Oxfam-Québec craint l’apparition d’une «génération pandémie»
S’ils sont moins à risque de souffrir de la COVID-19, les jeunes pourraient bien faire les frais des répercussions socioéconomiques et politiques de la crise du coronavirus, prévient un rapport d’Oxfam-Québec publié aujourd’hui.
L’organisme de coopération internationale craint l’apparition d’une «génération pandémie» chez les 10 à 24 ans, en raison des conséquences particulières de la pandémie sur les jeunes en matière d’éducation, d’emploi et de santé mentale.
On peut notamment lire dans ce rapport intitulé Jeunes et COVID-19 que «les jeunes encaisseront la majeure partie des répercussions de la pandémie de COVID-19».
«En effet, les possibilités qui s’offrent à eux dans la vie auront été transformées par les perturbations sans précédent que subissent l’éducation et l’emploi, ainsi que par le grave traumatisme que beaucoup ont vécu.»
Éducation, emploi et santé mentale
Selon l’UNESCO, ce sont 9 étudiants sur 10, soit plus d’un 1,5 milliard de personnes, qui ont vu leur parcours scolaire interrompu ou modifié par la COVID-19.
Les possibilités d’enseignement à distance sont très inégales d’un pays à l’autre en fonction de l’accès à un ordinateur et à internet, déplore le rapport. Le continent africain est le moins apte à assurer un enseignement à distance.
«Beaucoup de personnes croient que c’est plus facile d’étudier à la maison, mais il n’y a pas tant de côtés positifs. Oui, tu es chez toi, tu es plus confortable, tu n’as pas besoin de te déplacer. Mais côté moral, c’est beaucoup plus dur. De mon côté, cette session-ci, tout allait bien : je faisais les choses en ordre, j’étais sérieux. Et tout d’un coup : «bam!», la pandémie a frappé. Je vis beaucoup de procrastination et beaucoup de distractions. C’était beaucoup plus dur que les gens auraient pu le penser.»
Nathan Bernard, 20 ans, étudiant en première année au Cégep Bois-de-Boulogne
Oxfam-Québec s’inquiète également des conséquences sur la sécurité alimentaire et sur la santé des jeunes qui ne peuvent pas fréquenter leurs institutions scolaires.
En matière d’emploi, le rapport indique que les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 frappent plus durement les jeunes travailleurs, puisqu’ils sont plus susceptibles d’occuper un emploi précaire, informel, saisonnier ou à temps partiel.
L’organisme non gouvernemental souligne qu’au Canada, ce sont chez les jeunes de 15 à 24 ans qu’ont été enregistrées les plus importantes pertes d’emploi : un jeune travailleur sur quatre a perdu son emploi ou a vu ses heures de travail diminuer au début de la pandémie.
«Clairement j’apprends moins bien à la maison qu’à l’école. À la maison, c’est plus compliqué et plus difficile de se concentrer. J’ai moins de motivation à faire mes devoirs. Si j’étais resté à l’école, j’aurais mis plus d’implication dans mes travaux.»
Félix La, 14 ans, étudiant en deuxième secondaire à l’Académie Dunton
Par exemple, le taux de chômage chez les jeunes Canadiens est passé de 10,3 % en février 2020 à 16,8 % en mars.
Un récent sondage de l’Organisation internationale du travail (OIT) révèle que 17 % des jeunes de 18 à 29 ans ne travaillent plus, soit 1 jeune sur 6, et que 42 % d’entre eux ont connu une baisse de revenu.
Oxfam-Québec déplore aussi que les programmes d’aide financière des gouvernements ne prennent pas en compte les besoins spécifiques des jeunes ou les écartent tout simplement de toute mesure d’aide.
Les impacts de la COVID-19 sur la santé mentale des jeunes sont également à craindre.
Selon le rapport, plus du tiers des adolescents québécois disent souffrir d’une profonde détresse psychologique en raison de la pandémie.
«Le plus dur, c’est de ne plus pouvoir parler à mes amis ni jouer avec eux.»
Vitaliy Frin, 15 ans, étudiant en deuxième secondaire à l’École Édouard-Montpetit
La pandémie met à risque plusieurs groupes déjà vulnérables, note Oxfam-Québec, en premier lieu les filles et les jeunes femmes.
Les communautés noires, latinos et autochtones sont également plus susceptibles d’en subir les conséquences, tout comme les migrants, les réfugiés et les personnes LGBTQ+.
Solutions proposées
Pour freiner les conséquences à long terme de la pandémie, Oxfam-Québec invite les gouvernements du Québec et du Canada à intégrer les jeunes «dans l’idéation et la mise en œuvre» de leur comité de relance.
L’organisme invoque l’exemple de l’Ontario, qui a créé le Conseil du premier ministre pour l’égalité des chances réunissant 20 jeunes de 18 à 29 ans.
«Les politiques et actions dans le contexte de la pandémie doivent promouvoir de façon explicite l’inclusion et les droits des jeunes ainsi que reconnaître les diverses aspirations des jeunes aux quatre coins du monde», conclut le rapport.