Fronde contre le «manque d’indépendance» du BEI
Trois ans après sa mise en activité, le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) échoue à son devoir d’indépendance et de transparence, plaident des organismes et des parents de victimes.
En ce début de session parlementaire, la Ligue des droits et libertés (LDL) et plusieurs organismes affiliés exigent une commission parlementaire pour permettre un «véritable débat public» sur le fonctionnement du bloc d’enquêtes.
«Il y a plusieurs insatisfactions, un manque de confiance. La transparence n’est pas au rendez-vous», a lancé la coordonnatrice de la LDL, Eve-Marie Lacasse, dans le cadre d’une conférence de presse, lundi.
Depuis sa première enquête, en juillet 2016, le BEI a été appelé à se pencher sur 138 dossiers. Aucun de ces dossiers n’a donné lieu à des poursuites du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) contre des policiers.
Jusqu’ici, le DPCP a fermé 77 dossiers sans porter d’accusations et 28 autres sont en attente d’une décision. Le BEI n’a pas terminé son enquête dans les 33 autres cas.
La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbeault, a présentement en sa possession un premier rapport d’activités sur le BEI. C’est sur ce document que devra porter la commission, avance la LDL.
Des progrès?
Trois ans après sa première enquête, le BEI comporte encore trop de lacunes, selon le porte-parole de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Alexandre Popovic.
«On aurait préféré vous dire aujourd’hui que c’est mission accomplie pour le BEI», a-t-il avancé.
«Mais les enquêtes indépendantes souffrent encore d’un sérieux manque d’indépendance à l’égard des policiers qui en font l’objet», a poursuivi le porte-parole.
Des victimes sans réponses
La LDL a invité lundi les parents de deux victimes afin qu’ils témoignent de leur expérience avec le BEI. Selon eux, la police est protégée par le processus d’investigation du corps indépendant.
Tracy Wing, la mère de Riley Fairholm, un adolescent abattu par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) en 2018 à Lac-Brome, affirme que les enquêteurs du BEI ne veulent pas de la version des témoins.
«Six mois après la mort de notre fils, j’ai croisé un témoin de la scène, a-t-elle raconté. Je lui ai demandé s’il y a eu des contacts de la part du BEI. Non, jamais, personne… Ils l’ont interviewé en avril, huit mois après le meurtre.»
«Quand est-ce que le public va être informé de la version des témoins et non de la seule version des policiers?» – Tracy Wing, mère de Riley Fairholm
Cesur Celik dénonce pour sa part la mort de son fils à l’Île-Bizard en 2017. Selon lui, les agents du Service de police de la Ville de Montréal appelés sur scène étaient «heureux en battant» son fils. Il soutient qu’aucun progrès n’a été fait depuis par l’enquête indépendante.
«Le BEI fait preuve de conflits d’intérêts à travers leur prétendue indépendance, a souligné le père de Koray Kevin Celik. Sept des huit enquêteurs sur le cas de notre fils étaient d’ex-policiers. Trois provenaient du SPVM.»
«C’est contre les souhaits de [l’ex-ministre péquiste] Stéphane Bergeron, qui était connu comme le père du BEI», a-t-il observé.
Pistes de solution
Alexandre Popovic, de la CRAP, propose dès maintenant que les enquêtes du BEI soient uniquement menées par des civils. Il constate que cet objectif est fixé dans d’autres bureaux indépendants, comme en Colombie-Britannique.
«C’est une question de formation et de volonté politique», a-t-il avancé.
M. Popovic suggère enfin que le BEI puisse faire appel à sa propre «équipe d’enquête technique» plutôt que de devoir s’appuyer sur les corps policiers. Il ajoute que «n’importe quel membre du public» devrait pouvoir signaler un événement.
Avec des informations de La Presse canadienne.