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Alias Grace: «Une époque précaire pour les femmes»

Alias Grace Photo: Jan Thijs/Netflix
Rachael Vaughan Clemmons - Metro World News

Sarah Polley est une femme occupée. L’artiste aux multiples chapeaux – actrice, réalisatrice, scénariste et militante politique – est aussi productrice pour Alias Grace, une minisérie de la CBC basée sur un autre roman de Margaret Atwood.

«Ce fut une expérience extraordinaire de finalement voir ce projet se matérialiser à l’écran», raconte celle qu’on a connue toute jeune dans Les Contes d’Avonlea. La native de Toronto a lu Alias Grace (Captive en version française) à l’adolescence et a immédiatement voulu l’adapter à l’écran. Elle a finalement obtenu les droits à l’âge de 30 ans. La série a fait ses débuts à l’international sur Netflix ce mois-ci après avoir été lancée à CBC.

Évidemment, cette série suscite les comparaisons avec The Handmaid’s Tale (La servante écarlate), un autre roman de Margaret Atwood adaptée pour la télévision, qui 
a récemment connu un grand succès populaire et critique. Mais si La servante écarlate suivait le destin de femmes dans un avenir dystopique, La 
captive s’intéresse à une histoire vraie ancrée dans le passé. Alias Grace est un récit fictif basé sur l’histoire véritable de Grace Marks, une 
domestique irlandaise reconnue coupable du meurtre de son employeuse et de son amant dans les années 1840 
au Canada.

La série est toutefois beaucoup plus axée sur la personne de Grace Marks que sur sa présumée culpabilité. «Elle fut une de ses femmes sur qui les gens projetaient toutes sortes de choses, estime Polley. Elle était une belle fille de 16 ans, elle fascinait les gens. Des hommes étaient amoureux d’elle et la croyaient totalement innocente. D’autres ont décidé qu’elle devait être coupable. Le mystère subsiste quant à sa personnalité et à son parcours. Elle n’a jamais pu parler pour sa propre cause.»

Structures patriarcales
Alias Grace fait partie de ces séries, de plus en plus nombreuses, qui présentent des femmes en lutte contre les structures patriarcales.
Polley a déjà raconté sa rencontre avec Harvey Weinstein. Alors qu’elle était âgée de 19 ans, le producteur aujourd’hui déchu lui avait offert d’aider sa carrière en échange d’une «relation particulière».

«Ce n’est pas seulement le problème de notre industrie, c’est un problème dans tous les secteurs d’activité, insiste-t-elle. C’est une question non seulement de genre mais aussi de race et de classe sociale. Nous vivons au cœur d’une structure de pouvoir et d’un système économique fondé sur l’inégalité, l’injustice et la marginalisation. Il est très important de comprendre les façons dont nous sommes complices de ces injustices. C’est la première étape vers une discussion plus englobante.»

«Nous vivons à une époque précaire pour
les femmes et pour
toutes les personnes
qui sont marginalisées. C’est très inquiétant.» –Sarah Polley, scénariste et productrice 
de la minisérie Alias Grace

L’actrice reconnaît qu’il lui a fallu du temps – «beaucoup trop» – pour prendre conscience des disparités raciales, particulièrement dans les médias. «Nous sommes tous complices d’une certaine façon d’un système plutôt raciste et discriminatoire sur plusieurs plans», croit-elle.

Regarder d’un œil critique ses propres films et remarquer le manque de diversité qui les caractérise a été particulièrement révélateur pour elle. «J’ai connu un véritable éveil, qui se poursuit encore aujourd’hui. Je ne pense pas qu’en tant que personnes blanches issues de la classe moyenne, on se rende compte à quel point on est ignorant de certaines réalités. Pour en sortir, il faut poser des questions. Ça fait partie de mon travail afin d’être une meilleure personne.»

Polley, qui attribue son éveil en grande partie au mouvement Black Lives Matter, affirme que son prochain projet donnera la parole à un collectif de femmes. Elle veut également créer un espace où les personnes victimes de racisme pourront raconter leur propre histoire à leur façon. «En tant que cinéaste blanche, je ne pense pas que ce soit à moi de raconter l’histoire d’autres communautés. Mais former un espace de création où les gens pourront écrire leur propre histoire puis aider à la porter à l’écran, c’est très excitant.»

Alias Grace
Les six épisodes sont 
disponibles en version 
originale anglaise à cbc.ca

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