Le site du Devoir victime d'un canular, Charest réagit avec humour
MONTRÉAL – Un texte annonçant faussement le décès du premier ministre
Jean Charest a fait la une du site internet du quotidien Le Devoir
pendant quelques heures, dans la nuit de mardi, après un présumé
piratage informatique.
Un incident gênant qui devrait servir d’avertissement aux autres médias
canadiens, a fait valoir Michael Calce, alias « Mafiaboy », un pirate
informatique qui avait pénétré sur le serveur du réseau CNN au début des
années 2000.
Le Devoir a porté plainte auprès des forces de l’ordre.
Selon ce canular, M. Charest avait été admis à l’urgence du Centre
hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) lundi soir après avoir
été victime d’une crise cardiaque. La fausse nouvelle ajoutait que son
décès avait ensuite été constaté. Pour tenter de donner plus de
crédibilité au canular, la dépêche erronée affirmait que l’hôpital avait
confirmé ces informations.
Mardi matin, à l’entrée du conseil des ministres à Québec, un Jean
Charest très souriant et bien vivant a affirmé avoir appris la nouvelle
en faisant ses exercices matinaux.
« Je me suis dépêché à aller regarder dans le miroir (pour voir) si
j’étais encore là », a-t-il lancé à la blague. « Ces choses-là sont
toujours étonnantes. »
Le premier ministre a remercié la direction du quotidien pour avoir
rapidement démenti l’information. « Je dois dire que le journal Le Devoir
a réagi très promptement », a-t-il affirmé.
Visiblement amusé, M. Charest a enchaîné les blagues sur l’incident. « Ce
n’est pas la première fois que Le Devoir annonce ma mort, mais c’est la
première fois qu’il l’aborde sous cet angle-là », a-t-il ajouté, en
référence aux positions éditoriales du journal.
Vers 3 h 30 mardi matin, le quotidien a démenti la nouvelle, après avoir
peiné à reprendre le contrôle du site. Josée Boileau, rédactrice en
chef du Devoir, a expliqué en entrevue téléphonique avec La Presse
Canadienne que l’accès avait été suspendu, probablement par le pirate.
« On n’arrivait pas à avoir accès à notre site pour changer la nouvelle.
Ça s’est débloqué vers 3 h 30 ou 4 h du matin », a-t-elle précisé.
Entretemps, et même en pleine nuit, les réseaux sociaux se sont emparés
de la nouvelle. Les internautes, souvent incrédules, ont relayé
l’information, immédiatement démentie par au moins un journaliste du
service politique du quotidien.
« Elle avait déjà été amplement reprise, a relaté la patronne de la
rédaction du Devoir. Ça va tellement vite maintenant avec les médias
sociaux et tous les sites internet. Il fallait aussi penser à bloquer la
nouvelle de ce côté-là. »
Mme Boileau a affirmé qu’il s’agissait sans aucun doute d’une attaque
externe, ne pouvant croire qu’un employé du quotidien ait piraté son
site. « On ne voit absolument pas un de nos employés faire ça. Pour le
moment, c’est un scénario qu’on n’envisage pas », a-t-elle expliqué.
« On essaie de voir à l’interne et il n’y a rien qui pourrait nous
laisser croire que ce soit un employé du Devoir qui a fait ça. Le climat
de travail est très bon présentement, on n’est pas dans des tensions. »
Selon l’ex-« Mafiaboy », le type d’attaque dont Le Devoir a été victime
s’appelle en anglais le « defacement » (défigurer). L’objectif des pirates
derrière ces coups d’éclat serait surtout de s’amuser, puisqu’ils
auraient sûrement pu infliger davantage de dommages au système
informatique, pense Michael Calce.
« Le piratage est devenu plus commun et nous allons en voir de plus en plus dans les prochaines années », a-t-il prédit.
« Ce ne sont pas seulement les entreprises canadiennes – ce sont toutes
les entreprises. Pour plusieurs d’entre elles, la sécurité n’est qu’un
détail. Ils n’investissent pas assez. Ils pensent qu’il ne se feront
jamais pirater, qu’il ne seront jamais victimes. »
Selon M. Calce, les entreprises de presse pourraient être davantage visées que les autres compagnies à cause de leur visibilité.
Mme Boileau a indiqué que l’équipe en charge de la gestion du site
internet tente actuellement de faire la lumière sur l’attaque. « Nos
programmeurs sont en train d’essayer de remonter la filière pour tirer
ça au clair », a-t-elle ajouté.
Le site était toutefois hors ligne mardi avant-midi.
Le site internet du Devoir ne connaissait aucun problème de sécurité et
jusqu’à mardi, Mme Boileau le considérait comme bien protégé. Mais « en
pratique », les choses sont visiblement bien différentes, a-t-elle admis.
La rédactrice en chef a offert ses excuses au premier ministre ainsi qu’aux lecteurs du quotidien.
Croit-elle que la crédibilité du journal en souffrira?
« On a quand même 101 ans de crédibilité derrière nous, donc j’ose penser
que ce n’est qu’une mauvaise journée à passer », espère-t-elle. « Mais
c’est une très mauvaise journée. »