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Commissions scolaires: une réforme «nécessaire» mais abusive, plaide un expert

Enseignant
En date de l’an dernier, près de 86 000 enseignants œuvraient au sein des 72 commissions scolaires du Québec. Photo: Archives Métro

Le projet de loi 40 – qui abolirait les commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services – soulève les passions depuis quelques semaines. Entre la position du gouvernement Legault et celle des syndicats d’enseignants, un grand vide subsiste. Et selon un expert, la solution se trouve probablement entre les deux.

«C’est clair qu’il fallait intervenir, mais le plan d’action du gouvernement est beaucoup trop important et lourd pour le problème auquel les commissions scolaires font face. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Dans ce cas-ci, il avait seulement la grippe», explique à Métro l’expert en administration scolaire et professeur à l’Université de Montréal (UdeM), Alexandre Beaupré-Lavallée.

Des deux côtés, juge-t-il, plusieurs revendications sont effectivement très légitimes, mais elles sont à prendre avec plusieurs nuances.

«Il y a des risques réels soulevés par les organismes. Le projet de loi supprime la démocratie scolaire pour la remplacer par une démocratie interne. En gros, on tue le système tel qu’il existe depuis 1840, mais on le remplace par absolument rien de fondamental. La bureaucratie conserve donc son pouvoir, et en aura même plus», observe l’expert.

Des changements importants

Jusqu’ici, les élections des commissaires scolaires se font par suffrage universel. Mais si le projet de loi est adopté, un collège électoral représenté par les nouveaux «conseils d’établissements» aurait dorénavant l’autorité.

Malgré tout, la réforme qu’entame Québec était relativement nécessaire, précise toutefois M. Beaupré-Lavallée.

«Ça prenait du changement, juge-t-il. Le statu quo pour lequel militent plusieurs groupes en éducation, c’est intenable, ne serait-ce que pour la question d’image dans la population. Les commissions scolaires sont carrément devenues un terme péjoratif.»

Le cas de la Commission scolaire English-Montréal (CESM), mise sous tutelle mercredi dernier, est un bon exemple selon lui. «Il fallait intervenir sur les sérieux problèmes de gouvernance, et même les élections scolaires n’arrivaient pas à régler le problème, illustre-t-il. On aurait pu régler le problème dans certaines régions avec des tutelles, plutôt que de mettre le système à terre. C’est là, mon malaise.»

«Tant au gouvernement que dans le milieu, on parle de revendications de groupes d’intérêt. C’est clair que la solution se trouve entre les deux.» -Alexandre Beaupré-Lavallée

Abolir le contre-pouvoir

Joint par Métro, le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette, ne mâche pas ses mots pour décrire la «vraie intention» du gouvernement dans ce dossier.

«Ce qui anime le ministre de l’Éducation [Jean-François Roberge], c’est d’abolir le contre-pouvoir. Il l’a dit lui-même: il ne veut plus entendre des gens sortir sur la place publique pour parler contre le gouvernement», s’indigne-t-il.

M. Mallette dénonce que les directeurs généraux, qui remplaceront les commissaires si le projet de loi est adopté, «vont se taire et obéir, ce qui aura pour effet de centraliser les pouvoirs».

«C’est une réforme purement idéologique qui vise à permettre au ministre de faire main basse. Clairement, ce sera les familles aisées qui vont s’emparer des conseils d’administration, au détriment des familles de la classe moyenne, surtout dans certains quartiers défavorisés.» -Sylvain Malette, président de la FAE

Québec mise sur les économies

Appelée à réagir, la responsable des communications au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Esther Chouinard, affirme que «la structure administrative des commissions scolaires n’est pas modifiée par le projet de loi».

«Ça n’entraînera pas d’abolition de postes dans l’administration des centres de services, dit-elle. On estime que le projet de loi nous permettra d’économiser un minimum de 45 M$ sur quatre ans.»

Plus de la moitié des employés, soit 47 000 d’entre eux, se trouvent toutefois au 17e et dernier échelon de l’échelle salariale du système public québécois.

Avec les économies «engendrées» par le PL40, Québec envisage un «réinvestissement dans les services» et l’embauche de 160 professionnels supplémentaires.

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