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Aide à mourir: critique du Barreau du Québec

OTTAWA – Le Barreau du Québec a ajouté sa voix au concert de critiques qui émettent des doutes quant à la constitutionnalité du projet de loi fédéral C-14 sur l’aide médicale à mourir.

Des représentants de l’ordre professionnel ont comparu lundi devant un comité parlementaire, et ils ont été sans équivoque: la pièce législative ne respecte pas la décision rendue par la Cour suprême du Canada.

Le projet de loi «devrait être modifié pour respecter les critères de l’arrêt Carter et ainsi éviter des contestations judiciaires qui devront être menées par des personnes qui ne devraient pas avoir à supporter un tel fardeau», a argué le Barreau.

Car «il y a tout un pan de personnes à qui le jugement de la Cour suprême donne le droit d’accès à l’aide médicale à mourir à qui le projet de loi C-14 le retire, dont les personnes atteintes de maladies graves et irrémédiables mais qui ne sont pas près de mourir», a illustré l’avocat Jean-Pierre Ménard.

Il a notamment recommandé de biffer «purement et simplement» de la mesure législative la notion «trop floue, trop incertaine, trop élastique» de mort naturelle raisonnablement prévisible, qui «ne figurait pas parmi les critères dans la décision de la Cour suprême».

Le critère semble également inadéquat aux yeux de la directrice générale du Collège des médecins de famille du Canada, la docteure Francine Lemire.

Selon elle, «avoir plus de clarté dans ce domaine-là» serait souhaitable.

«Sans être trop prescriptif [sic], si on est capable d’encadrer ce critère-là un petit peu mieux, cela aiderait les professionnels de la santé et les patients qui pourraient considérer avoir l’aide médicale à mourir», a-t-elle dit en entrevue après avoir témoigné devant le comité.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, n’a pas voulu dire si elle était ouverte à amender son projet de loi pour revoir ce critère, se contentant d’assurer qu’elle écouterait les doléances des élus, sénateurs, associations et groupes de la société civile.

Une autre critique qui a été fréquemment soulevée en comité, lundi, concerne la liberté de conscience des médecins. Les conservateurs, surtout, aimeraient qu’il soit écrit noir sur blanc dans le projet de loi que ce principe sera protégé.

La ministre de la Santé, Jane Philpott, ne semble pas avoir l’intention d’accéder à cette demande. Une telle disposition n’a pas sa place dans un projet de loi fédéral visant à amender le Code criminel, a-t-elle plaidé en comité comme en mêlée de presse.

Me Ménard voit les choses du même oeil qu’elle. Le gouvernement fédéral a pris une «sage décision constitutionnelle» en n’incluant pas cet aspect dans le projet de loi C-14, a-t-il fait valoir.

«C’est une compétence purement provinciale. Les clauses de conscience ne relèvent pas du droit criminel, mais bien de la déontologie médicale», a-t-il soumis.

De son côté, la présidente d’End of Life Planning Canada, Françoise Hébert, a carrément imploré le gouvernement de changer son fusil d’épaule et d’inclure dans le projet de loi C-14 le droit au consentement préalable, comme l’avait recommandé le comité parlementaire mixte spécial qui s’était penché sur le texte législatif.

Assis à sa droite autour de la table du comité, le docteur Will Johnston, président de la Coalition de prévention de l’euthanasie de la Colombie-Britannique, a comparé le consentement préalable à un tatouage raté, choisi sous le coup de l’impulsion, que l’on doit garder toute sa vie.

Un coup d’accélérateur

À leur rentrée au Parlement, lundi, les députés ont appuyé sur l’accélérateur pour faire adopter C-14 avant la date butoir du 6 juin — la ministre Wilson-Raybould a de nouveau prévenu qu’un vide juridique serait intenable.

Cette semaine, les débats auront lieu simultanément à la Chambre des communes, en comité parlementaire et en comité sénatorial, une procédure législative peu habituelle.

Les élus doivent siéger jusqu’à très tard lundi et mardi, avec l’objectif d’adopter le projet de loi en deuxième lecture avant la fin de la semaine, a indiqué une source libérale.

Le débat en Chambre, qui s’était amorcé il y a un peu plus d’une semaine, a repris lundi midi avec l’intervention de députés conservateurs anti-euthanasie et d’une députée libérale émue.

L’élue en question, l’Ontarienne Pam Damoff, a eu peine à contenir son émotion en se remémorant une conversation avec son père mourant.

Comme son collègue libéral Rob Oliphant l’avait fait avant elle, la députée a soutenu que le projet de loi C-14 n’allait pas suffisamment loin à son goût, mais qu’elle l’appuierait malgré tout.

Ce ne sera pas le cas des députés conservateurs Garrett Genuis et Harold Albrecht, qui ont pris la parole aux Communes pour signaler qu’ils s’opposeraient à ce texte législatif.

Pour le député Albrecht, même un projet de loi amendé serait inacceptable, car l’aide médicale à mourir entre en contradiction avec ses valeurs les plus profondes.

«Chaque vie compte. Nul besoin, donc, de préciser que je n’appuie pas l’aide médicale à mourir, l’euthanasie ou toute autre mesure législative qui diminuera la valeur de la vie humaine», a résumé le député de l’Ontario.

«Ma vision du monde est influencée par mes expériences de vie, mais encore plus fondamentalement, elle a été façonnée par ma foi», a ajouté M. Albrecht.

Les débats en Chambre devaient se poursuivre jusqu’à minuit, lundi.

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