L’accord Canada–États-Unis–Mexique freiné par les tarifs douaniers punitifs
WASHINGTON — Un membre influent du Congrès américain dans le dossier du commerce international affirme que des républicains et des démocrates ne soutiendront pas l’accord commercial nord-américain signé par le président Donald Trump tant que les droits de douane punitifs sur l’acier et l’aluminium seront maintenus.
Le représentant Kevin Brady, membre influent du Comité des voies et moyens de la Chambre, qui est responsable du commerce international, a rappelé mardi que les appuis à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) varient beaucoup au Capitole. Mais selon M. Brady, il existe tout de même un consensus: les droits de douane sur l’acier et l’aluminium doivent être abolis, et ils ne doivent pas être ensuite remplacés par des quotas.
Les leaders du Canada, des États-Unis et du Mexique ont signé le nouvel accord le 30 novembre dernier en marge du Sommet du G20 à Buenos Aires. Les trois pays doivent maintenant faire ratifier l’ACÉUM par leur législature respective.
M. Brady faisait partie mardi d’un groupe d’experts de l’ACÉUM lors d’une conférence à Washington, aux côtés notamment de Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada, et de Kenneth Smith Ramos, négociateur en chef de l’accord pour le Mexique. M. Beatty, un ancien ministre du gouvernement Mulroney, était au pouvoir à la fois pour la négociation du premier accord de libre-échange canado-américain, puis pour l’accord nord-américain, avec le Mexique.
Toute discussion sur l’ACÉUM dévie rapidement vers l’avenir de l’accord au Congrès américain et vers les tarifs imposés par la Maison-Blanche en vertu de la loi sur la sécurité nationale.
M. Brady a soutenu mardi que le processus de «pointage» au Congrès était en cours pour dresser un inventaire des partisans et des opposants à l’accord — et ce qui les motive —, afin d’aider le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, à le faire accepter au Capitole.
Certains démocrates sont particulièrement préoccupés par le fait que l’ACÉUM manque d’outils efficaces pour faire respecter les dispositions relatives aux conditions de travail et à l’environnement. Des républicains, selon M. Brady, s’inquiètent quant à eux de l’érosion des mécanismes de sauvegarde entre les investisseurs et les États, ainsi que de la «clause crépusculaire» de six ans — à laquelle le Canada s’est farouchement opposé.
Éviter de rouvrir l’accord
En conséquence, il est encore trop tôt pour prédire à quel moment un vote de ratification pourrait avoir lieu au Congrès, en particulier sur fond de paralysie partielle de l’administration aux États-Unis et de bataille politique concernant le mur américano-mexicain du président Trump.
Bien que le gros bon sens voudrait que ni le Canada ni le Mexique ne ratifient l’accord avant les États-Unis, il serait peut-être utile de repenser cette approche pour inciter le Congrès à agir et pour décourager les amendements à l’accord, a soutenu Miriam Sapiro, une démocrate qui a été représentante américaine au Commerce par intérim sous le président Barack Obama en 2013. Mme Sapiro estime que la ratification de l’entente à Ottawa et Mexico rendrait la tâche plus ardue pour les détracteurs au Congrès qui veulent rouvrir l’ACÉUM.
Il est essentiel, selon elle, que le Congrès ratifie l’accord d’ici cinq mois, afin d’éviter de se trouver au beau milieu des élections fédérales d’octobre au Canada et de la prochaine campagne présidentielle aux États-Unis. Mme Sapiro trouve par ailleurs très sain qu’un certain nombre d’élus américains, aussi bien démocrates que républicains, expriment leur inquiétude face à cet accord: un consensus trop large sèmerait de la méfiance, a-t-elle estimé.
Perrin Beatty, lui, s’est dit moins enthousiaste face à cet accord: alors que certains l’appellent l’«ALÉNA 2.0», il y voit un accord moins important que l’«ALÉNA 1.0», son prédécesseur. M. Beatty est tout de même soulagé que le Canada ait pu conclure un «accord 0.8» en cette nouvelle ère d’«échanges commerciaux encadrés».
«Nous ne devons pas le juger à l’aune de nos aspirations initiales (…) mais en regardant l’option qui était sur la table. Et cette option, c’était potentiellement une guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis, et la perte de quelque chose pour lequel nous avions travaillé très fort.»