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Procès Ghomeshi: La mémoire de l’actrice Lucy DeCoutere mise en doute

Photo: THE CANADIAN PRESS

L’avocate de Jian Ghomeshi a mis en doute, jeudi, la mémoire et le comportement de la deuxième plaignante venue témoigner au procès de l’ex-animateur vedette de la radio de la CBC, accusé d’agressions sexuelles.

L’avocate de la défense, Marie Henein, a accusé Lucy DeCoutere — elle a renoncé à son droit à l’anonymat — d’avoir omis des détails clés en parlant à la police.

Martelant le témoin, Me Henein a demandé à Mme DeCoutere pourquoi elle n’avait pas parlé à la police de certains courriels envoyés à M. Ghomeshi après l’agression présumée.

Me Henein a souligné que l’actrice en avait fait part seulement cette semaine à la Couronne après que la première plaignante eut été confrontée à ses propres courriels envoyés à l’accusé.

“Il en est question pour la toute première fois car vous pensez que la défense pourrait avoir certains de ces courriels qui vous inquiétaient”, a fait valoir Me Henein.

“Je ne saisissais pas l’importance des incidents après-contact. Je croyais aussi, à cause de mon ignorance du système, que je serais interrogée par la Couronne d’une manière qui me permettrait d’élaborer sur ma déclaration”, a expliqué Mme DeCoutere.

Elle a dit s’être inquiétée que des échanges après l’agression présumée puissent représenter une “surprise” en contre-interrogatoire.

“Est-ce que vous voulez bien dire à son Honneur la véritable conversation qui avait lieu”, a insisté Me Henein.

“Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous voulez dire”, a répondu Mme DeCoutere, tout juste avant que les procédures ne prennent fin pour la journée, suscitant des soupirs de gens assistant à l’audience.

L’actrice Lucy DeCoutere a dû aussi expliquer à l’avocate de la défense pourquoi elle n’avait jamais parlé aux policiers d’un dernier baiser échangé le jour de l’agression présumée, en 2003. Pourtant, a plaidé Me Marie Henein, sa mémoire semblait excellente lorsqu’elle a donné des entrevues après le congédiement de M. Ghomeshi par la CBC à la fin de 2014.

Interrogée plus tôt par la Couronne, Mme DeCoutere a soutenu que l’accusé l’avait invitée chez lui à Toronto, en 2003, après un souper en ville. Peu de temps après leur arrivée, l’accusé aurait commencé à l’embrasser, puis l’aurait saisie à la gorge, poussée contre un mur et giflée au visage à plusieurs reprises, selon le témoin.

“Ça a débuté d’un coup, pas du tout graduellement: il a commencé à m’embrasser assez soudainement, et puis ça s’est arrêté lorsqu’il m’a poussée contre le mur, et selon mon souvenir, il me frappait quelques fois, puis me regardait, et il me frappait encore, puis s’arrêtait”, a-t-elle soutenu.

Mme DeCoutere, qui est capitaine dans l’Aviation royale canadienne, soutient qu’elle n’avait jamais consenti à être étranglée ou frappée, et que c’est M. Ghomeshi qui avait commencé à l’embrasser. Elle a raconté au tribunal qu’elle se souvient avoir suffoqué durant l’agression, et qu’elle avait été complètement étonnée par cette scène, qui a duré environ 10 secondes. C’était aussi la première fois qu’elle était giflée, a-t-elle dit.

Mme DeCoutere a aussi indiqué qu’elle n’avait pas l’intention d’avoir des rapports sexuels en allant chez l’accusé ce soir-là et qu’après l’agression présumée, elle est demeurée chez M. Ghomeshi, assise près de lui sur le canapé à l’écouter jouer de la guitare, pendant une heure.

Pourquoi n’est-elle pas partie après l’agression présumée? Mme DeCoutere a expliqué au tribunal qu’elle ne voulait pas être impolie ou mettre Jian Ghomeshi en colère — qu’elle voulait calmer le jeu. “Je sais qu’aujourd’hui, ça semble choquant que je sois restée là, mais c’est comme ça. Je me suis dit que cette agression était peut-être exceptionnelle, qu’on fait tous des gaffes (…) Je ne savais vraiment pas quoi penser de tout ça.” D’autant que M. Ghomeshi, lui, se comportait comme si rien ne s’était passé, a-t-elle dit.

L’été suivant, ils se sont revus à une conférence à Banff, en Alberta, où ils s’étaient connus l’année précédente. Lors d’une séance de karaoké, M. Ghomeshi serait monté sur la scène et lui aurait enlevé le microphone des mains pour entonner la chanson de Britney Spears “(Hit Me) Baby One More Time” (Frappe-moi encore une fois, mon bébé). “Il m’a arraché le micro des mains — comme un bizarre coup de force”, a-t-elle témoigné jeudi.

Un peu plus tôt, lors d’un gala de remise de prix à Banff, M. Ghomeshi aurait posé ses mains sur sa gorge en lui rappelant ce qu’il lui avait déjà fait précédemment, a raconté Mme DeCoutere, une actrice surtout connue pour son rôle dans la télésérie et les films “Trailer Park Boys”, où elle jouait Lucy, une flamme du personnage de Ricky.

Jian Ghomeshi, âgé de 48 ans, qui a animé la populaire émission culturelle “Q”, à l’antenne de la radio publique, a plaidé non coupable à quatre chefs d’agression sexuelle et un chef d’avoir tenté d’étouffer, de suffoquer ou d’étrangler une personne dans le but de vaincre sa résistance. S’il est reconnu coupable d’agression sexuelle, il est passible d’une peine maximale de 18 mois de prison. L’accusation de tentative d’étouffement, par contre, pourrait lui valoir une peine de prison à perpétuité.

La photo en bikini

Plus tôt au procès, jeudi, le juge a rejeté la requête de certains médias qui voulaient obtenir la photo en bikini envoyée à l’accusé par le précédent témoin. Le juge a estimé que la cour avait le devoir de protéger la vie privée des plaignantes et de réduire le traumatisme qu’elles doivent subir.

Au deuxième jour du procès, mardi, la cour apprenait que la plaignante avait envoyé sa photo en bikini à M. Ghomeshi 18 mois après qu’il l’eut apparemment agressée à deux reprises. Le “Toronto Star”, CTV, Global TV et Postmedia ont demandé jeudi au juge de pouvoir diffuser la photo, dans l’intérêt public, puisqu’elle pourrait constituer un élément-clé de la preuve. Les médias promettaient de brouiller le visage de la femme pour préserver son anonymat.

La Couronne et l’avocat de la plaignante se sont vigoureusement opposés à cette requête. Le procureur de la Couronne Michael Callaghan a notamment plaidé que la publication de la photo pourrait dissuader d’autres victimes de dénoncer leur présumé agresseur et de venir témoigner.

Le juge William Horkins s’est rangé à cet avis. “Je ne crois pas qu’il faille voir la photo pour saisir” sa portée dans l’affaire, a statué le juge. Par contre, “les plaignantes doivent savoir que les tribunaux prennent très au sérieux leur rôle de gardien” de leur vie privée, a-t-il tranché.

Plus tôt cette semaine, l’une des trois femmes qui ont accusé M. Ghomeshi a admis, en contre-interrogatoire, que plusieurs mois après les présumées agressions, elle avait envoyé des courriels à M. Ghomeshi dans lesquels elle tentait de reprendre contact avec lui. La plaignante a expliqué à l’avocate de la défense qu’elle avait envoyé ces courriels à l’animateur comme “appâts”, afin qu’il communique avec elle et qu’elle puisse lui demander d’expliquer ses gestes violents.

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