant des combustibles fossiles doivent être réduites de moitié d’ici 2030» pour rester en phase avec le rapport du GIEC.

Alden Meyer, le directeur de la stratégie et de la politique de l’Union of Concerned Scientists, a estimé que les discussions avaient créé «une base solide pour la mise en œuvre et le renforcement» de l’accord de Paris et pourraient contribuer à ramener les États-Unis dans l’accord sous une future administration présidentielle.

Un des points de blocage majeur était de savoir comment créer un marché fonctionnel des crédits de carbone. Les économistes estiment qu’un système commercial international pourrait constituer un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de mobiliser des sommes importantes pour l’adoption de mesures visant à lutter contre le réchauffement de la planète.

Mais le Brésil voulait conserver les quantités de crédits de carbone qu’il a accumulées dans le cadre d’un ancien système qui, selon les pays développés, n’était ni crédible ni transparent.

Les États-Unis ont été parmi ceux qui ont le plus reculé, malgré la décision du président Donald Trump de se retirer de l’accord de Paris et sa promotion du charbon comme source d’énergie.

«Globalement, le rôle des États-Unis ici a été quelque peu schizophrène: promouvoir le charbon et dénigrer la science, mais aussi travailler dur pour la mise en place de règles de transparence strictes», a déclaré Elliot Diringer du Center for Climate Solutions, un centre de réflexion de Washington.

Les États-Unis font encore techniquement partie de l’accord de Paris jusqu’en 2020, raison pour laquelle les autorités américaines ont participé aux négociations de Katowice.

Quand le moment est arrivé de supprimer les échappatoires susceptibles de permettre aux pays de se soustraire à leur engagement de réduire les émissions, «les États-Unis ont fait pression plus que tout autre (pays) pour des règles de transparence qui placent tous les pays dans le même système, et ils ont largement réussi», a dit M. Diringer.

Finalement, une décision sur les mécanismes d’un système d’échange de droits d’émission a été reportée à la réunion de l’année prochaine. Les pays ont également décidé d’envisager des objectifs plus ambitieux lors d’un sommet à New York en septembre prochain.

La ministre canadienne de l’Environnement, Catherine McKenna, a suggéré qu’il n’y avait pas d’alternative à de telles réunions si les pays voulaient s’attaquer aux problèmes mondiaux, d’autant plus que la diplomatie multilatérale est sous la pression du nationalisme.

«Le monde a changé. Le paysage politique a changé, a-t-elle déclaré à l’Associated Press. Vous voyez toujours ici que nous sommes en mesure de progresser. Nous pouvons discuter des problèmes. Nous pouvons trouver des solutions.»

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